Il avait révisé son bac blanc de français dans sa chambre, le MP3 vissé sur ses oreilles. Ses 15 textes avaient été bâclés : il faut dire que Rimbaud, Baudelaire, Balzac, La Fontaine et les autres le déprimaient gravement.
Le jour de l’oral du bac blanc, il arriva un peu en avance pour tâter l’ambiance. Un copain, qui était passé juste avant, lui avait dit en désignant le professeur : elle craint !
Il devait s’attendre au pire. Quand il entra, il avait la gorge sèche. Le professeur choisit un poème de Baudelaire, pile celui sur lequel il n’avait rien à dire. Elle avait dû deviner. Il fit contre mauvaise fortune bon coeur et essaya de griffonner quelques idées. Les vingt minutes de préparation lui parurent très longues. Quand le professeur l’appela, il sourit ; l’amabilité donnait parfois des points. Il ânonna péniblement son explication et le professeur hocha la tête à plusieurs reprises, l’air dubitatif. A la fin, elle lui demanda :
- Vous avez vu ce poème en cours ?
Il lui répondit sans hésiter que oui et elle enchaîna avec un large sourire :
- Et vous étiez présent ?
Putain ! Fut la seule chose qui lui vint à l’esprit ; il se demanda même s’il ne l’avait pas dit à voix haute. Elle lui posa deux questions subsidiaires sur le poème et les réponses qu’il lui donna la firent grimacer. Le professeur le congédia en concluant :
- Pauvre Baudelaire, depuis ce matin il en entend de toutes les couleurs et il se retourne dans sa tombe, mais vous, je crois que vous l’avez achevé une deuxième fois !