Ça a débuté comme ça. Vous ne me croirez peut-être pas, mais ça a pourtant débuté comme ça : il était debout, l’air mauvais, et il me barrait la porte pour m’empêcher de sortir ; alors j’ai crié, lui aussi ; j’ai crié plus fort, lui aussi ; il m’a donné un coup de poing qui m’a éclaté la lèvre supérieure, je lui ai rendu la pareille ; il m’a asséné un coup de pied au ventre, je lui en ai asséné deux, l’un au ventre et l’autre aux roubignoles, un conseil de Marie Astrid, mon coach sportif. C’est à ce moment qu’ il a crié grâce ; Charles Edouard est très chatouilleux de ce côté-là.
- D’accord, j’arrête, lui ai-je fait !
- Merci, a-t-il répondu en ravalant sa morve mêlée de sang.
- Maintenant, prends tes affaires et tire-toi !
J’ai eu raison de faire ce stage accéléré de boxe française avec Marie Astrid, une réussite à tout point de vue. Charle Edouard a enfin compris que “femme” ne rimait plus avec “soumission”. Lui et moi, on ne s’entendait plus. Il me voulait sainte et pute ; mais pute, seulement avec lui, bien sûr, et toujours gratuitement. Pourtant, tout travail mérite salaire ! C’est ce que je me tuais à lui répéter, mais Charles Edouard ne l’entendait pas de cette oreille, il a toujours eté grippe-sous.
Je pense qu’il m’oubliera aussi vite que moi je l’oublierai. Il pourra enfin terminer sa thèse de philosphie – La rationalité comme principe de l’éducation à la liberté et à la paix – qu’il n’arrivait pas à achever à cause de moi, c’est tout au moins ce qu’il disait. Avant qu’il ne parte, je lui ai dit en guise d’adieu.
- " La différence entre la théorie et la pratique, c'est qu'en théorie, il n'y a pas de différence entre la théorie et la pratique, mais qu'en pratique, il y en a une." Et j’ai ajouté, ne me remercie pas, ce n’est pas de moi.
Pour toute réponse, Charles Edouard m’a fait un doigt d’honneur. Ensuite, il a pris sa valise et il a claqué la porte violemment derrière lui. Bon vent.
PS : texte écrit dans le cadre des “ impromptus littéraires ”