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23 novembre 2021

Scène ( lui/elle) – le pain

(lui)Tu  as pris mon pain. Attention à ce que tu fais !

(elle) Merde, désolée.

(lui) On peut être désolée après, mais il vaut mieux anticiper.

(elle) Merci pour ta leçon.

(lui) Ce n’est pas la première, ni la dernière.

(elle) Tu fais un peu père Fouettard, non ?

(lui) Peut-être, mais c’est épuisant de se retrouver le matin sans pain.

(elle) Tu as du quatre quart, regarde.

(lui) Je n’en mange jamais le matin. Ce n’est pas très dur d’être attentif aux autres.

(elle) Bon, j’ai compris, je m’en souviendrai. Tu peux arrêter la liste car là je vais partir au travail et ça me stresse.

(lui) Bon, si je comprends bien, quoi qu’il arrive tu as raison et j’ai tort ?

(elle) Ecoute, on dirait une scène de théâtre. Je n’ai pas dit que j’avais raison.

(lui) Oui, mais tu n’as pas dit que tu avais tort.

(elle) Bon, jusqu’à présent, cela me faisait sourire, mais plus maintenant. J’ai tort, OK. Ça te va ?

(lui) On va dire que ça va. Je te demande juste de faire attention à ce que tu fais. Dans la vie, cela pourrait te jouer des tours, tu sais ?

(elle) J’ai compris. Ne m’en parle plus s’il te plaît.

(lui) J’ai dit ce que j’avais à te dire.

(elle) Parfait. Alors je vais travailler et l’affaire est close. Au fait, ce soir, avant de rentrer, je vais acheter du pain, donc j’arriverai en retard.

 

PS : prochain texte, vendredi prochain.

 

16 novembre 2021

Les couples

Ils étaient arrivés au café à l’heure habituelle et étaient restés en terrasse car le soleil avait décidé d’être à l’écoute de ces pauvres humains que l’arrivée de l’hiver terrifiait.

Journal et mots croisés étaient sortis et ils avaient commencé leur activité du dimanche matin quand deux femmes – l’une avec un chien minuscule, l’autre sans – s’étaient installées derrière leur table. Bien évidemment, le « roquet » aboya et continua d’aboyer. Son mari, irrité, dit assez fort.

-          Je crois que moi aussi je vais aboyer, je sens que ça monte !

Au bout de deux minutes, la propriétaire, catastrophée par ces aboiements qui l’empêchaient d’écouter son amie fini par dire à son chien.

-          Fidji  arrête. Tais toi. Tais toi. Arrête je te dis, écoute-moi !

Bien évidemment le roquet n’avait aucune intention de se taire. Son mari grommela à plusieurs reprises que dans deux minutes il égorgerait Fidji s’il ne la bouclait pas. Quant à la propriétaire de ce doux chien elle dit, exaspérée.

-          Mais qu’est-ce qu’il me fatigue, qu’est-ce qu’il m’énerve. Il se fait remarquer. On va reprendre les choses en main, on va les reprendre oui, car ça ne va pas Fidji, pas du tout.

Elle avait laissé son journal de côté afin d’observer les choses. Elle s’amusait de voir ce « couple » infernal. A un moment elle rit fort et son mari, agacé, lui demanda ce qu’elle trouvait drôle dans ces aboiements.

Elle ne répondit pas et reprit un visage sérieux, tout en se disant, que elle aussi, parfois, elle aurait bien aimé dire à son mari qu’il la fatiguait et qu’elle allait reprendre les choses en main. Mais son mari ne s’appelait pas Fidji, et ce n’était pas un chien !

 

PS : prochain texte, vendredi.

 

2 novembre 2021

Maria

Elle avait une femme de ménage, non pour faire le ménage, mais pour soulager sa conscience. Elle trouvait que son mari et elle gagnaient beaucoup trop d’argent et qu’elle devait aider « la classe ouvrière », comme elle le disait à certaines de ses amies. Alors, quand la femme de ménage arrivait, elle lui donnait ses chaussons et lui disait.

-          Bon, Maria, asseyez-vous et je vous apporte votre thé habituel ou un chocolat, si vous voulez.

Maria trouvait ça très étrange, mais elle ne se plaignait pas ; trois heures à bavarder dans la cuisine avec Madame, c’était une aubaine que nulle patronne ne lui avait accordé jusqu’à présent.

