Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
22 septembre 2012

Prof à domicile

Désenchantée du système scolaire, elle était devenue professeur à domicile. Elle avait pensé naïvement : je ne vois pas pourquoi je laisserais le plaisir d’enseigner à mes enfants à d’autres. Elle avait rapidement déchanté. Passer 24 h sur 24 avec ses enfants de 5 et 7 ans l’épuisait plus qu’un travail rémunéré. Envieuse, elle voyait son mari – cadre dans une PME -  revenir du travail presque frais et dispos.

Au bout de deux ans, elle changea son fusil d’épaule : non seulement elle retravailla, mais, en plus, elle laissa ses enfants à l’étude jusqu’à 18 heures.

21 septembre 2012

La Rencontre

Quand elle l’avait vue dans la rue, maquillée, et dans une superbe robe rouge qu’elle ne lui connaissait pas, elle  n’avait pu lui cacher sa surprise.
-    Ouah,  quel look ! Tu vas où ?
Elle ne s’attendait certainement pas à la réponse que Sybille lui ferait.
-    Chez mon amant !
Elle avait alors répondu, stupide.
-    Eh bien, bonne journée.
Une fois Sybille partie, elle regretta de ne pas lui avoir demandé qui était son amant, surtout qu’elle connaissait déjà son mari…

20 septembre 2012

Duo

Nouveau duo avec caro-carito, du blog " les heures de coton". Il s’agissait d’écrire un texte autour de cette chanson, " la symphonie d’Alzheimer.". Vous pouvez l'écouter plus bas, chantée par Luce. 

La chanson est de Barcella, pour savoir qui  est ce chanteur, c’est ici.

Le texte que vous allez lire est de caro-carito, quant à mon texte, il  est sur son blog

 

                                                                              _____________________

 La mort du bonhomme têtard.

 

bonhommesPremier jour. Un léger clic et ma vieille besace est prête. Lever tôt, réveil léger. Au dernier moment, je me décide à partir à pied. L’école n’est pas très loin. Il suffit de longer le chemin à travers la zone pavillonnaire du Moulin Bacôme. L’herbe est jaune et sèche au pied des allées de thuyas, l’été est tenace.

Je suis rentrée de Malaisie cette année. J’en avais assez de la chaleur, de l’éloignement et aussi des petits. Non que je déteste les enfants. Mais j’étais partie sur un coup de tête, j’avais rencontré Nico. Vécu avec lui. Puis, j’avais quitté Nico ou lui m’avait quittée, aucune importance. J’étais rentrée, j’avais trouvé un appart, un poste avec des grands d’école primaire. Finies les lettres qu’il fallait péniblement apprendre et dessiner, finis les chiffres trop nombreux, les chansons saturées de notes aigues et les feuilles pleines de maisons de guingois avec des oiseaux qui à force de feutre noir ressemblait à des corbeaux neurasthéniques. Au total, les petits bouchons me déprimaient, avec ou sans couette, jupe, bonbons et bonjours sucrés.

J’étais donc redevenue l’instit que je désirais être. Dans une ville de banlieue ennuyeuse et sans éclat. La cloche avait sonné sans même une fêlure, je me tenais derrière mon bureau. Devant mois 15 garçons, 13 filles.

Une demi-journée à blablater sur l’organisation (provisoire vu qu’il nous manquait une réponse de la mairie pour la piscine, un prof d’anglais fantôme … et une bibliothèque minuscule, repeinte de neuf avec un certain choix en livres, mais aucun rayonnage !).

La journée s’étirait, j’avais ramassé les derniers tests de calcul et de français. Dans deux minutes, je rejoindrai Magali pour surveiller la cour. Nous discuterions un peu de notre journée et de la directrice, aussi neuve que moi dans ses fonctions. La cloche de nouveau, plus qu’une heure à tuer. Je savais que je proposerais une activité de dessin pour meubler la fin de la journée. Nous illustrerons les dernières vacances. Va pour une demi-heure tranquille pour ces vingt-huit têtes plus ou moins blondes.

Tout à leurs souvenirs, ils crayonnaient maintenant avec ardeur. Parfois une main se levait et je ramassais la feuille colorée ; une majorité de plage et de ballons, des mouettes bancales et des robes à fleurs s’entassaient sur le bureau. Tiens, deux vues de montagne, et une télé qui mangeait toute la table, original. Je notai mentalement l’auteur du dessin, un maigrichon aux joues tavelées de taches de rousseur. À la place, je lui tendis un coloriage magique avec des opérations simples. Je repassai en revue les feuilles, filles joufflues, membres rembourrées. Je soufflai, ma première journée de classe marquait la mort du bonhomme têtard. Ce monstre au faciès hideux, aux mains hérissées de doigts et au corps rond et laid qui m’avait poursuivi pendant quatre ans avec autant de ténacité que les moustiques qui peuplaient le bord de mer d’Andaman.

Un léger bruit. Julien me tendait quelque chose. Machinalement, j’attrapai l’assemblage de triangles et de quadrilatères qui dès qu’il serait décrypté et crayonné formerait un paysage de la savane. Il s’en empara et bientôt je ne vis plus qu’une tête brune et décoiffée, s’agitant par moment, silencieuse à d’autres. Je remis à l’endroit le dessin en noir et blanc, respirai de travers et posai mon regard sur le gamin.

Un affreux, un immonde bonhomme têtard. Pouah. Rictus immonde - et détail ultime ! - un couteau planté dans le corps avec des gouttelettes de ce qui devait être du sang et qui couvrait toute la feuille. Je regardai le visage appliqué de l’enfant, je le voyais colorier avec application le vert qui marquait les multiples de 2 dans un losange.

Je l’attrapai juste avant l’étude. J’aurais dû être en chemin, mais je voulais écarter de ce premier jour de rentrée la perspective d’un enfant qui trainait peut-être quelques casseroles sociales insoupçonnées. Il m’expliqua benoitement qu’il s’agissait de M. Al Zeimer, un vilain, un monsieur qui avait attaqué Mamie sournoisement depuis le début de l’année et qui faisait qu’elle répétait inlassablement les mêmes phrases, lui chantait dix fois la même berceuse, lui servait trois chocolats au lieu du jus d’orange dont il était friand pour goûter. En avait-il parlé avec ses parents ? Il haussa les épaules… Papa disait que c’était cet Al Zeimer et qu’il fallait envisager le pire, maman dans un chaos de larmes et de cris soutenait que ce n’était pas ce gars-là qui était en cause, que c’était la vie et que pas question de mettre Mamie dans un enfer qui puait. Mamie.

« Julien ! » l’enfant faillit s’envoler, mais il se retint. « Au revoir, maîtresse. » Devant l’entrée de la cour, la femme brune se pencha pour l’embrasser, redressa tendrement le col du polo bleu ciel, leurs mains s’attrapèrent et ils disparurent bien vite au coin de la rue. Je remontai prendre mon vieux sac. J’avais pensé rentrer directement chez moi, trier et noter ce premier jour. Je me décidai à aller vers le plan d’eau. À la brioche angevine, je pris un jus d’orange et un petit pain et allai en direction du bord du lac. Assise dans l’herbe, je branchai mon i-pod et j’écoutai en boucle cette chanson, Symphonie d’Alzheimer... Je repensai à mes propres vacances, au repas de famille du 15 août aux Sables-d’Olonne et ces failles de mémoire si proches que j’avais observées chez Mamoune, notre doyenne, notre pierre angulaire. J’appuyais sur le replay. Cette chanson m’avait obsédée tout l’été ; pourtant je n’arrivais pas à la lâcher.

Un canard s’ébroua devant moi. Je vis passer un jogger. Je repensai à Julien ; moi aussi, soudain, j’avais envie de tuer ce sale bonhomme têtard, quel que soit son nom Al Zeimer ou autre chose.

