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Presquevoix...

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5 novembre 2011

Tu veux faire quoi ?

Quand elle lui a demandé ce qu’il voulait faire plus tard, il a répondu sans hésiter.

-    Retraité.

Elle a refreiné le " Quoi ? à ton âge ! " qu'elle avait sur le bout de la langue et elle a souri. Après tout, ne rêvait-elle pas de la retraite, elle aussi ? Seulement, elle avait 35 ans de plus que lui !

4 novembre 2011

Les vases communicants

Le Tiers livre   et Scriptopolis  sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. La liste complète des participants se trouve ici  grâce à Brigitte Célérier.

Aujourd'hui, l’échange a lieu entre  Le Tourne-à-gauche, avec l'accueil ci-dessous de D. Hasselmann, et Presquevoix, reçu là-bas.

 

Les monstres ont-ils la nausée ? (2/2)

Où se trouvait la frontière ? Les barrières avaient été abolies, mais la circulation devenue libre se heurtait aux contrôles de la douane volante (ceux qui revenaient de Hollande). Les interdits, le nombre de cartouches de cigarettes tolérées – ces Craven A et leur bout de liège – n’étaient pourtant qu’un lointain souvenir pour le parfum des lèvres et l’écarquillement des yeux.

Dans le sous-sol du garage, je mettais la dernière main à mes productions. Il existait un marché pour ça, l’étude l’avait montré, chacun cherchait la « distinction » par rapport aux autres ; l’image de la puissance montrait l’impact de l’imagination.

La course en avant ne pouvait s’arrêter car elle reposait sur la compétition instaurée par la société elle-même : il fallait être le plus grand, le plus fort, le premier. Sortir de la masse, de la norme, de l’uniforme, ne ressembler à personne, créer un modèle auquel les autres viendraient, attirés comme des mouches par le miel, s’agglutiner, puis s’identifier, se fondre et se dissoudre.

Ce logiciel que j’avais inventé s’implantait facilement sous la peau – j’avais tout simplement copié le système des puces RFID : il détruisait tout ce qui dans la personnalité du porteur pouvait le faire apparaître hors normes. Les comportements « déviants » étaient ainsi supprimés automatiquement (nul besoin de détecter les enfants « à risque » dans les écoles maternelles).

Certains journalistes, mis au courant de mon projet par une « fuite » malencontreuse, avaient écrit qu’il s’agissait d’une « monstruosité » digne de George Orwell, et que je devrais être enfermé ; mais personne ne savait où je logeais et mon pseudonyme à nom de revolver me laissait de la marge.

Parfois, je me demandais d’ailleurs pourquoi la langue française n’avait pas inventé un mot pour ce qui relevait purement de la tératologie : moooooooooooooooooooooooooooooonstruoooooooooooooooooooooooooooooosité, cela aurait pu faire peur et dissuader, qui sait, quelques apprentis sorciers.

Tandis que je sortais sur la chaîne de montage mes puces iMonster®, au rythme d’une centaine par jour, j’étais pris parfois d’une étrange nausée : était-ce bien raisonnable de vouloir faire passer sous la toise et raboter d’autorité toute une partie de la population (les immigrés, les SDF, les chômeurs, les homos ou les lesbiennes, les parents adoptifs, les gauchistes ou les anti-G20, certains « socialistes », les anarchistes, les indignés et les écoeurés, les poètes chevelus ou les artistes chauves…) ?

De temps en temps, j’interrompais ma tâche (j’avais gardé quelques scrupules moraux) et j’allais dégobiller dans la bassine en plastique, puis j’avalais une gorgée de Jack Daniel’s avant de me remettre au turbin. La commande était claire et son terme fixé précisément : approvisionner le ministère de l’Intérieur avant le 6 mai 2012.

 

Monster 20

 (Photo prise le 20 octobre vers Neuilly-sur-Seine. Cliquer pour agrandir.)