Et toutes les deux parlaient et parlaient, surtout Maria à qui il arrivait tellement d’histoires invraisemblables chez ces autres patronnes que Madame  se faisait un plaisir de l’écouter et de lui donner des conseils. Car en matière de « patronnes », elle en connaissait un rayon, Madame. La plupart de ses amies avaient des femmes de ménage qu’elles n’hésitaient pas à exploiter. Madame pouvait ainsi se dire qu’elle, au moins, elle travaillait pour en finir avec l’exploitation des travailleurs.

Et quand Maria partait avec son chèque, après trois heures de conversation avec thé et petits gâteaux, elle disait à Madame.

-          Ah Madame, vous êtes une bonne patronne, vous.

Et Madame souriait, disait «  à la semaine prochaine Maria », et elle allait gaillardement faire les trois heures de ménage que Maria auraient dû faire elle-même.

 

PS : prochain texte, vendredi.

22 octobre 2021

Le compartiment couchette

Marie s’était fait un ami du présent - le passé, oublié, le futur, lui, ne l’intéressait pas - et ses cinq sens lui donnaient une intensité qu’il n’avait jamais eu auparavant.

Ce soir là, quand elle s’installa dans le train couchette qui la menait à Foix, elle sentit une odeur particulière, peut-être de la cannelle et du gingembre se dit-elle. Elle regarda attentivement les couchettes. Une seule était occupée, celle du haut, par un homme dont elle ne voyait que le dos. Elle se plaça en bas.

Dès qu’elle fut allongée, l’homme lui dit d’une voix grave.

-          Vous avez remarqué l’odeur ?

-          Oui, je dirais Cannelle et gingembre.

-          Bravo. La cannelle vient directement de Ceylan, Le gingembre d’Inde. Je reviens d’un grand voyage et je repars pour un petit voyage, à Foix.

Soudain il descendit de sa couchette pour s’asseoir en face d’elle. Etrange. Avait-il abusé de ses épices ?

-          Ne vous inquétez pas, je n’ai aucunement abusé du gingembre qui, par ailleurs, n’est pas l’aphrodisiaque que l’on dit. Par contre, ses vertus anti-inflammatoires, antiseptiques et antiémétiques  sont moins connues.

Elle se força à sourire et ajouta.

-          Merci de votre cours sur les épices. De toute façon, je ne prends jamais de gingembre. La cannelle oui, par contre, parfois.

Son voisin de compartiment avait certainement plus de cinquante ans. Grand, mince, le visage long et des yeux gris, aussi gris que ceux de la mer par temps d’hiver. Elle n’avait aucune peur particulière mais elle se demandait ce qui le poussait à rester assis sur sa couchette et à l’observer.

-          Vous aussi vous voyagez, alors ? Foix, en cette période de l’année n’acceuille pas les foules.

-          Non, mais j’y ai de la famille.Vous aussi ?

-          Pas vraiment. Mais vous savez, l’Ariège est le royaume des Cathares !

-          Et ?

-          Et donc, quelques groupes, que certains non initiés disent sectaires, y ont trouvé refuge. Je me demandais si par hasard, vous…

-          Pas du tout, l’interrompit-elle aussitôt. Bon, vous m’excuserez, je vais me m’allonger car j’ai très mal dormi la nuit passée.

Le visage de l’homme sembla se tendre légèrement. Mais ne l’avait-elle pas imaginé ?

-          Au fait, ajouta-t-il, si vous avez des problèmes de sommeil, je connais des guérisseurs, en Ariège même, non loin de Foix.

Avant de le remercier en précisant qu’elle dormait très bien, en général,  elle sentit un stress intense et son accélération cardiaque l’effraya. L’homme lui dit une dernière chose avant que le train ne parte.

-          Excusez-moi de vous ennuyer à nouveau. J’ai remarqué que votre visage exprimait une lassitude, comme si un poids vous rendait triste, très triste. Pour ça aussi, je connais une épice, mais nous en reparlerons demain. Bonne nuit mademoiselle.

Personne ne revit jamais Marie après ce voyage qui, peut-être, dure encore…

 

PS : prochain texte, mardi deux novembre.

 

21 septembre 2021

Un étrange métier

Il disait toujours que les cons ça ne manquait pas et qu’ il les sentait ; son nez ne se trompait jamais. Il faut dire que mon ami avait quitté son poste d’enseignant – la lassitude l’avait broyé -  afin de devenir « auto-entrepreneur en gestion des cons ».

Son affaire marchait bien. En général, les gens s’adressaient à lui individuellement, mais parfois, de petits groupes lui demandaient conseil. Sa théorie était simple : d’abord il fallait  comprendre le con – fastidieux, mais nécessaire - et ensuite le marginaliser.

