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31 janvier 2019

une photo et un texte

A nouveau la photo, croquis main gauche, de Mado. Aujourd'hui, voici mon texte.

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Décor

Ce nu, c’était celui d'un homme qu'elle avait aimé, mais  était-ce possible ? Un  nu est-il ce que l’on veut qu’il soit ou dessine-t-il une pure image de l’esprit qui sombre dans l’inconscient. Qui aurait pu lui répondre ?

Elle a regardé à nouveau son dessin, le modèle, a fermé les yeux et les a rouverts quelques minutes plus tard. Toujours cette ébauche, celle d’un être qui, dans une pause que l’on aurait pu imaginer rêveuse, fermait son corps à lui-même.

Son esprit  est aussitôt devenu le siège d’une pensée obsessionnelle : quel était le nom de l’allégorie que ce nu représentait ? De quel fantasme était-il le reflet ? Mais surtout, quel était l’envers du décor de celle qui avait choisi un homme pour en imaginer un autre ?

29 janvier 2019

une photo et un texte

Voici une photo, croquis main gauche, de Mado. Aujourd'hui vous pouvez lire son texte, le mien sera en ligne le 31 janvier.

 

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Dessein contrarié

 

J’aime bien   passer  l’heure du déjeuner dans le square. Une trouée de soleil, des oiseaux bavards, les gens qui partagent le début du printemps… Depuis quelques jours,  je réveille  le vieux carnet à spirales qui hibernait  au fond de mon sac ; retenir de  fines  traces d’éphémère… griffonner  un nuage, un arbre, les accents d’une allure…

Mon attention  vient  d’accrocher une silhouette de vieil adolescent dégingandé qui se déplace  avec  nonchalance. Il  s’affale  sur un fauteuil en face de moi, de l’autre côté du bassin, s’abandonne dans une attitude singulière  qui me rappelle vaguement  quelque chose-  personnage de BD, de film?  Vite,  croquer  la posture avant qu’il bouge ! J’affûte mon  regard ;  c’est lui qui doit besogner, capter la ligne du corps, les vides, les volumes… Le crayon affranchi n’aura plus qu’à  se défouler.

Premier coup d’œil machinal et   je sursaute, le poignet en suspens au-dessus de  mon ébauche : sur le papier, rien qu’un pâle filet gris, un semblant d’homme qui lévite… Mais surtout, il est  nu.

Qu’est-ce qui se passe? Je me suis endormie  sans doute. Je  rêve et je vais me réveiller … Je relève la tête. L’homme immobile, absorbé par le miroir de l’eau paraît presque irréel.  Mais il est  bel et bien habillé ! C’est que  je deviens folle…

Soudain, mon cœur se met à cogner, goguenard: « Yannis…l’atelier… ta main qui tremblote…tes dessins brouillons…toujours  inaboutis…Tu n’avais jamais été troublée par la nudité d’un modèle. Mais…tu es tombée amoureuse de Yannis ...Tu osais à peine le regarder ! ».  Oui, par peur de  me trahir. J’étais si jeune … Alors J’avais déserté l’atelier sans aucune explication. Je ne m’étais plus jamais  inscrite à aucun  cours.  Restée  cette  éternelle débutante …

L’homme en face  est sorti de sa torpeur. Il se déplie lentement, s’étire. Il a dû se sentir observé car  son regard semble chercher le mien,  et le rencontre. Puis il se lève. Je l’aperçois qui  emprunte l’allée et  se dirige vers moi…

27 janvier 2019

Le rendez-vous

Elle avait connu la fabrique des imposteurs lors d’une visite dans les quartiers bourgeois de la ville et elle avait voulu s’y rendre, allez savoir pourquoi ? Etait-ce parce qu’elle-même faisait partie de cette catégorie-là ?

Lors du premier rendez-vous, elle fut étonnée par les gens présents. La conférence s’intitulait : « l’homme capital humain ». Le public, presque uniquement masculin, était composé d’hommes pour qui le costume semblait une seconde nature. Les visages étaient jeunes - bien rasés - et leurs yeux, souvent bleus, la percèrent du regard dès son arrivée.