Texte et photo : Dominique Hasselmann

3 novembre 2011

Que fait la pluie ?

Quand elle lui avait demandé pourquoi il lui mentait toujours, il lui avait posé une question saugrenue, comme à son habitude.

- Et que fait la pluie ?

Elle répondit qu'elle faisait des claquettes. Pourtant, elle n'avait pas le coeur à sourire.

- Non, la pluie tombe, comme nous tombons amoureux, lui répondit-il solennel.

Elle palit.

- Alors c'est fini ?

- Tout de suite les grands mots !


Elle ne se satisfit pas de sa réponse et le somma de lui dire la vérité, toute la vérité.

- Ça ne durera pas.
- Mais encore ? Ajouta-t-elle.

Il lui prit le visage entre les mains et, après avoir embrassé délicatement le bout de son nez, il conclut.

- Une semaine, tout au plus.

Elle fut rassurée. La dernière fois que la pluie était tombée, cela avait duré 6 mois.

PS : texte écrit dans le cadre des “impromptus littéraires”

2 novembre 2011

Les Anglais

On était au rayon surgelé du supermarché et elle m’avait demandé où je partais pendant mes vacances ; je lui avais répondu simplement.

-    En Angleterre.

C’est à ce moment-là qu’elle m’a servi sa diatribe sur l’Angleterre et les Anglais.

-    Comment ? Me dis pas que tu vas filer du fric à ces égoïstes qui  veulent même pas de l’euro et qui  sont même pas capables d’aligner deux mots en français ! Ya pas pire qu’un anglais ! Enfin si, deux anglais !

Et en plus, elle se trouvait drôle. Je savais que, deux ans plus tôt, elle s’était séparée de son mari qui était anglais. J’imagine qu’elle lui en voulait encore et que l’Angleterre servait à épancher sa poche d’humeur maritale. J’ai voulu passer au rayon « produits frais », mais elle  a bloqué mon chariot de son corps et a rajouté.

-    Et tu sais qu’en plus ils baisent mal, les Anglais ?

J’ai rétorqué, gênée.

-    Mais, mais … j’y vais pour faire du tourisme !
-    Je me doute, a-t-elle répliqué, mais si l’envie te prenait, je te les déconseille formellement.

A ce moment-là, j’ai empoigné fermement mon chariot  et j’ai commencé à faire mine de partir, mais elle n’avait pas fini.

-    Tu sais que j’ai été mariée à un Anglais ?
-    Oui, bien sûr, puisque vous étiez venus manger à la maison tous les deux.
-    C’est pour ça que je peux en parler en connaissance de cause ! Il n’y a pas de peuple plus autiste et plus coincé que les Anglais. Et puis leurs hôtels ! Leurs hôtels c’est de la merde, sans parler de leurs transports en commun…

La situation devenait on ne peut plus embarrassante ; elle parlait de plus en plus fort en faisant de grands moulinets avec ses bras. J’ai soudain trouvé une porte de sortie.

-    Tu sais que je vais me remarier ?
-    Non, je l’ignorais. Et avec qui ?
-    Avec un anglais !

J’ai vu son corps se ratatiner et son visage se décomposer ; j’en ai profité pour battre en retraite !

1 novembre 2011

Les essuie-glaces

Depuis un an, Il volait des essuie-glaces. Il se demandait ce qui le poussait à arracher, de nuit comme de jour, des essuie-glaces dont il ne faisait rien, sinon les stocker dans une remise au fond du jardin. C’est sa femme qui lui donna la clef du mystère en découvrant le pot aux roses.

-    Tu es cinglé ou quoi ? Tiens, tu devrais bien t’en servir pour  chasser toutes les saloperies qui encombrent ton cerveau !

Mais oui, c’était bien ça, il devait chasser ses mauvaises pensées. Mais comment, concrètement, pouvait-il se débarrasser de toute la rancœur qu’il nourrissait contre sa femme ?