Je l’écoutais attentivement, d’autant plus que j’étais sûr que  mon chef de service en était un. Non qu’il me l’ait dit – j’avais bien compris qu’un con ne se reconnaît jamais lui-même – mais sa suffisance et son « art » du truisme atteignaient des sommets.

Mon ami, expert en stratégies, m’avait souligné.

-          Sois aimable avec ton chef, demande lui des conseils, parle-lui. Ce peut être douloureux  et cela demande une grande capacité d’attention et d’observation, mais tu verras que c’est la meilleure solution pour entrer au cœur des choses.

Et il avait  raison.

J’ai abandonné mon ancien travail et nous avons maintenant, mon ami et moi-même, notre petite entreprise. Nous intervenons partout : dans les usines, les entreprises, les banques, les commissariats, les ministères, et même à l’Elysée. Etrange, non ?

J’avoue que maintenant, aller au travail est un plaisir car j’ai enfin l’impression que ma vie a du sens. Peut-être que cela vous fait rire et peut-être me prenez-vous moi-même pour un con ? Qui sait ?

 

PS : prochain texte, samedi.

 

 

18 septembre 2021

Choisir

Peut-on connaître la face cachée des autres ? se disait-elle devant le porche de l’ église romane de son enfance, dans sa robe blanche, en cette journée de fin d’été. Mais qu’attendait-elle ? Etait-elle de ce monde ? Son amie Gina lui avait dit.

-          Ma pauvre ! Mais dans ce siècle qui est le nôtre, on se fout de tout ça ! Change de siècle et ça ira mieux !

En ce moment deux hommes – l’un sombre, l’autre lumineux - avaient creusé leur vie dans le nid de son cerveau, et voilà qu’elle ne pensait qu’à eux. L’un ressemblait  à un envoyé de Dieu, l’autre à un artiste ; et leurs corps tournaient en boucle à la vitesse d’une tornade. L’un prêchait, l’autre créait ; l’un disait parler avec Dieu, l’autre, de ses couleurs vives, peignait un monde inconnu. Quel chemin devait-elle prendre ?

Voici pourquoi elle avait choisi l’apaisement de cette église où nul – ni homme, ni femme, ni prêtre -  ne pénétrait depuis longtemps.

Mais qui vaincrait ? L’art, la religion ou les deux ?

 

PS : prochain texte, mardi.

 

14 septembre 2021

Les pompes funèbres

"Aux pompes funèbres, les pompes qu'il vous faut". C'est ainsi qu'il avait appelé son magasin de pompes funèbres. Sa femme avait été réticente, comme souvent, mais il n’avait pas changé d’un iota le nom de cette merveilleuse boutique dont il était fier car elle comportait aussi un rayon chaussures ; pour enterrement, bien sûr.

Un ami avait essayé de lui suggérer qu’il y avait parfois des limites à ne pas dépasser. Mais lui avait juste répliqué.

-          Rien de pire que le silence des pantoufles !

-          Je ne comprends pas, avait répondu son ami. Quel rapport entre ton magasin et les pantoufles.

-          Eh bien, tout ça pour te dire qu’il n’y a rien de pire que les gens qui stagnent dans la tradition. Je peux te dire que mes  pompes funèbres à moi auront bien plus de succès que les pompes funèbres du bout de la rue ! Peut-être à cause du rayon chaussures, d’ailleurs.

Et le magasin ouvrit, ainsi nommé. Les clients furent nombreux, certes, mais cinq mois après l’ouverture, à  l’âge de 40 ans, il fut dans l’obligation d'avoir lui-même aux pieds  ses pompes funèbres "maison" car il mourut d’un arrêt cardiaque.

 

PS : prochain texte, samedi.

11 septembre 2021

Le drapeau

Elle l’avait vu passer dans différentes rues puis s’asseoir au café avec son drapeau qui disait « Je serais comtent de parler avec vous ou de vous écouter ». Quel âge avait-il ? 75 ans ? Peut-être plus. Ce n’est pas qu’il avait l’air sympathique, non, mais son drapeau l’avait touchée.  Qui était-il ?

Une heure qu’elle le suivait de rue en rue, à distance, mais personne n’avait encore fait le geste de lui parler. Finalement, il  choisit une toute petite terrasse d’un café inconnu. Il mit son drapeau à terre et sortit un livre. Son visage était taillé à la serpe et ses yeux d’un gris profond disaient les orages de la vie. Une fois près de sa table, elle lui demanda si elle pouvait s’asseoir à ses côtés. Il lui répondit aussitôt.

