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Presquevoix...

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24 juin 2012

L’aspirateur

On avait sonné chez elle. C’était un représentant. Sa première impulsion avait été de l’expédier, mais elle le fit entrer. Il lui présenta son nouvel aspirateur-masseur. Un concept étonnant. Croyant sentir une proie facile, le vendeur lui fit goûter les joies du tuyau masseur.
- Un bel objet assurément, lui fit-elle après avoir expérimenté un mini-massage, mais non, pour l’instant j’ai d’autres achats prioritaires.
Le représentant insista tant qu’elle finit par s’énerver.
- Ecoutez, je suis chez moi et j’ai quand même le droit de ne pas vouloir acheter votre aspirateur.
Le type ne l’entendit pas de cette oreille.
- Mais vous aviez l’air d’apprécier les massages.
- Certes, mais cela suffit-il pour acheter un aspirateur ? De toute façon, je n’ai personne pour me passer le tuyau dans le dos, je vis seule.
Le représentant fit une dernière tentative.
- Et alors ?
- Comment ça : « Et alors ? ».
- N’importe qui peut venir vous passer le tuyau dans le dos.
Agacée par son insistance elle finit par hurler que « n’importe qui » ce n’était pas possible, n’importe qui ne pouvait pas entrer chez elle, et que son tuyau, il pouvait se le mettre où elle pensait…

23 juin 2012

Le SDF

Il était sur la place du Capitole, le premier mai, et il attendait les « généreux donateurs ». Il avisa un type à moustache et se dit que celui-là, peut-être… la moustache lui inspirait confiance. Il lui chanta sa ritournelle – cinquante centimes, c’est pas cher et je pourrai manger -  et le moustachu se laissa séduire.
-    Deux euros, tenez, dit-il, en ajoutant tout sourire :  vous rendez la monnaie ?
-    Non, répondit le SDF rigolard, mais tenez, pour le prix, je vous fais la bise.
Ce qui fut fait illico.

22 juin 2012

Le cannibale

Depuis qu’il avait dépecé un homme,  on l’appelait « le cannibale ». Pourtant, lui ne se souvenait de rien. Sa mémoire était  immaculée, comme les draps blancs que sa mère étendait au soleil après les avoir fait bouillir dans la lessiveuse qu’elle installait dans  la petite cour carrée. 
Maintenant, il tournait en rond dans sa cellule de quatre mètres sur quatre et son enfance, longtemps oubliée, commençait à se glisser au travers des barreaux de sa mémoire : la cour carrée, ses odeurs, les vociférations de son père, les coups, les cris de sa mère, et parfois des rivières de sang qu’aucun drap ne pouvait jamais absorber…



21 juin 2012

Les doigts de la main

Cela faisait une semaine qu’ il comptait et recomptait sur les doigts de sa main… eh oui, aucun doute possible,  il n’avait que trois amis, et encore, s’il se comptait lui-même !

20 juin 2012

Le croque-mort

A chaque enterrement, il transpirait à grosses gouttes, non à cause du poids des cercueils mais à cause de l’angoisse qui le tenaillait. Tous ces corps qui défilaient lui donnaient le bourdon. Il essayait bien de penser à autre chose mais impossible. En désespoir de cause, il avait fini par prendre une fiole de calva, glissée discrètement à l’intérieur de sa veste, pour se remonter le moral. Le calva faisait des miracles en Normandie, et pas seulement.


Le dernier enterrement lui avait été fatal. Il avait trébuché sur une dalle à l’entrée du cimetière et il s’était lamentablement étalé  ; ses collègues avaient dû lâcher prise et le cercueil avait basculé.


Dès le lendemain, le patron lui avait donné son congé : « Faute professionnelle », avait-il dit d’une voix implacable en ajoutant.


- Avez-vous pensé à la douleur de la famille ?


Il avait répondu sans réfléchir.


- Et la mienne, vous y avez pensé ?


Le patron avait rétorqué qu’il se fichait de ses états d’âme et  avait claqué la porte derrière lui.  Avant de rentrer chez lui et d’annoncer à sa femme son renvoi, il avait offert une tournée au café des sports, son quartier général.


- A la santé des pompes funèbres ! avait-il gueulé à la cantonade, déjà passablement éméché.


Il ne croyait pas si bien dire. En sortant du café, il fut renversé par un corbillard et  mis en bière la semaine suivante.

19 juin 2012

Angélique

Elle s’appelait Caroline mais elle lui avait demandé de l’appeler Angélique, juste pour le devenir, un jour…

18 juin 2012

La lettre de motivation

Amusante cette nouvelle tendance vue, non à la télé, mais dans une classe de seconde : la lettre de motivation donnée au délégué de classe lors du conseil de classe du troisième trimestre.
Dans cette lettre,  l’élève explique qu’il se rend bien compte qu’il n’a pas assez travaillé, mais que redoubler  ne servirait à rien sinon à l’empêcher de travailler. En conclusion, l’élève affirme haut et fort que l’année suivante,  il travaillera plus parce qu’il sera en première, et ce, jusqu’au bout de l’année ; on peut compter sur lui.
Avis aux « salauds » de professeurs qui voudraient le faire redoubler pour l’empêcher de réussir !

17 juin 2012

La vengeance du fleuve

FleuveTu croyais que personne ne te verrait, allongé à plat ventre dans la barque, pourtant…

Tu les as entendus rire, s’ébrouer, se dire des mots d’amour, s’embrasser, rire encore. Ils avaient l’air heureux. Combien de temps sont-ils restés dans l’eau ? Longtemps. Le temps t’a paru si long. Tu l’entendais rire comme elle n’avait jamais ri avec toi. Ils sont sortis de l’eau, et puis tu n’as plus rien entendu. Alors tu as levé la tête et tu les as vus debout sur la rive, juste devant la barque où tu étais allongé, tels Adam et Eve. Ils te regardaient, le visage sévère. Toi, tu n’as rien dit, qu’est-ce que tu aurais pu dire ? Elle ne t’aimait plus, elle en aimait un autre, les choses étaient claires. Tu devais t’incliner. Mais tu n’as jamais su t’incliner ; ce jour-là non plus. Alors tu as commis l’irréparable. Toi qui ne sais pas nager, tu t’es jeté à l’eau. Tu voulais te noyer, disparaître. Et c’est lui qui t’a sauvé, celui qui te volait celle que tu aimais. C’est lui qui t’a empêché de mourir.

Maintenant tu es à l’hôpital, on te dit que tu vas mieux, que tu as eu de la chance de t’en sortir, mais toi tu ne voulais pas t’en sortir et tu lui en veux de t’avoir sauvé. Tu te demandes même s’il ne l’a pas fait exprès pour t’humilier, pour t’obliger à voir sa victoire.  Tu te dis que quand tu sortiras de l’hôpital, tu le tueras.


PS : texte plublié dans le cadre des impromptus littéraires. "© crédit photo : Toncrate"

16 juin 2012

La morsure

L’élève X avait mordu son professeur au motif que celui-ci ne l’avait pas respecté. Une lettre des parents au proviseur avait vertement mis les choses au point. Un professeur qui ne respecte pas ses élèves est un tortionnaire, et en l’occurrence M. T., professeur d’histoire-géographie, avait commis une violence à l’égard de leur fils en lui confisquant son téléphone portable que celui-ci n’utilisait en cours que lorsque cela s’avérait nécessaire.

Suite à cette lettre, le proviseur avait convoqué les parents et le professeur dans son bureau. La communauté scolaire s’était aussitôt enflammée protestant contre cette convocation inadmissible qui semblait signifier que le professeur avait à se justifier. Le lendemain, le proviseur était séquestré dans son bureau par des parents ne supportant plus  « l’intolérance répétée des professeurs à l’égard des élèves ». L’après-midi même,  un médiateur du rectorat était dépêché sur les lieux, et le jour suivant, l’établissement était mis à sac…

15 juin 2012

La féministe

Quand il lui avait adressé la parole au café, elle lui avait dit.


- Moi, je suis féministe*, alors…


Il l’avait regardée en souriant et avait rétorqué.


- Féministe jusqu’où ?
- Jusqu’au bout des ongles.


Il s’était senti obligé de lui dire qu’il détestait les féministes. Elle s’était sentie obligée  de lui répondre qu’elle détestait les hommes qui détestait les féministes. Et il lui avait répondu.


- Ce n’est pas pour autant que tout nous sépare, si ?


Elle lui avait répondu qu’elle n’aimait pas les hommes qui se sentaient obligés de lui rendre hommage, mais que ça ne la gênerait pas de le passer à la question, en tout bien tout au honneur évidemment,  parce que justement, elle écrivait un livre sur « les séducteurs » et il lui semblait bien qu’il entrait dans cette catégorie-là…


Il ne lui refusa pas cet « hommage »…

* Voici un sketch de Noémie De Lattres intitulé «  la féministe »:

 Je vous conseille aussi cet autre sketch, intitulé L’adultère. Je suis sûre que vous ne regretterez pas d’avoir cliqué ;)



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