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Presquevoix...

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17 octobre 2011

Les effectifs

Pour réduire les effectifs de première année, la consigne suivante courait dans les bureaux des professeurs de cette Université renommée   : « Les décourager ! »

 A un maître- assistant, peu rompu aux pratiques de l’Université et qui demandait un supplément d’informations, il fut répondu :

-   Quand tu arrives en cours, veille à avoir l’air renfrogné, quand les étudiants te demandent de répéter, tu leur dis qu’on n’est plus au lycée  et quand ils souhaitent une explication supplémentaire, tu leur réponds qu’ils devraient déjà  avoir compris. A ce régime, au bout de deux mois, les TD seront moins chargés.

Et de fait, c’est ce qu’il se passa. Deux mois plus tard, chaque TD s’était vidé de moitié et les enseignants avaient retrouvé le sourire, ou presque…

16 octobre 2011

La vendeuse en parfumerie

Elle travaillait dans cette parfumerie depuis deux mois. Un emploi qui ne lui convenait pas mais qu'elle l’avait accepté faute de mieux. Elle qui ne s’était jamais fardée de sa vie, elle passait une heure dans la salle de bain, chaque matin, à la recherche du maquillage idéal pour masquer une peau qu’elle trouvait un peu épaisse et grasse.

Débutante, elle se gardait bien de proposer ses conseils aux clientes, sauf ce jour, où une femme, la quarantaine, hésitant devant le rayon crèmes de beauté depuis au moins dix minutes attira son attention.

-    Je peux vous aider, lui fit-elle, sortant de sa réserve habituelle.

La cliente la regarda un instant  puis, prise d’une inspiration soudaine, elle lui sourit et dit.

-    A vrai dire, je cherche une crème. Vous voyez ma peau est un peu comme la vôtre : terne et grasse.

Si elle eut envie d’insulter la cliente, elle n’en montra rien et lui tendit une crème de chez Décléor.

-    Tenez, c’est ce que je mets depuis deux mois. Comme vous avez pu le constater, il n’y a pas encore eu d’effet miracle, mais je ne désespère pas !

15 octobre 2011

Bleu

MaitéSouvent elle chantonnait « le bleu de tes yeux » et cet air finissait par lui devenir insupportable, surtout qu’il avait les yeux noirs.

Le comble, ce fut quand elle lui offrit un liseron bleu qui, il en était sûr, ne lui était pas destiné. Il allait à merveille avec le type de la chanson. Il lui demanda aussitôt.

-    C’est qui ?

Elle le regarda, surprise, et répondit.

-    Qui, qui ?
-    Ce type blond aux yeux bleus à qui tu voudrais offrir le bleu du ciel.

Elle le laissa dire. Comment aurait-il pu comprendre qu’elle ne faisait que rêver ?

 

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Maîté du blog "Eclats de mots"

14 octobre 2011

La chorale

Ce chœur amateur avait enregistré  dix chansons dans le but de faire un CD, mais l’une des choristes chantait si faux et si fort que l’ingénieur du son avait dû imaginer un subterfuge pour masquer sa voix. Après une demi-journée de réflexion, la solution  avait été trouvée : à chaque fois qu’on l’entendait, il couvrait sa voix avec une cornemuse.

13 octobre 2011

Rose sparadrap

Aujourd’hui, je vous propose sur « presquevoix » un texte de Caro-carito, du blog « les heures de coton ».

La consigne, pour cet échange, était la suivante : Ecrire une histoire en prenant comme support cette question « Avez-vous déjà eu peur de votre ombre ? » et cette photo de Patrick Cassagnes.

Mon texte est sur son blog.

                                                                         Rose sparadrap

mugElle attendait là au coin du trottoir depuis un bon moment déjà. Et sans doute parce qu’elle devait avoir l’air paumée avec son pull trop long et ce pli au milieu du front, cette petite ride verticale qui ne la quittait pas, le gars s’était approché et l’avait apostrophée :

- Vous avez peur de votre ombre ? 

- Je t’emmerde, connard… 

Elle le regarda s’éloigner et sentit ses joues rondes virer au rouge. Heureusement qu’il n’était pas revenu à la charge… Pas sûr qu’un regard noir, furibond et encore adolescent l’eut tenu à distance, ce mec. Entre trente et quarante, beau visage, belles fringues. Un con bien sapé, une technique de drague à réviser. C’est vrai qu’en se coiffant ce matin, elle s’était dit qu’elle était jolie.

Jade traversa la chaussée et fendit la foule qui se massait devant l’entrée. Elle joua des coudes et atteignit difficilement les listings où s’étalaient les lauréats et les recalés du bac, cuvée 20... Elle croisa les doigts au fond de ses deux poches et respira à fond.

Jade Derain. Elle retint rapidement ses notes. Et sourit. Elle se retourna et tomba nez à nez avec Mme Carrel, sa prof de maths. En la regardant, l’enseignante eut cette grimace agacée qu’elle arborait quand elle n’était pas satisfaite. Qu’elle désapprouvait, comme elle disait en classe. La jeune fille murmura un rapide bonjour et se faufila au plus vite à travers la masse des étudiants qui bavardaient, certains visiblement soulagés, d’autres nettement plus en colère. Elle échangea quelques mots avec un ou deux élèves et s’éloigna au plus vite du bahut.

Restait le plus dur. Elle répéta doucement chacun de ses résultats, tous de deux ou trois points en deçà de sa moyenne annuelle. Sauf en philo, sujet « la réussite a-t-elle prix ». Elle n’avait pu y résister et avait récolté un 17, le reste étant nettement moins brillant. De quoi annihiler les espoirs de son père de la voir intégrer une classe prépa ou une autre prestigieuse filière. Mais suffisant pour échapper à d’éventuels reproches. Après tout, elle avait une mention.

Elle repensa à Anne-Sophie, sa sœur, l’engueulade définitive avant qu’elle ne claque la porte et hurle que, plus jamais, elle ne voulait avoir quelque chose à faire avec ce vieux con. Ce tyran. Ensuite ces trois longues années de silence où elle avait dû assumer cette désertion, seule, puisque le poids de la déception paternelle se reporta sur ses fragiles épaules d’adolescente. Jade résista de toute sa timidité, apprit à taire ses envies, l’écoutait rêver pour elle de Polytechnique, Normale, Médecine. Elle ne répondait jamais. Elle serait infirmière.

La maison n’était plus qu’à quelques mètres. Elle se dit qu’il allait d’abord faire la tronche, puis la harceler pour savoir ce qu’elle allait faire avec des résultats aussi minables. Et puis elle lâcherait la bombe : voilà ce qu’elle voulait, dans cette école, les dates d’exams, la place en foyer déjà trouvée. Il gueulerait, la traiterait de salope et autres gentillesses. Sa mère bouderait, la tenant comme seule coupable du drame, lâchant deux ou trois piques pour évoquer la préférée, la si brillante, l’absente.

Jade hésita une seconde, redressa ses épaules et appuya lourdement sur la porte d’entrée. Elle tremblait, mais cela passerait ; il suffisait de se dire en boucle même pas peur. Il pouvait bien se mettre à crier, elle ne plierait pas. En dernier recours, elle ferait grève. Dans sa chambre, elle avait un plein carton de sparadraps et de pansements roses. Elle en collerait partout. Sur la table, le téléphone, la télé, les tasses du petit déjeuner et même sur sa collection de verres de bière. Partout. Elle savait qu’il finirait par plier. Il ne pouvait laisser partir sa deuxième et dernière fille ; le regard des autres, les commérages, le qu’en-dira-t-on…

Elle le tenait. Il n’y avait qu’à résister, la réussite serait à ce prix.

12 octobre 2011

La rencontre

Quand ils avaient sonné chez elle, elle avait encore une larme qui coulait sur la joue, mais elle l’essuya bien vite avant d’ouvrir la porte. Ils étaient deux, en costume sombre, le visage glabre, la chemise blanche, la cravate soigneusement nouée, et ils lui souriaient. Tous deux arboraient un badge avec leur nom et leur prénom ; au moins, elle savait à qui elle s’adressait.  Elles les avaient fait entrer après qu’ils lui eurent avoué qu’une force mystérieuse les avait poussés à frapper à sa porte. Ils étaient restés deux heures chez elle. Ils lui offrirent une bible et l’invitèrent à entrer dans l’église du bonheur. Comment aurait-elle pu refuser ?

11 octobre 2011

La critique

Quand cet auteur lui avait demandé, par mail, ce qu’il  pensait de son manuscrit, il avait préféré ne pas répondre, surtout que le manuscrit lui était tombé des mains dès la sixième page. Mais l’auteur était revenu à la charge, jour après jour, et l’éditeur avait bien été obligé de lui dire la vérité, avec quelques précautions oratoires, cela s'entend.