-          Mais je ne vous connais pas.

-          Certes, mais j’ai vu votre drapeau « Je serais comtent de parler avec vous ou de vous écouter », alors je me suis dit que peut-être…

-          Ah, mon drapeau, mais là vous êtes en dehors de mes heures de service, alors impossible de vous asseoir à ma table.

Elle ne sut quoi répondre. Oui, le type était fou, vieux et fou, et peut être depuis longtemps. Finalement elle préféra conclure avec humour, même si l’humour était un pays étranger où ce vieil homme n’avait sans doute jamais dû voyager.

-           Dommage, car moi aussi j’ai un drapeau, même s’il est invisible. Et il dit " Tout étranger, quel qu’il soit, peut-entrer dans la maison de mon âme, à n’importe quelle heure de la journée."

 

PS : prochain texte, mardi.

31 août 2021

Bibliothécaire

L’année de sa retraite, elle s’était trouvée une activité particulière qui lui permettait à la fois de faire travailler les muscles de son cerveau et de son corps : elle était devenue bibliothécaire d’une bibiothèque à pédales.

La chose était simple : elle avait supprimé de ses trois bibiliothèques tous les livres pour enfants et adultes qu’elle ou ses enfants ne souhaitaient plus garder et elle passait de quartier en quartier une fois par semaine, dès que le printemps prenait son envol.

Sa bicyclette était décorée de fleurs et elle annonçait son arrivée d’une voix chantante harmonisée d’une mélodie.

« L’affaire », si elle pouvait l’appeler ainsi car personne ne payait quoi que ce soit, marchait bien et nombreux étaient les enfants qui empruntaient des livres et lui demandaient conseil. Rares étaient les adultes – en dehors des mères qui parfois jetaient un coup d’œil aux titres des livres. C’est sans pour cette raison qu’elle fut surprise par le jeune homme – une trentaine d’année – qui s’arrêta près de sa bilbiothèque à pédales. Les yeux cernés, le visage triste et revêtu d’un pantalon qui n’avait pas d’âge. Il lui dit.

-          Moi aussi je peux ?

-          Bien sûr monsieur. Tout le monde peut, répondit-elle l’air souriant.

-          Je cherche un livre sur l’étrange, mais je n’ai pas de titre.

-          Un auteur peut-être ?

-          Pas d’auteur.

-          Bon, je vais trouver ça.

Elle consulta les 50 livres qu’elle avait ce jour-là et elle en sortit un.

-          Pourquoi pas « l’étranger » ?

-          Comment vous avez deviné ?

-          Devinez quoi ?

-          Que c’était celui qu’il me fallait ?

-          Ah mon âge, monsieur, on devine beaucoup de choses. Mais profitez bien du vôtre, car à votre âge, il y a tant de choses à faire.

Il prit le livre, lut la quatrième de couverture et, après lui avoir demandé quand il devait le lui rendre, il la remercia, lui tendit la main, puis s’éloigna, le regard perdu dans son drôle de monde

 

PS : prochain texte, samedi prochain.

 

27 août 2021

Vous avez dit sexe ?

On lui avait demandé de participer à une expérience sur le sexe et il avait dit oui, non seulement parce qu’ il aimait le sexe mais parce que c’était bien payé et qu’il avait besoin d’argent. Le thème : le sexe rend-il heureux ?

Il en était, dans le cadre de cette expérience clinique, à sa 20ième relation sexuelle du mois et il n’en pouvait plus. Il était épuisé, lavé, rincé et la seule idée de remettre ça le jour suivant le faisait vomir.

Il avait fini par dire à une amie d’enfance.

-          Aller au sexe comme on va au boulot, de quoi dégoûter de la chair !

Et celle-ci lui avait répondu, l’air amusée.

-          Au fait, t’es-tu posé la question de savoir si les femmes ressentaient du plaisir avec toi, avant ton expérience ?

Sa réponse n’avait pas tardé.

-          Je ne leur donne pas un questionnaire à remplir à la fin, ça serait fastidieux, non ?  Mais d’après ce que j’entends, je te dirais que oui, elles ont l’air d’avoir du plaisir.

-          Et si elles feignaient ? répondit-elle

Après cette échange, il avait passé une nuit abominable où, rêve après rêve, des méduses dansaient dans les flots et tentaient de faire disparaître son corps…

 

PS : prochain texte, mardi.

 

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