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Presquevoix...

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5 octobre 2013

Le rêve

La nuit passée, elle avait rêvé qu’elle était enceinte. Enceinte ! À son âge ! Ses rêves ne se moquaient-ils pas  d’elle ?

3 octobre 2013

La non-rencontre

Je me demande comment j’ai pu coucher avec ce type, un moment d’égarement ; certainement un  un effet des pilules euphorisantes que je prends depuis 15 jours.

La première fois que je l’ai vu, il était en costume et il présentait plutôt bien : grand, brun, les yeux bleus, et cet air d’effleurer la vie sans vraiment y toucher. Une semaine plus tard, nous nous retrouvions dans une chambre d’hôtel. Quand je suis arrivée, la réceptionniste m’a dit que monsieur était déjà dans la chambre. J’ai frappé à la porte en chuchotant mon prénom et il a ouvert.

En le voyant déguisé en petit chaperon rouge,  j’ai failli tourner les talons. Je lui ai juste demandé s’il fallait venir costumée. Il m’a répondu que de toute façon, j’étais déjà déguisée.

Je vous épargne les détails de notre après-midi ; la fête  s’est  illico transformée en fiasco.

Une heure plus tard, il partait furieux en claquant la porte de la chambre, son costume de petit chaperon rouge sous le bras. Quant à moi, je suis restée allongée sur le lit, aussi inerte que la grand-mère du conte. Mais qu’est-ce qu’il aurait voulu, ce crétin ; que je me transforme en loup ?

 

1 octobre 2013

Le bar

Elle avait changé la décoration de son bar et en avait fait l’archétype de la route 66 ; sauf qu’il se situait sur la route départementale 6014 et que sa clientèle était essentiellement composée de poivrots qui ne se déplaçaient pas en Harley Davidson…

 

29 septembre 2013

Le buste

fenêtres1C'est là qu'elle apparaissait. Jamais elle ne sortait. Etait-elle d'ailleurs sortie un jour ? Personne ne le savait. Certains disaient qu'elle était paralysée, d'autres cul-de-jatte, d'autres encore que c'était une femme tronc, mais  nul n'avait pu vérifier ce qu'il en était. Certains encore disaient qu'elle n'existait pas, que la femme  à la fenêtre était un mannequin que l'on plaçait et déplaçait pour que la légende dure.

Mais à qui servait cette légende ?

 

 

PS : photo prise par C. V. à La Bouille 

27 septembre 2013

Duo

Aujourd’hui, avec caro-carito du blog les heures de coton, nos textes se croisent pour un nouveau duo : son texte est sur Presquevoix, quant à mon texte, il  est sur son blog.
La consigne était la suivante : écrire à partir de ce portrait de Quentin de La Tour et de ce titre : les mauvaises raisons

 

Les mauvaises raisons

Quand il m’a embrassée sur la nuque, j’ai compris que j’étais en train de tomber bêtement amoureuse de lui. Je relevai la tête, ce regard vert d’eau, je n’y échapperai pas. Quand mes doigts s’approchèrent de ses lèvres, je sus que j’étais amoureuse. Pour de mauvaises raisons, même si je n’en étais pas consciente.

Le tableau de Quentin de la Tour me revint en mémoire un peu plus tard, un jour où, assise sur un banc place Saint-Sulpice, j’apprenais déjà à l’attendre. Étalée devant moi, une revue que je ne regardais pas : l’Officiel des spectacles ou bien Télérama ou même Métro ou 20 minutes. J’avais rapidement parcouru un encart sur le Louvre et une exposition temporaire des dernières acquisitions du musée. L’article citait quelques œuvres dont un autoportrait au rieur de Quentin de la Tour. Mon père aurait aimé le contempler

J’étais là, en bord de rive gauche quand une part d’une enfance et d’une adolescence confinées me revint en pleine face. Tous ces après-midi étouffants où je suivais mon père dans les couloirs de Guimet, Marmottan, Cluny, tandis que ma mère plongeait dans les délices des Feux de l’amour, paresseusement allongée au milieu de coussins de soie. Ainsi, j’avais droit pendant tout l’été, aux vacances de Toussaint et à Pâques, à une overdose de maquettes de train, de fusils de chasse et d’escopettes, de vierges crucifiées sur le mur d’une chapelle humide et oubliée. Mon père parfois choisissait de visiter quelques châteaux ; il suffisait d’un trop plein de lumière pour que les jardins m’y apparaissent comme un paradis.

Le soir, nous rentrions à temps pour passer à table. Pendant que nous avalions un repas sans saveur, mon père et ma mère soliloquaient. L’un énumérait tous les témoins de l’histoire qui avaient jalonné nos visites L’autre étoffait l’intrigue inexistante de ses programmes préférés de détails froufroutants et de noms de starlettes dont je ne connaissais pas le visage. Mon père m’avait formellement interdit de me farcir la cervelle avec de telles inepties. Non seulement la teneur de ces programmes frisait l’imbécilité, énonçait-il, mais en plus les John et Pamela fleuraient trop le mauvais accent anglais. La télé avait été reléguée dans la chambre conjugale, domaine qui m’était interdit. Je devrais dire, plus réalistement, la chambre de ma mère, mon père dormant depuis longtemps sur un lit d’appoint dans son bureau.

Alors à défaut de héros aux larges sourires made in USA, je rêvais devant les Apollons en marbre, les gentilshommes galants de Fragonard, les regards ténébreux des portraits du Caravage. À 14 ans, bien évidemment, je tombais follement amoureuse d’un de ces Adonis. Le buveur d’eau de Quentin la Tour. Le soir, je laissais mes parents rabâcher leurs obsessions et me délectais de la mienne. Bien évidemment, avec toutes ces visites, je me montrai infidèle au jeune espagnol. Le premier ? Le tricheur de l’autre De la Tour. Je peux bien l’avouer, j’ai un faible pour les bruns peu recommandables.

Javier arriva alors que je venais de me faire accoster par un de ces hommes esseulés qui hantent les grandes villes. Les cloches de l’église sonnaient. None, aurait commenté mon père. Javier me prit par le bras, il nous fallait partir vite. Nous avions rendez-vous à l’autre bout de la capitale et nos amis attendaient, eux aussi.

La nuit était là. Des papillons voletaient autour des bougies claires. Nous riions à ces conversations légères que l’on oublie si facilement. Quand je le vis porter aux lèvres son verre, j’en eus le souffle coupé. J’avais cru voir le vivant portrait du jeune buveur d’eau. Je sortais mon Smartphone pour une photo volée. Préserver l’instant.

Prétextant un rendez-vous professionnel à Rouen le lendemain matin, Javier me déposa en bas de chez moi. Il effleura ma nuque avant de me laisser sortir de la voiture. Immobile au milieu du trottoir, je vis sa voiture disparaître au tournant de la rue Vaillant-Couturier. Je retrouvai alors le gout doux-amer de mes rêveries adolescentes. Et autant de mauvaises raisons.

25 septembre 2013

Le travesti

Il avait presque réussi à stabiliser sa dépression et à supprimer tous ses médicaments grâce à  un subtil stratagème : les jours où il ne se supportait plus, il s’habillait en grand-mère. Dès qu’il mettait sa jupe grise, son corsage blanc et qu’il ajustait sa perruque, il se sentait en paix avec lui-même. Si à 50 ans, après une série d’échecs aussi bien professionnels que sentimentaux,  il ne s’était pas encore passé la corde au cou, c’était sans doute grâce à ce petit subterfuge qui lui permettait de goûter à de menus plaisirs interdits. Aussitôt sa jupe enfilée, sa voix se transformait et il en était le premier étonné. La seule fois où sa voix dérailla, ce fut lorsqu’il tomba sur son fils. Il ne le voyait plus depuis un an. Pour quelle stupide raison décida-t-il de l’aborder ? Sans doute l’excitation du travestissement. Quand il lui dit « Pardon monsieur j’aurais besoin d’un renseignement », sa voix reprit instantanément ses intonations graves. Heureusement, son fils ne le reconnut pas ; l’avait-il d’ailleurs jamais reconnu ?

En deux ans, il était devenu une grand-mère presque crédible. La semaine passée, à la terrasse d’un café, les jambes sagement croisés, il avait abordé une jeune femme assise non loin de lui. Il rêva un instant qu’il passait sa main entre ses jambes brunes et lisses pour arriver jusqu’à…

 La jeune femme n’avait pas été insensible à son charme désuet – les femmes âgées attirent les confidences -  et  il lui avait proposé de venir prendre le thé chez lui le samedi suivant ; elle avait accepté sans hésitation. Mais lorsqu’elle serait chez lui, devant sa tasse de thé fumante, la bouche entrouverte prête à déguster une langue de chat sucrée, comment ferait-il pour ne pas devenir ce loup qui n’aurait qu’un seul désir : la croquer toute crue.

 

23 septembre 2013

Mensonge

« Je mens donc je suis », telle est ma devise. Mon dernier mensonge en date : j’ai dit à un collègue de travail que je l’aimais. Bien sûr rien ne m’y obligeait puisque je ne l’aimais pas ; seulement il me regardait d’une telle façon... J’avoue que j’ai dû y mettre du mien, il est tellement laid. Quand je lui ai fait ma déclaration, il m’a regardé l’air incrédule et a fini par répondre.

- Tu es sûre, vraiment ?

-  Mais oui, ai-je insisté.

Quand il a voulu m’embrasser, je l’ai laissé faire. L’espace d’un instant,  il est presque devenu beau.

Certains esprits chagrins me diront : on ne bâtit pas une vie sur des mensonges. Et alors ? Moi, je ne bâtis rien, je panse...

21 septembre 2013

La visite

Quand on a sonné à la porte. J’ai préféré ne pas ouvrir, un pressentiment. Mon mari, lui, s’est précipité avant que j’aie pu lui dire quoi que ce soit ; le malheureux attend toujours quelque chose. Cette fois il n’a pas été déçu : c’était Dieu en personne. Dieu ne nous avait pourtant jamais parlé, ni à moi ni à lui.

Il lui a fait un sermon qui a duré deux heures ; j’ai même  eu le temps de préparer le repas, de manger et d’écouter le journal de la 2 présenté par Pujadas.

Quand Simon est rentré, il était livide. J’ai bien essayé de lui tirer les vers du nez, mais pas moyen, le mutisme total, et ça a duré cinq jours. Le sixième jour il m’a fait un sermon et le septième jour, il a disparu en me laissant un mot que j’ai encore sur ma table de nuit :

«  Je pars avec quelques apôtres pour prêcher la vérité. Je prierai pour toi. Simon, dit Pierre.  »

Je me demande pourquoi il a changé de nom aussi brusquement. L’autre lui allait bien. Ça fait deux ans qu’il est parti et hier, par la poste, j’ai reçu un paquet que j’ai hésité à ouvrir. A l’intérieur, il y avait un livre que je n’avais pas commandé : le nouveau testament.

 

19 septembre 2013

L’oubli

Il ne m’a pas reconnue et j’ai renoncé à l'appeler. Avais-je changé à ce point pendant ces deux années d’exil ? J’ai pris ma valise, j’ai laissé la verrière que le soleil inondait de lumière et j’ai marché jusqu’à l’hôtel de la gare. J'imaginais sans peine la chambre aux papiers vieillis qui m'accueillerait pour une nuit.

Mais si lui ne me reconnaissait pas, qu’en serait-il des autres ?

 

17 septembre 2013

Le Renoir

Elle avait vite fait le tour de cette minuscule foire à tout de province. Seul un tableau l'avait séduite. En y regardant de plus près on aurait même dit un Renoir. Ce coup de pinceau si particulier. Quand elle demanda le prix au vendeur, il lui annonça dix euros.


-    Dix euros ! répondit-elle en écho.
-    Oui, pourquoi ? C’est pas assez cher ?
-    Si, si, l’assura-t-elle.
-    Depuis le temps que j’ai cette croute au grenier et que je veux m’en débarrasser !


Elle repartit ravie, la « croute » sous le bras. En arrivant chez elle, elle plaça le tableau sur la table, l’examina attentivement et passa délicatement le doigt sur la peinture. Vraiment un joli coup de pinceau. C’est ce que lui dit aussi un ami, collectionneur, qui la pressa de le faire expertiser. Quinze jours plus tard, elle apprenait qu’elle était l’heureuse propriétaire d’un Renoir qui lui avait coûté 10 euros.

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