Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
28 novembre 2019

Les élèves

Face à ses élèves de terminales dont l’attention, parfois, se dispersait étrangement, sans parler du travail – ce vilain mot  - elle déclara calmement.

-           Comme je vous l’ai déjà dit, une langue - étrangère ou non - s' entretient au fil des jours. Notamment  en notant des mots que l’on ne connaît pas, en les utilisant dans de petites phrases qui permettent, peu à peu, d'en créer de plus grandes qui  rendront compte de vos pensées et de vos réflexions. Si vous  maltraitez votre mémoire, elle ne vous le pardonnera pas, sachez-le !

Devant l’incompréhension générale elle précisa.

-           En résumé, vous allez avoir une sale note à l’oral et à l’écrit du baccalauréat.

Un élève répondit.

-  Moi je m’en fous du bac.

Elle lui sourit et ajouta.

- Libre à vous, mais n’y a-t-il pas d’autres moyens de se mettre sur le chemin de la liberté que de se foutre du bac ?

 

26 novembre 2019

Changement

 

20180813_102940

Je me souviens qu’avant, elle voyait tout en noir et blanc, maintenant elle voit tout en noir. Pourquoi ? Je ne le sais pas. Elle ne me dit plus rien. Est-ce Soulage qui l’a tranformée ? Moi, sa peinture m’ est étrangère. Mais peut-être qu’elle voyage dans un monde d’ “Eau - Forte” et d’ ”Antagonismes” ?

Hier, je lui ai demandé  s’il fallait venir de l’”Outrenoir” – comme dit Soulage -  pour  voyager en elle ? Elle m’a souri et m’a longuement regardée, comme si elle voyait des lumières qui n’existaient plus depuis longtemps.

Las, et si loin d’elle, je lui ai dit que j’avais décidé de partir, que nos mondes ne communiquaient plus et qu’il me fallait trouver un autre pays.

Elle ne m’a rien répondu, mais à nouveau elle a souri. A quoi pensait-elle ?

 

PS : photo prise à Chinon en juillet 2018

 

 

24 novembre 2019

Echange non standard

Quand il avait volé le sac de la vieille, il avait couru aussi vite que sa grande taille le lui permettait. Hélas, sous l’effet de la panique, il avait ouvert la bouche et son dentier était tombé. Pas le temps de le ramasser, on était déjà à ses trousses. Une semaine plus tard, la police lui rapportait son dentier mais, en échange, il dut mettre des menottes...

22 novembre 2019

La couturière de Montmartre

 

20160807_124804-1

 

La couturière avait disparu du jour au lendemain. Le quartier ne s’était pas posé de questions. Elle, oui. Où était-elle, cette jeune-femme souriante qui donnait aux vêtements anciens la légèreté du présent ? Cette petite main qui façonnait et confectionnait à merveille avait-elle été enlevée ? Était-elle partie ailleurs, accrochant de longs fils colorés qui lui avaient servi de corde pour voyager au pays des tissus heureux ? Peut-être.

Elle se souvenait encore de l’ourlet classique piqué qu’elle lui avait fait au bas d’une robe en mousseline mauve qui avait surgi de la nuit des temps. Oui, c’était une artiste.

Elle ne fut pas surprise quand, neuf mois plus tard, elle reçut dans sa boîte aux lettres, une enveloppe où, au dos, on avait tracé en lettres d’or : « votre couturière ». Ce « votre » l’avait émue.

La lettre cousue main disait :

« Madame,

Je vous envoie, avec mon aiguille préférée, cette petite lettre pour vous dire que je pense à vous dans cet atelier qui met en scène les robes et dentelles des grandes de ce monde.

Surtout, continuez à garder ces vieilles robes que jamais vous ne vouliez jeter, et qui donnaient à mon quotidien la couleur des jours passés. Gardez-les pour moi, et pour vous. Un jour je passerai les chercher pour les faire vivre au présent.

Adèle. »

Adèle était partie il y a cinq ans. Elle n’était toujours pas revenue, mais elle savait qu'elle reviendrait...

 

PS : Photo prise à Paris en 2017

 

20 novembre 2019

Fin programmée

Par des milieux peu orthodoxes, elle avait fini par trouver quelqu’un qui serait capable de tuer. Quand elle rencontra l’homme - il disait s’appeler Walter - elle lui dit tout de suite qu’elle ne supportait pas son divorce et que les choses allaient de mal en pis. Il pensa aussitôt qu’elle voulait qu’il tue son mari. Mais non, elle voulait qu’il la tue, elle, et elle lui proposait 5000 euros.

Il resta interdit, la tuer, elle ? C’était encore une belle femme qui ne méritait certes pas cette fin tragique. Mais la morale n’était pas son truc et il accepta.

Rendez-vous fut pris une semaine plus tard, dans le parking souterrain des trois fontaines, à 22 heures, au niveau – 4.

Il se procura une arme et le jour J, il se présenta à l’heure dite. Elle était là, seulement elle n’avait que 1000 euros à lui proposer. Il refusa. Elle lui jura que s’il ne la tuait pas immédiatement, elle se vengerait  et raconterait tout à la police.

Enervé, il lui tira deux balles dans la tête, et partit les 1000 euros en poche.

En rentrant chez lui, il se dit que sa femme le lui reprocherait, elle le trouvait trop faible, beaucoup trop faible...

 

18 novembre 2019

Prison

Pendant six ans, j’ai été visiteuse de prison, à Bonne Nouvelle ; étrange nom pour une prison. Il y a trois ans, j’ai arrêté ; la lassitude sans doute.

Je me demande, aujourd’hui, si je n’ai pas souhaité être visiteuse car j’avais connu moi-même une prison ; la mienne, la volontaire, celle que l’on crée de toutes pièces.

Cette expérience m’a certes appris à écouter sans juger, mais elle m’a aussi confrontée à l’impuissance qui nous taraude lors d’entretiens où, parfois, le ressassement de l’autre nous conduit dans une impasse.

Si je vous parle de mon expérience – ce que je fais rarement – c’est en raison de cette exposition « Prison, au-delà des murs », qui a lieu à Lyon et que j’irai voir, peut-être, si j’arrive à sortir de ma « prison » rouennaise.

 

 

16 novembre 2019

Le tapage

Il lui a téléphoné pour lui demander si elle pouvait passer chez lui tout de suite.

-           Tout de suite, mais pour quoi ?

-           A cause du bruit.

Il faut dire que depuis des mois, il se plaignait de ses voisins. Elle arriva presque instantanément, sa maison était au bout de la rue.

Quand il lui a ouvert la porte, son visage était triomphant.

-   Cette fois-ci, avec ton témoignage, ils va l’avoir dans l’os le connard. Viens dans la salle à manger !

 Elle l’a suivi.

-   Ecoute !

Et elle a écouté. De vagues bruits de guitare lui parvenaient, mais rien qu’elle n’aurait pu appeler du tapage.

-   Alors ? Lui a-t-il dit le visage radieux, c’est quand même dingue, hein, le sans-gêne de ce mec  ?

Elle a acquiescé prudemment et a loué le ciel de ne pas l’avoir comme voisin. Mais comment allait-elle faire pour témoigner alors qu’elle n’avait quasiment rien entendu ?

14 novembre 2019

Un monde sans pitié

Après le travail, la journée n’était pas finie, il lui fallait assister à un débriefing sur  le chiffre d’affaires, le nombre de clients servis, la fréquence et le nombre de produits vendus.  Et tout ça, pour un salaire qui ne dépassait pas le SMIC.
Un jour,  elle a dit au chef.
-    Ecoutez, vos réunions gratuites obligatoires après le travail, c’est plus possible, mes enfants ont besoin de moi, je suis seule pour les élever.
Le chef l’a à peine regardée et lui a répondu.
-    Que voulez-vous que je vous dise ? Il fallait  pas avoir d’enfants. Après, si vous n’êtes pas contente, vous pouvez partir, on vous remplacera très vite.
Elle n’a rien répondu. Elle a juste envoyé un SMS  à son fils de 12 ans : « Fais manger Marie, je rentrerai à 20 heures ».

Un jour elle partirait, un jour, oui, mais quand ? Et pour faire quoi, surtout ?

12 novembre 2019

Le temps

 

20190307_121406

 

Au début, il avait cru qu’elle était d'origine anglaise parce qu’elle parlait souvent de la pluie et du beau temps ; d’elle, très peu.

Mais non, comment aurait-elle pu être anglaise, avec de tels yeux ? Sans doute voulait-elle juste être agréable en n’abordant aucun sujet à risque ? Ou peut-être avait-elle un irrésistible désir de le séduire ?

Lors de leur quatrième rencontre, il finit par lui demander pourquoi le temps avait autant d'importance dans sa vie. Et, à sa plus grande surprise, elle lui répondit.

-          Ce n’est pas le temps, c’est l’instant.

-          L’instant ?

-          Oui, l’instant présent, le temps qu’il fait, vous, moi, ce que je sens et ressens chez moi, chez les autres, pas forcément les mots.

-          Et si vous me disiez des mots, mais des mots qui ne parlent pas du temps ?

-          Eh bien je vous dirais que vous êtes un homme pressé.

Il rougit et détourna son regard. Depuis combien de temps n’avait-il pas rougi ? Depuis combien de temps n’avait-il pas été ému par une femme ?

-          Vous ne dites rien ?

Il eut l’impression que son visage devenait cramoisi.

-          Non, vous ne dites rien. Vous n’êtes donc pas un homme si pressé que ça, conclut-elle en souriant, puis elle ajouta.

-          Je n’aime pas les hommes pressés…

 

PS : photo prise sur un mur, à Rouen en 2019.

 

10 novembre 2019

Il y a deux semaines, j’ai entendu le cri d’un

Il y a deux semaines, j’ai entendu le cri d’un coq. Un coq ? Ici ? En centre ville ? Mais comment il est arrivé ce coq ?

J’ai demandé à mon mari s’il l’entendait, mais peine perdue, il devient sourd. Alors, j’ai ouvert la fenêtre en grand et je lui ai dit.


- Et maintenant, tu l’entends le coq ? Il l’a entendu.


- Tu crois que c’est un vrai ? Lui ai-je dit


- Pourquoi tu voudrais que ce soit un faux ?


Je n’ai pas aimé le ton léger avec lequel il a dit cette dernière phrase, comme  si ce coq était ici, chez lui.

Mais un coq, c'est fragile, ça a besoin d'attention, et celui-ci n'a pas de poules, j'en suis persuadée.

En tout cas, une chose est sûre, et j'ai prevenu mon mari : dimanche prochain, on mangera du coq au vin !

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés