Le prix de Diane
Son chapeau allait faire fureur, elle en était sûre. Qui avait déjà osé porter un chapeau pareil ? Même si son « pedigree » n’était pas à la hauteur de celui des autres « pouliches », elle aurait sûrement le premier prix, créativité oblige. Ses parents pouvaient être fiers d’elle. Une " de Siméon " entrait dans le gotha du gotha, leurs efforts seraient payants.
C’était son premier prix de Diane et elle était un peu tendue. Elle n’avait fait qu’effleurer le gazon de ses escarpins violets et avait souri à quelques visages connus. Si elle se sentait un peu impressionnée par cette foule qui déclinait tout ce que le capital comptait de plus brillant, elle n’en était pas moins persuadée que son charme opérerait et que les pics à plumes de son affolant chapeau pourraient accrocher quelques candidats au mariage. N’était-elle pas devenue aristocrate - bien que roturière - grâce à cette minuscule particule accolée à son nom ?
PS : texte que j’ai choisi d ' « exhumer » après avoir lu cet article du Figaro
Les prénoms
Leurs enfants étaient nés le même jour et, si l'un avait appelé son fils Heinrich, l'autre avait opté pour Benito.
Tous deux pensaient qu’ainsi, les enfants pourraient construire leur vie sur des " bases saines ".
PS : Cette brève m’a été inspirée par cet article de libération : « Ayoub, nazi qui s’en dédit »
Le coeur du tournesol
Pour le Duo suivant, mon texte a été écrit en premier. Patrick en a ensuite fait l’illustration. Tous les duos sont sur Jedouble
Le coeur du tournesol
Hélène m’avait apporté des fleurs de tournesol mais moi, je déteste les fleurs, surtout les jaunes. Je lui avais pourtant dit qu’à chaque fois que je voyais des fleurs je pensais à l’amant de ma femme.
Ma femme et moi étions mariés depuis un an quand un inconnu a commencé à la couvrir de fleurs, nos vases n’y suffisaient plus. Il les envoyait par brassées, rouges, roses ou jaunes. Moi je m’étonnais - toutes ces fleurs, pour toi ? lui disais-je - mais ma femme me répondait toujours que c’était certainement une erreur… Jusqu’au jour où j’ai trouvé un billet sur la table de la salle à manger : « J’en aime un autre, je te quitte. Oublie-moi. »
Comme si on pouvait imposer à quelqu’un, par décret, de vous oublier. Une journée lui avait suffi pour emballer toutes ses affaires.
Le jaune, c’est la couleur des cocus, la mienne. J’ai eu très tôt le pressentiment que je serais cocu. Vous savez, c’est comme ces maladies infantiles qu’on est sûr d’attraper un jour. Le problème c’est qu’avoir été cocu une fois ne m’immunise pas pour autant, et maintenant, avec les femmes je me méfie. Je me demande même si elles ne nous disent pas qu’elles nous aiment au moment où la courbe de température de leur amour flirte dangereusement avec le zéro : une façon perverse d’avoir la paix pour vaquer à leurs amours interdites.
Pourquoi m’avait-elle apporté des fleurs de tournesol ? J’ai cru y lire un présage, alors j’ai pris les devants : ne vaut-il pas mieux quitter qu’être quitté ? Je lui ai écrit un mot tout simple : « J’en aime une autre, je te quitte. Oublie-moi. » - que j’ai envoyé à son adresse.
L’enveloppe m’est revenue quatre jours plus tard. Son adresse à elle avait été barrée à la règle et une écriture soignée avait écrit la mienne. Un tournesol somptueux avait aussi été dessiné sur la partie gauche de l’enveloppe et, au cœur de la fleur, on pouvait lire ce mot : « lâche ».
Le bourreau
Il était bourreau depuis 20 ans, au Texas. Et, chaque nuit, dans ses rêves, il voyait défiler les condamnés qu’il avait exécutés. Parfois le défilé était si long qu’il finissait par s’endormir. Pour le punir de s’être laissé aller, on le plaçait alors sur une chaise électrique où il recevait une décharge qui l’ébranlait de la tête au pied. C’est à ce moment-là qu’il se réveillait…
Le psy
A la fin de sa deuxième séance chez le psychologue – on lui avait prescrit un suivi obligatoire à sa sortie de prison - il s’était énervé.
- Ecoutez, je n’ai rien à dire, alors posez-moi des questions.
Et le psychologue lui avait répondu calmement.
- C’est à vous de vous poser des questions, pas à moi.
Il s’était renfrogné et n’avait plus dit un mot de toute la séance.
La retraite
Il parlait toujours de sa future retraite avec fougue, et il terminait immanquablement ses tirades par : « Et puis, du jour où je serai en retraite, je mettrai plus mon réveil à sonner ! »
Il est mort le vendredi 31 mai - c'était son dernier jour de travail - à cinq heures du matin, juste au moment où son réveil sonna !
L’oiseau du paradis
Il lui avait susurré qu’elle avait la grâce des oiseaux de paradis. Il avait même ajouté – pourtant tous deux avaient à peine parlé un quart d'heure - que sans elle, il n’aurait plus goût à rien.
Deux mois plus tard, l’oiseau était en cage et le paradis oublié…
PS : photo prise par R.B. au Portugal.
Le chef
Quand il entra dans le bureau de son supérieur hiérarchique, il remarqua immédiatement une rigidification de sa mâchoire inférieure ; c’était un signe. D’ailleurs, à peine eut-il prononcé les premiers mots que le Directeur hurla.
- Ah non, pas vous, vous n’allez pas encore m’emmerder ! Dehors !
A ce moment-là, il regarda son chef droit dans les yeux et, en claquant des talons, il éructa « Jawohl, mein Führer ! "
Puis, juste avant de sortir, il fit un salut nazi qui laissa le directeur interdit.
Les dessous de l’Armada
Les bateaux étaient à quai, sagement amarrés. Les marins, eux, avaient envahi la ville à la recherche d’aventures que les mers ne pouvaient leur offrir.
Plusieurs mois après leur départ, on comptabilisa les souvenirs de leur passage : 130 IVG et quelques naissances…
PS1 : cette brève est une fiction.
PS2 : cette année, à Rouen, l’Armada a lieu du 6 au 16 juin.