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Presquevoix...

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7 octobre 2011

Vases communicants

Le Tiers livre  et Scriptopolis   sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
La liste complète des participants se trouve ici, grâce à Brigitte Célérier.

Merci à L’Autreje - dont j'apprécie l'optimisme et le regard sur le monde - de m'avoir invitée. Voici son texte, le mien est sur son blog. Le point de départ a été ce merveilleux "cabanon".  

 

 

Le cabanon au fond du jardin.

cabanonJ’avais déjà visité une dizaine de maisons quand le notaire de la Chapelle-Hermier me téléphona. Il avait appris que je cherchais à m’installer dans le coin et il avait sur les bras une maison à vendre. J’avais regardé sur une carte et calculé que la mer n’était qu’à une vingtaine de kilomètres. Cela m’allait. La maison était inhabitée depuis trois ans, la propriétaire, vieille fille sans enfant avait terminé sa course dans la maison des Pommiers blancs, errant dans les couloirs après un instant de moins en moins présent. Elle était morte depuis 6 mois déjà. Le notaire avait réussi à entrer en contact avec le seul héritier, un lointain neveu parti à la conquête de l’Australie. Le neveu avait fait savoir qu’il ne viendrait pas en France et qu’il chargeait le notaire de s’occuper de tout. J’avais deux photos de la maison entre les mains, vue de face et vue de dos. Plus je scrutais les détails, plus elle me plaisait cette maison et puis surtout il y avait un grand jardin avec des arbres, j’avais reconnu un cerisier. C’est donc avec enthousiasme que je pris la route. Je suis arrivée au rendez-vous avant le notaire, je voulais m’imprégner de l’endroit, tenter de sentir s’il m’accepterait. L’air était doux ce matin et une légère brise faisait chanter les feuillages. Il est arrivé avec une sacoche et les clés. D’abord le portail, puis la porte d’entrée. Je ne l’écoutais pas, je cherchais juste à entendre la maison. Je me souviens lui avoir demandé comment s’appelait la vieille dame.

- Mademoiselle Blanchard.
- Oui, mais son prénom ?
- Un instant me dit-il en plongeant la main dans sa sacoche pour en retirer un dossier.

Il s’est appuyé sur la commode de l’entrée me laissant faire connaissance avec la maison. Elle me plaisait, je ne sais pas pourquoi, mais elle me plaisait. Bien sûr, tout était à refaire, il y avait du boulot, mais je sentais ses bras s’ouvrir pour moi.

- Marguerite ! Cria-t-il, elle s’appelait Marguerite, Marie, Eugénie, Thérèse.

Marguerite, je me souviens avoir répété ton prénom plusieurs fois.

- On va voir le jardin ? Me proposa le notaire.

Sans un mot je le suivis, Marguerite, qui es-tu Marguerite, veux-tu que je vive dans ta maison, dis-moi si tu as été heureuse ici, dis-moi Marguerite, qui es-tu ?

Le jardin était à l’abandon, les framboisiers avait envahi le potager, partout poussaient des petits fraisiers aux fruits minuscules. Je me suis retournée pour retrouver la vue de dos de la maison, comme sur la photo.

-…C’est sûr, il y a du travail, mais le coin est sympathique et vous avez de l’espace, le jardin est grand, vous voyez là-bas le cabanon au fond, c’est la limite du terrain.
- On peut aller jeter un coup d’œil ?
- Oui, bien sûr, il reste des vieux trucs dans le cabanon, des piles de journaux et puis aussi un vieux coffre à jouets.

La porte était fermée avec un simple loquet qui couina tandis que je tentais de dégager la tige rouillée. Une odeur de vieux papiers, des boîtes de chaussures au carton piqué et sur le sol en bois un vieux coffre au couvercle bombé cintré par deux vieilles ceintures en cuir. Ma curiosité était vive.

- Je peux l’ouvrir ?
- Si vous voulez ! Bon je reste dehors, je vous attends.

Je dégageai les ceintures, des ceintures d’homme de toute évidence, tout en pensant à Marguerite. J’aurais bien aimé la connaître, elle était morte à 95 ans, un personnage m’avait dit le notaire. Les attaches défaites, le couvercle du coffre lutta encore un peu avant de se donner. La surprise fut telle que je tombai à la renverse, emportant avec moi la pile de journaux. Inquiété par le bruit le notaire accouru.

- Rien de grave au moins ?

J’étais incapable de répondre, sonnée par la surprise et par la douleur de mon postérieur. Le notaire m’aida à me relever. Bouche ouverte mais dans l’incapacité de parler je montrai du doigt le contenu du coffre.

- Et bien oui, ce sont des jouets d’enfants, je vous l’avais dit !
- Oui, oui… mais... mais ce sont mes jouets !

6 octobre 2011

L’éveil

Ce matin-là, elle avait acheté l’éveil de Bernay, non pour le lire, mais pour ramasser les crottes du chien qui maculaient sa pelouse. C’est tout au moins ce qu’elle  avait dit au marchand de journaux…

5 octobre 2011

La visite

Désespéré par le manque de travail de ses élèves de troisième, ce professeur de mathématiques avait décidé de faire intervenir, à ses frais, un intermittent du spectacle dans sa salle de classe. Les consignes qu’il lui avait données étaient claires.

-    Vous serez le Christ. J’imagine que vous avez un déguisement qui pourrait convenir ? Pas trop déshabillé, bien sûr, la direction ne plaisante pas avec la tenue. Vous parlerez aux élèves par paraboles, et surtout, surtout, vous insisterez bien sur le fait que le miracle, c’est eux ! Aucun progrès ne pourra se faire sans une coopération active de leur part. Voilà pour le fond, maintenant pour  le reste, je vous fais confiance, l'homme de théâtre, c'est vous.

L’intermittent comprit sa mission et ne se fit pas prier pour accepter ce défi. Suite à la visite du Christ dans son cours – une visite que les élèves de troisième de l’école St Vincent de Paul n’étaient pas prêts d’oublier -  le professeur fut appelé dans le bureau du proviseur. Celui-ci, courroucé et le verbe haut, le menaça d’un renvoi. L’enseignant ne comprit pas. N’était-il pas soucieux de l’avenir de ses élèves ? Ne travaillait-il pas dans le sens des valeurs de l’église Catholique ?

4 octobre 2011

Le manteau

Ils sont dans une salle surchauffée et le juge l’interroge. Il répond d’une voix neutre.

-    Elle ne voulait pas mettre son manteau. Il faisait 5 degrés et elle ne voulait pas mettre son manteau.

Il se souvient qu’il était à bout et que si elle continuait à l’asticoter, il ne pourrait plus se contrôler. Pour la dernière fois, lui avait-il dit,  mets ton manteau !

Non, avait-t-elle hurlé d’une voix qui lui avait vrillé les tympans. Un coup de sang l’avait  pris, il l’avait attrapée par ses vêtements et l’avait envoyée valdinguer contre le mur.

-    Le problème, c’est qu’elle est restée une semaine dans le coma, puis elle est morte,  dit le juge.

Et  lui répond, obstiné.

-    Peut-être, mais elle ne voulait pas mettre son manteau !

3 octobre 2011

Les sacs en plastique

Cette nouvelle chaîne de prêt-à-porter au doux nom de « Evangeliosse » faisait un tabac. Sur chaque sac en plastique vendu 10 centimes, des versets des évangiles étaient inscrits en caractères colorés. L’entreprise, disait-on, était sponsorisée par le Vatican, mais ce n’étaient que rumeurs...

Samedi matin, quand Marie sortit de chez Evangeliosse, elle tenait à la main un sac où s’affichaient deux versets de l'Evangile selon Mathieu :

-    Ne jugez point, afin de n'être point jugés.

-    Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira.

Elle ne compta pas les fois où elle avait été arrêtéé dans la rue. Il y eut même ce type, dans le parc, qui lui demanda si, par hasard, elle ne pourrait pas lui rendre un petit service ; et en même temps, il fit un geste obscène de la main. Elle ne put se contenir et cria :


- Rengaine ton épée : tous ceux qui useront de l'épée, périront par l'épée !

2 octobre 2011

Entre deux eaux

armandoIl avait regardé par-dessus son épaule et lui avait dit.

-    Ne me dis pas que tu lis encore un roman portugais !  Tu ne pourrais pas lire autre chose ?

Elle s’était retournée et avait regardé l’homme, surprise. C’était la première fois qu’elle le voyait. Son visage, tout comme sa voix, exprimaient la colère. Pour qui se prenait-il ?

-    Monsieur, je ne vous connais pas.

Il eut un vague sourire.

-    C’est tout ce que tu trouves à me dire ?

Elle se contenta de répéter.

-     Monsieur je ne vous connais pas, j’en suis sûre.

L'homme fouilla dans son sac à dos, sortit une photo et la lui tendit. Elle vit une femme inconnue qui lisait un livre face à la mer, le même livre qu’elle : « As duas águas do mar »*.

-    Tu te souviens quand même du jour où j’ai pris cette photo ? Ajouta-t-il agacé.

Soudain, elle entendit quelqu’un  au loin qui criait  « Papa ! Papa ! » tout en s’approchant d’eux. L’homme se retourna. Une fois à leur hauteur, la jeune fille s’adressa à elle.

-    Mon père s’est encore perdu, excusez-le !
-    Il n’y a pas de mal, répondit-elle, je crois qu’il m’a prise pour quelqu’un d’autre.

Elle montra la photo que l’homme tenait encore à la main, puis son livre et dit à la jeune fille.

-    Toutes les deux, nous lisons la même chose.

Le visage de la jeune fille se rembrunit et elle murmura.

-    Oui, mais elle, elle est morte l’année dernière sans jamais terminer son livre et lui ne l’accepte pas.

Le père et la fille repartirent.  Quelques instants plus tard,  elle leva les yeux de son livre et crut les voir loin, très loin, longeant la mer qui s’était retirée.

* « les deux eaux de la mer »

PS : texte écrit à partir de cette photo, gentiment prêtée par Armando du blog « nuages de photos »  

1 octobre 2011

Myopie

Myope, elle n’avait vécu que des amours floues. Devait-elle se faire opérer ?

1 octobre 2011

Le décalage horaire

Quand j’ai dit à mon patron que j’étais en retard à cause du décalage horaire,  il m’a asséné un  « Vous, vous fichez de moi madame Dupont, vous étiez dans la Creuse !» Je lui ai répondu vertement. Il faut dire que  j’en ai marre d’être pressée comme un citron ! Je lui ai expliqué que si la Creuse était sur le même fuseau horaire que Paris, je devais néanmoins me réadapter au rythme parisien. Et j’ai conclu énervée.

- C’est pas parce que j’arrive avec une malheureuse demi-heure  de retard que la terre va s’arrêter de tourner !

Bien sûr il n’a rien voulu entendre. Mon patron fait partie de ces hommes qui ont toujours raison quoiqu’il arrive. 10 ans que je travaille avec lui, 10 ans de harcèlement subtil, alors un jour on finit par dire « Halte là ! »

Il est resté silencieux un instant, puis il m’a posé une question que j’ai jugée anodine. J’ai eu  tort de ne pas me méfier :

-    Madame Dupont, m’a-t-il dit de son air le plus affable, combien d’années de maison avez-vous ?
-    10 ans, lui ai-je répondu surprise de ce brusque revirement de ton.

Et là, je ne sais pas ce qu’il lui a pris : il a desserré le col de sa chemise, tombé sa veste, il a ânonné des onomatopées bizarres d’une voix rauque, puis il s’est rué sur moi comme un fou. Avant que j’aie pu faire quoi que ce soit, ses mains emprisonnaient mon cou et il m’aurait tuée si Dumontier, le chef du service logistique, n’était pas grimpé à califourchon sur son dos pour qu’il lâche prise.

Ce jour-là, j’ai compris que mon patron me haïssait au point de vouloir me tuer. C’était il y a trois mois. Depuis, je suis en arrêt maladie. Je reste chez moi. A chaque fois que je veux mettre un pied dehors, j’ai peur qu’on ne veuille m’étrangler, alors je rentre.

Chez moi je ne fais rien. Je passe mes journées à regarder mon cou dans la glace. J’ai encore la trace de ses mains sur ma peau, comme des stigmates. J’ai beau y mettre toutes les crèmes du monde, les traces ne disparaissent pas. J’en ai parlé à mon médecin, lui non plus ne comprend pas, mais il essaie de me rassurer. Il me dit invariablement, de sa voix calme qui finit par m’horripiler « Tout va rentrer dans l’ordre Madame Dupont, ne vous inquiétez pas. »

En tout cas, moi, j’ai l’intuition que  rien ne rentrera plus jamais dans l’ordre. Je vis en décalage permanent, j’ai peur…

30 septembre 2011

Coaching

Il l’avait trouvée belle, très belle, puis moins belle, nettement moins belle et maintenant, il la trouvait presque banale. Il faut dire qu’il était coaché. Oui, il avait eu besoin d’un coach pour supporter le départ de sa femme avec son voisin du dessous. Le salopard, quand il y pensait…
Cela faisait maintenant un an qu’il avait engagé son coach, à raison de quatre séances par mois. S’il continuait ses séances, peut-être que dans un an, il ne la reconnaîtrait même plus dans les escaliers…

29 septembre 2011

La ZAT

Il s’était aménagé en lui, à l’insu de tous, une ZAT – Zone d’Anarchie Temporaire. N’étaient-ce pas ces voyages au cœur de la ZAT qui  l’avaient sauvé à plusieurs reprises ?

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