L’auteur lui avait répondu le soir même, par mail : « Quand je vois à quel point vous êtes aveugle, je ne m’étonne pas que votre minable petite boite d’édition coule. D’autres sauront apprécier les qualités de mon manuscrit. C. Cluant. » 

10 octobre 2011

Répétition

Hier, à 10 heures, quand mon voisin du dessous a frappé à ma porte et  m’a dit qu’il avait tué sa femme, j’ai répondu : Quoi ? Encore ? Mais déjà, il y a 9 ans… Il n’a pas apprécié que je  lui rappelle  ce triste précédent. Ses deux mains ensanglantées se sont  refermées sur ma gorge et j’ai eu toutes les peines du monde à me dégager. 

La prochaine fois, je tiendrai ma langue.

9 octobre 2011

Zone de turbulences

La semaine dernière j'ai traversé une ZDT. Je préfère utiliser ce sigle par commodité.  J’étais chez moi, tranquillement installée devant la télé, en train de regarder le journal de la 2,  quand soudain, Nicolas Sarkozy en personne est sorti du poste et m’a dit qu’il commençait à en avoir marre de mes ricanements et de mes persiflages,  que si je voulais prendre sa place, je n’avais qu’à m’installer dans le fauteuil de président, que ce n’était pas plus difficile que ça. J’ai dit chiche ! Et c’est là qu’il m’a donné une claque en me traitant de “ pov’ conne !”

J’ai dû m’évanouir sous l’effet du choc car quand je me suis réveillée, il était 21 h 30, la télé marchait toujours, mais ce n’était plus Sarkozy qui parlait, c’était un autre abruti qui pérorait sur la crise économique.

Le lendemain matin, je ne suis pas allée travailler. J’ai filé porter plainte au commissariat. J’étais tellement excitée que j’avais du mal à m’expliquer. La fille à l’accueil a fait semblant de s’intéresser à mon histoire mais, quand elle a pris son téléphone, j’ai bien vu qu’elle me regardait bizarrement. Un gradé est arrivé presque sur le champ, il m’a fait entrer dans son bureau et m’a demandé – de façon excessivement polie - si c’était bien M. Sarkozy qui était sorti du poste. Je le lui ai confirmé, il l’a noté. Ensuite, après m’avoir dit de ne pas m’inquiéter, il a pris son téléphone pour appeler quelqu’un d’autre. Aujourd'hui, je sais qui il appelait.

Maintenant, je suis à l’hôpital Sainte Anne, tout ça à cause de cet excité, un comble ! Le président me giffle, chez moi, et c’est moi qu’on colle à Ste Anne  ! En tout cas, depuis hier, sur les conseils d’un “pensionnaire” – il m’a dit qu’il  s’appelait Domenico de Villepine  -  j’ai compris qu’il valait mieux ne plus prendre de médicaments.
 
- Si tu veux sortir le plus vite possible, a-t- il ajouté dans un souffle, fais semblant !

Lui, il dit qu’il sortira en mai 2012 et qu’il sera Président.

PS : texte écrit dans le cadre des “impromptus littéraires” mais non envoyé aux impromptus.

8 octobre 2011

Le lobe

Quand j’ai dit à mon patron que son analyse de marché était fausse parce qu’elle ne tenait pas compte de certains paramètres importants,  il s’est rué sur moi et m’ a arraché le lobe de l’oreille droite. J’ai hurlé comme un malade et des gens sont arrivés dans le bureau. Ils ont réussi à nous séparer. Après le départ de mon patron – des infirmiers en blouse blanche l’ont emmené avec eux - je me suis mis à quatre pattes à la recherche du lobe disparu. C’est à ce moment-là que sa femme – le DRH l’avait fait appeler vu la gravité de la situation -  est entrée.

-    Vous cherchez quelque chose, m’a-t-elle dit ?
-    Oui, mon lobe, ai-je répondu sans lever les yeux du sol.

Et elle m’a répondu.

-    Ah bon, vous aussi ? J’ai l’impression que mon mari devient cannibale. Il a fait la même chose avec son fils, quand celui-ci lui a annoncé son échec au bac. Le problème c’est que lui, son lobe, on ne l’a jamais retrouvé. J’espère que vous aurez plus de chance.
-    Je l’espère aussi, ai-je répondu tout en poursuivant mes recherches à quatre pattes.
-    Bon courage, a-t-elle dit avant de sortir du bureau.

Depuis cette terrible histoire, mon patron n’est toujours pas revenu. Il paraît que son séjour à l’hôpital se prolonge car les psychiatres craignent une rechute. Quant à mon lobe, j’ai dû en faire mon deuil. Depuis, je me laisse pousser les cheveux…

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