1 novembre 2011

La propreté

Il avait l’obsession de la propreté. Il avait commencé par les mains, lavées et relavées sans relâche, puis les aisselles et les pieds. Maintenant, ses ablutions en étaient arrivées à un point tel qu’il n’avait même plus le temps de sortir de chez lui…

31 octobre 2011

L’écrivain

Depuis quelques années ce grand écrivain – ou tout au moins qui se jugeait comme tel – ne lisait plus que ses livres, un hommage qu’il se rendait. Quand on lui demandait son avis sur d’autres romanciers, il souriait et répondait invariablement :  ils ne m’apportent rien !

30 octobre 2011

Le droit au bonheur

Tous les soirs c’était la même « farce », il lui déchirait les tympans avec ses solos de guitare électrique. Qu’il se prenne pour Jimmy Page, soit, mais pas à 20 heures, quand il rentrait du travail harassé ! Il lui avait dit de baisser sa sono sur tous les tons, mais rien à faire. S’il avait parlé à un chimpanzé, les résultats se seraient certainement moins fait attendre.

Quand il frappait à la porte de la chambre, un grognement lui répondait, et quand il entrait, il voyait  la longue tignasse de son fils, agitée de spasmes, qui balayait le manche de sa guitare. Des cahiers, des partitions, des feuilles et des chaussettes sales jonchaient le sol, des chemises étaient jetées en boule dans un coin de la pièce et l’encens masquait difficilement une odeur de fauve. Il ne pouvait plus le supporter. Trop dur. Il était à bout. Et s’il le renvoyait  chez sa mère ? Bon débarras après tout. Il pourrait enfin faire l’amour avec Marielle dans la salle à manger qui lui servait de chambre sans se sentir coupable et sans avoir à réprimer ses cris de jouissance. Sa mère comprendrait enfin ce que c’est que d’élever un Néandertalien de 1 mètre 80, adepte de la monosyllabe, dont les yeux ne s’éclairent que pour vous laisser entendre que vous n’êtes qu’un « vieux con » !

C’était décidé, dès ce soir il lui enverrait un mail pour lui demander de le prendre chez elle, elle avait déjà eu deux ans de tranquillité, elle ! Et tant pis pour l’année scolaire qui venait de débuter ; après tout, il avait bien droit au bonheur lui aussi !

29 octobre 2011

Décrocher la lune

Une fois la lune décrochée, elle la plierait méticuleusement dans un drap blanc puis elle la rangerait dans une valise, comme elle l'avait fait pour le reste. Une valise de plus qu'elle pousserait dans le couloir où il lui restait juste assez de place pour se faufiler.

28 octobre 2011

La vie de bureau (2)

Chaque fois que quelqu’un entrait dans son bureau, à la Direction de l’Encadrement, elle était pendue au téléphone. On l’entendait dire  « Excuse-moi, je te rappelle plus tard » et elle raccrochait en vous adressant le plus aimable des sourires. Cette gentillesse de façade pouvait faire illusion, pourtant c’était la plus redoutable des langues de vipères. Lors de son départ à la retraite, elle eut droit - grâce à un duo de choc de la Direction des affaires financières -  à une petite chanson sur l’air du « poinçonneur des lilas »

J’suis la vipère du ministère,
La fille qu’on croise et qu’on ne regarde pas,
Ya pas de secrets sur la terre,
Pas de manières,
Pour tuer l’ennui, j’ai dans ma veste,
Tous les potins du Ministère,
Et ces potins c’est du sang frais,
 De petites bombes, des gaz lacrymogènes,
Pendant ce temps c’est moi qui règne, au Ministère,
Parait que tout le monde me craint
Mais moi je sais j’ai l’air de rien

Des potins, des potins, encore des potins
Des potins, des potins, encore des potins
des potins salaces ou des d’seconde classe
Des potins, des potins, encore des potins
Des potins, des potins, encore des potins
Des p'tits potins, Des p'tits potins, Des p'tits potins, Des p'tits potins…

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