Il n’y eut pas de second rendez-vous. Elle s’en dispensa car, ces imposteurs-là, venaient d’un monde qui n’était pas le sien et jamais ne le serait ; non parce qu'ils étaient bourgeois – elle-même était née dans ce monde-là -   mais parce qu'ils croyaient que l'intelligence n'avait qu’un seul sexe.

23 janvier 2019

la question

 

 

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L’imbécile, il avait voulu lancer la lune sur le toit mais elle avait dépassé l’orbite choisie. Maintenant, elle était juste au-dessus de la maison, dans le vide. Comment allait-il faire pour la récupérer cette lune, surtout en plein jour ?

Cette situation était dramatique.  Une lune qui montre son visage aux passants ! Ce type ne connaissait vraiment aucune  limite. Elle allait devoir le faire rentrer dans  le rang, mais comment ? Elle pensa à Dieu, mais si elle avait beaucoup entendu parler de lui, elle ne le connaissait pas et elle se voyait mal faire appel à lui pour ce problème.

Soudain, il lui vint à l’esprit une solution drastique : le faire passer de vie à trépas. Mais qui accepterait ? La lune elle-même, peut-être ?

 

PS : photo prise à Rouen, en plein jour ou presque.

PS' : prochain texte dimanche 27 janvier, j'avais fait une erreur en mettant novembre ;).

21 janvier 2019

Encore ?

 

 

-          Ne me dis pas qu’à ton âge tu es retournée voir Mary Poppins ?

-          Mais si, d'ailleurs ce n’est pas tout à fait la même qu’avant ! eut elle le courage de lui répondre.

Puis elle  ajouta.

- D'ailleurs, cela te ferait peut-être du bien d'aller voir Mary Poppins, car on n'oublie souvent ce que c'est que l'enfance.

Son amie - professeur de français  -  l’avait regardée l’air moqueur et avait poursuivi sa conversation sur les réformes de l'Education Nationale dont, soit dit en passant, elle se fichait profondément.

Oui, elle adorait Mary Poppins. Celle-ci la faisait voyager dans son enfance lointaine où, les jours de mauvais temps, dans la cour de récréation de l’école primaire, elle ouvrait grand son parapluie afin de suivre au pays des rêves cette fée bienveillante qui jamais ne l’obligerait à être l’élève idéale ou l’enfant qui dit oui, en voulant dire non...

 

19 janvier 2019

La sauveuse

« Bon, si je réfléchis bien, j’ai été plus souvent baisé dans ma vie que je n’ai pu baiser », avait-il dit en souriant après avoir fini de boire le troisième verre de vin qu’elle lui avait gentiment offert.

Elle, elle l’écoutait patiemment, adoptant – comme souvent – le rôle de  « Sauveuse ». Combien en avait-elle entendu de ces êtres errants sans jamais rien ne leur demander en retour, ou si peu ?

Celui-ci l’avait touchée, et s’était installé chez elle neuf mois durant. C’est à la fin du neuvième mois qu’elle avait compris que jamais il ne lui donnerait rien, si ce n’est la liste de ses attentes.

 « L’accouchement » s’était fait au forceps et, quand il était arrivé au monde – à 30 ans passés – il n’avait pas compris ce qu’elle lui reprochait.

-          Décidément, t’as aucune empathie ! T’es comme la précédente, aussi égoïste, avait-il conclut.

Elle n’avait rien répondu. Peut-on obliger quelqu’un à sortir de sa forteresse ?

17 janvier 2019

Où sont les pommes d'amour ?

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A défaut de pommes d'amour, "je" se repose sans chichis.

15 janvier 2019

Duo de janvier

Suite du Duo de janvier avec Caro - du blog les heuresdecoton -  qui a choisi une photo de  BySangui.

Après le texte de Caro, voici le mien.

 

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Le pacte

 

La première fois qu’elle avait vu Aphasie, c’était devant le miroir de l’entrée. Elle l’avait observée sans rien dire, regardant avec attention son visage  parsemé de taches sombres, comme le sien.  Pourquoi ? Aphasie avait-elle aussi tué son amant ?

 Après quelques secondes de silence, Marie lui a demandé.

-          Pourquoi ces taches noires sur ton visage ?

Aphasie n’a pas répondu tout de suite mais quand  elle a commencé à parler,  Marie s’est aperçu que les mots se bousculaient sur ses lèvres, l’obligeant à un étrange tissage.

Patiente, elle a attendu qu’Aphasie  déroule la longue étoffe de ses mots.  Son mari était mort, assassiné, elle n'avait pas vu l'assassin.  Etrangement, ce voyage au pays des mots, de la mort et du sang semblait la soulager, pourquoi ?

Une fois son histoire terminée, Aphasie a posé à Marie une seule et unique question : M’aimes-tu ?

Marie lui as dit.

-          Oui, et je m’étonne de t’aimer alors que je te connais à peine.

Aphasie a souri, puis elle a dessiné ses deux  mains  sur le miroir, mains où Marie a posé les siennes, émue.

C’est exactement de cette façon que leur histoire a commencé, et jamais elle ne s’est brisée.

 

 

13 janvier 2019

Duo de janvier

Duo de janvier avec Caro - du blog les heuresdecoton -  qui a choisi une photo de  BySangui.

Aujourd'hui, vous pouvez lire son texte. Le mien paraîtra dans deux jours.

 

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Ne coupez pas

Je la croise parfois. L’ombre.

Une ombre, présence fantôme, plus colorée et moins sombre qu’elle ne devrait, presque un sosie. Une imposture impossible à décrire puisqu’elle n’en est pas une. Un mirage. Quoique.

Ce reflet de moi que je retrouve dans un miroir, a la tangibilité de ce que l’on vit dans les rêves et qui nous secoue au réveil. Perçant l’inconscience des songes, la distance, le temps, un autre dépose un message que seules nos nuits semblent capables de décrypter.

Elle ? L’ombre. Je ne l’ai pas revue depuis un bon moment, ma vagabonde, ma mal peignée. Là je vais  sortir. Elle me saisit alors que j’attrape mon blouson. Je m’adosse au coffre à linge. Au lieu d’aller dégivrer la voiture, j’appelle le boulot, baragouine que je vais mal. Mon chef me dit que c’est pas grave, que vu le nombre d’heures sup que je collectionne, ce n’est pas vraiment un problème. Je le remercie. J’enfile ma parka, claque la porte et me dirige vers la Deûle. Les maisons et leurs briques rouges, bien alignées. Silhouettes étroites et rassurantes. J’y imagine sans peine des odeurs de café, ou de chicoré. Un peignoir qui traîne sur une chaise. Une tartine de beurre salée que l’on avale. Ou peut-être même un reste de soupe, des escaliers impraticables et le gris du ciel que les fenêtres n’arrivent pas à contenir et qui se pose sur tout, sur le buffet hérité de la grand-mère, sur le transistor, sur la télé qui bavarde en sourdine.

Je marche vers la citadelle Vauban quand mon smartphone vibre dans ma poche : message de Stéph. Trois mots et un smiley. Un truc léger parce qu’il ne veut pas me rappeler, me harceler dit-il en ravivant une proposition à laquelle je ne réponds toujours pas.

Je marche encore, je sens un léger tiraillement dans la hanche gauche. Je sens un tiraillement dans le cœur. Je revois mon double, mon ombre, mon autre dans le miroir, son regard grave, ses traits creusés. Je repense à cette phrase, lue ou apprise, je ne sais quand. « Allô allô, c’est moi […] Mais c’est un autre moi pareil et pas pareil ». Parfois alors que l’autre, un ami, un collègue, un numéro quelconque raccroche, elle se glisse dans le silence. Je crois percevoir son souffle, oh à peine une seconde. « Ne coupez pas ! »

Si je pouvais, si je voulais, cette ombre tapie en moi et silencieuse désordonnerait ma vie. « Elle comprendrait de travers mon adresse mon nom. Elle répèterait à l’envers toutes mes commissions. » Elle me montrerait d’autres chemins, d’autres possibles. Elle viendrait du passé, Elle embrouillerait les fils de l’avenir. Vous la verriez comme un pauvre être mais ne vous méprenez pas c’est moi et c’est un autre. Vous la diriez bête puisqu’elle n’est pas comme vous. « Bête comme un écho qui s’embrouille parmi le halo de ses mots qu’elle ne comprend qu’à demi. Bête comme une voix qui résonne résonne dans un désert tout froid ».

Bête comme moi vous diriez si vous me connaissiez vraiment. Alors je baisse les bras, je suis lâche puisque « parfois je vous crois ».

« Alors quand je me téléphone un autre me répond, il n’est là pour personne et me dit toujoursnon. Il raccroche et je sonne ». Ainsi je regrette l’autre et je regrette une part de moi. Je regrette de vous avoir écoutés, vous et ma lâcheté, vous comprenez ? Parce que d’elle, vous jugez ses cernes et la peine qu’elle trimballe. Et vous me jugez, moi. Et vous nous jugez toutes deux, puisque « elle est un autre moi pareil et pas pareil ».

 

Inspiré de la photo de BySangui et de ce poème de Claude Roy.

Ne coupez pas

 

Quand je me téléphone

un autre me répond

il n’est là pour personne

et me dit toujours non

 

Il comprend de travers

mon adresse mon nom

Il répète à l’envers

toutes mes commissions

 

Bête comme un écho

qui s’embrouille parmi

le halo de ses mots

ne comprend qu’à demi

 

Bête comme une voix

qui résonne résonne

dans un désert tout froid

Il raccroche et je sonne

 

Allô Allô c’est moi

Qui est à l’appareil

Mais c’est un autre moi

pareil et pas pareil

 

Un autre me répond

un autre ou bien personne.

11 janvier 2019

Désinhibition

Je me suis installée à une place isolée dans la salle de cinéma, prête à apprécier le film « En liberté », de Salvadori  dont on m’avait dit le plus grand bien. Juste avant que  les lumières ne s’éteignent, un couple arrive, sans doute le même âge que moi. Sauvée par ma sacoche et mon sac à dos – la salle est grande et le public peu nombreux – j’échappe à la présence d’une voisine immédiate.

Le film commence et, après cinq minutes, une scène me fait particulièrement rire. Deux minutes plus tard, même chose. A ce moment-là, ma voisine me dit, d’une voix agacée,  que je ris trop fort. Je lui réponds que la salle est si vaste qu’elle devrait s’asseoir très loin de moi pour ne plus m’entendre rire.

Soudain, j’entends son compagnon éclater de rire et là, désinhibition oblige – une conséquence de mon traumatisme crânien du 25 mai – je ne peux m’empêcher de signaler à ma voisine qu’elle devrait aussi dire à son compagnon d’arrêter de rire, ne la dérange-t-il pas ?

Sa réplique est immédiate.

-          Mais vous êtes complètement folle !

Ce à quoi je réponds aussitôt.

-          Je suis peut-être folle, mais vous, vous avez un sérieux grain, sachez-le.

Son compagnon lui demande de se taire et, après avoir répété que j’étais folle – ce que je ne nie pas -  elle fait silence.

Pas une seule fois elle n’a ri pendant tout le film. Quant à moi, j’ai poursuivi ma route du rire avec grand plaisir, sans plus penser à elle.

A la fin du film, quand les lumières se sont allumées, je leur ai tourné le dos afin de ne pas les voir. Qui sait ce qui aurait pu arriver ?

J’avoue qu’avant mon traumatisme, jamais je n’aurais réagi ainsi, mais – depuis ma chute -  je ne supporte plus les gens qui imposent leur volonté aux autres, avec pour seule raison, leur désir personnel.

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