19 septembre 2012

Les vieux…

Peu à peu, le pays s’était transformé en maison de retraite. Plus un enfant dans les rues, mais des vieux partout, échoués dans les jardins, dans les cafés, dans les abris bus, des brochettes de vieux qui attendaient la mort sans piper. Plus de maternités, mais des pompes funèbres, des fossoyeurs, des corbillards, des cercueils, des gerbes…
Et toujours, sur les lèvres, cette question que personne n’osait plus poser : quand aurait lieu la prochaine naissance ?

PS : texte écrit après avoir lu cet article : Les Portugais, extinction prévue en 2204 ?

La publicité disait, en parlant du Portugal, " le pays où le noir est une couleur." Elle ne croyait pas si bien dire...

18 septembre 2012

Le cheval à bascule

La famille était à la décharge pour l’opération nettoyage : le père, la mère et les deux enfants, deux petites filles d’environ 6 et 12 ans. Le père demanda à la plus âgée de prendre le cheval à bascule pour le jeter dans la benne. Elle s’approcha de la grande bouche, serra le cheval contre elle, regarda ses parents qui s’activaient pour débarrasser le coffre,  fit une dernière caresse au cheval, et puis elle le fit glisser sur le mini-toboggan en fer. Elle crut l’entendre hennir, mais elle ne se retourna pas ; on lui avait dit que maintenant elle était trop grande pour les chevaux à bascule.

17 septembre 2012

incipit

Je ne connaissais pas le prix du pire incipit. Voici ma petite contribution :


« J’aime pas les vieilles dans ton genre ! lui a-t-il craché à la figure avant de la ficeler comme un rôti sur la table de la cuisine. »


16 septembre 2012

Le poirier

raph21Elle avait eu ce trouble du jour au lendemain. C’était réglé comme du papier à musique. Une fois par jour – et elle se réjouissait que cela n’arrive pas plus souvent -  une force irrépressible l’obligeait à faire le poirier. Ça pouvait la prendre n’importe où et jamais à la même heure.
C’est au travail que la « chose » était la plus gênante. La première fois où elle avait fait le poirier en cours, les élèves étaient restés silencieux, comme pris de stupeur. La deuxième fois, ils avaient ri, mais elle avait réussi à mettre les rieurs  de son côté. Seulement, qu’arriverait-il la troisième fois, et la quatrième fois… ?

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par R. B.

15 septembre 2012

Le court-circuit

Dans cette île paisible, la première fois qu’une maison avait explosé, on avait dit que c’était à cause d’un court-circuit. Depuis, à chaque fois qu’un bar brûlait, qu’un supermarché sautait, qu'une maison explosait ou qu’une voiture s’enflammait, on évoquait  la légende du court-circuit…

14 septembre 2012

Le SDF

Quand elle a vu le SDF avec sa pancarte «  J’ai faim » à la sortie du supermarché, elle lui a dit en souriant.
-    C’est normal que vous ayez faim, il est midi !
Et elle est partie comme si de rien n’était, avec son caddie rempli à ras bord.

13 septembre 2012

La jupe

Il était plutôt grand – 1 m 80 –,  et  pratiquait la musculation. Depuis qu’il faisait beau et chaud, il portait la jupe ; une tenue qui lui offrait des sensations merveilleuses, surtout lorsqu’un souffle d’air s’engouffrait sous le tissu léger. Bien sûr, cette jupe ne laissait personne indifférent, surtout les hommes.  Il fut affolé par le nombre de « pédé », « tantouse », « va te faire enculer » que souleva le passage de ce bout de tissu vaporeux arboré sur ses jambes velues.

Il faillit  renoncer à ce « bonheur » quand un type lui mit la main aux fesses dans la rue, en le traitant de « dégénéré ». Il  saisit sa main au passage, la lui tordit et lui conseilla de se laver la tête en rentrant, juste pour se retirer les saloperies qu’il y avait dedans.

PS : Une émission intéressante à écouter sur France inter : Peut-on encore porter une jupe aujourd’hui ?

Un article de Libération pour compléter : la jupe une histoire décousue

Et  ce film, que pour ma part je trouve extraordinaire : la journée de la jupe. Voici la bande annonce.


Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés