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Presquevoix...

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27 juillet 2008

Dans un coin de jardin

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« Tiens, encore une qui me photographie ! Je me demande bien pourquoi…dans l’état où je suis…mais si elle savait, aurais-je le privilège de me retrouver sur sa pellicule ? Non, je ne pense pas…Elle a de la chance que je n’aie plus mon carcan et mes flèches. Mon sourire de petit ange, mes bras et mes cuisses dodues font de moi le parfait Cupidon, ce que je ne suis pas mais eux, tous ces touristes ne le savent pas. Si j’ai été relégué dans ce coin de jardin et laissé à l’abandon, c’est bien pour que je disparaisse…pauvres fous, ils ne savent pas que je tiens bon car mon heure viendra à nouveau ! La veille là-bas sait qui je suis mais elle n’ose rien dire. Le guide aussi et c’est bien pour cela qu’il ne s’arrête jamais devant moi avec ses groupes. Jaloux moi ? Oui, bien sûr mais surtout furieux ! Et cette immobilité imposée, ce sourire niais, je n’en peux plus, ce n’est pas moi, je ne suis pas qui vous croyez ! »


26 juillet 2008

le balcon (fin)

divers_printemps__t__08_082

Elle l’entraîna sur le banc face au balcon et ils s’assirent tous deux. Elle laissa un silence s’installer, silence qu’il n’avait pas osé interrompre.
- Vous connaissez l’histoire de Juliette et de Roméo ?
Il sursauta à cette demande. Bien sûr qu’il la connaissait, qui ne la connaissait pas, et il le lui dit mais il ne voyait pas le rapport. Elle poursuivit.
- Grâce à Shakespeare ou à cause de lui, cela dépend, le monde entier situe cette histoire à Vérone. Eh ! bien non, le balcon et le tombeau de Juliette à Vérone sont des fadaises mais c’est voulu, histoire de laisser Juliette en paix.
Il ne put s’empêcher de sourire, un brin moqueur.
- Vous ne me croyez pas, c’est ça ?
- Racontez, ensuite, je vous donnerai mon opinion !
- Vous les « stranieri », vous êtes loin de nos légendes, pourtant elles sont belles, belles et vraies…il y a de cela longtemps, Juliette s’était prise d’amour pour le fils du rival de son père. C’était semble-t-il réciproque et jusque là, Shakespeare raconte bien l’histoire d’origine. Où cela diffère, c’est dans la suite. Quand le père de Roméo a su cet amour, il a pensé que c’était une bonne idée pour déshonorer ce rival qui lui faisait de l’ombre et il encouragea son fils à poursuivre de ses assiduités la belle. Bon que sait-on de la vie à 15 ans car tel était l’âge de Juliette, hein, je vous le demande ? Cette gamine se prit au jeu de l’amour et se laissa aimer par Roméo alors 10 ans plus âgé qu’elle et plus expérimenté comme cela était souvent le cas à cette époque. Les filles au couvent ou sous bonne garde pour préserver leur virginité et les hommes avec les filles de joie, comment vouliez-vous ne pas vous faire avoir, hein je vous le demande ?
- Si cela peut vous consoler, ce n’est plus le cas de nos jours, l’égalité à au moins cela de bon
- L’égalité où elle ne devrait pas être…bon je m’égare. Je poursuis donc mon histoire. Roméo, pas aussi pur que nous aurions espéré, se lassa de cette aventure et des gamineries de cette amante qui, à part sa fraîcheur et sa spontanéité, ne lui apportait plus grand-chose. Il espaça ses visites nocturnes à la belle et de dépit celle-ci tomba malade.
- Ca fait un peu roman bon marché votre histoire, pour l’instant, je préfère celle de Shakespeare, je dois l’avouer.
Sans répliquer, la vieille continua.
- Une nuit, elle le provoqua et exigea de lui le mariage car elle était enceinte. Roméo lui rit à la face, il avait d’autres projets. Elle devint folle, supplia, l’implora car elle savait la sentence de sa conduite, le couvent à vie pour elle et l’enfant qu’elle portait à l’orphelinat. Cette femme à ses genoux irrita le beau Roméo et il se montra dur, intransigeant et terriblement cruel. Elle se releva et le regarda partir par le balcon, celui-là même que nous admirons vous et moi. Alors qu’il enjambait la rambarde, elle le poussa de toutes ses forces. Le malheur voulut qu’il tombe la tête la première sur une pierre et il rendit son dernier soupir sur le champ. Quant à Juliette, elle devint folle et la famille l’enferma toute sa vie dans cette chambre qui fut le théâtre de son bonheur et de son malheur.
- Et l’enfant qu’elle portait ?
- Fausse couche !
- Ah !
- Depuis cette soirée maudite, Juliette ou son fantôme apparaît tous les jours au balcon et charme les hommes, on dit qu’elle cherche à se venger de l’affront subi. Savez-vous que depuis des siècles, plusieurs hommes ont été retrouvés sans vie au pied du balcon ? La légende dit qu’elle les attire à elle et ensuite qu’elle les tue.
- Son fantôme ? Mais cette maison est habitée ?
- Oui, elle est restée dans la famille de Juliette, elle n’a jamais changé de propriétaires.
- Et qui l’habite ?
- Moi !
Il sursaute.
- Vous ? Mais…vous n’avez pas peur des fantômes ?
- Non, vous aimeriez visiter ?
Il hésite mais la curiosité est la plus forte. Il accepte et tous deux se dirigent vers la porte qu’elle ouvre avec une grosse clé en métal qu’elle sort de sa poche. Elle entre la première, il la suit, ils montent à l’étage et quand il pénètre dans la chambre au balcon, un grand froid le saisit. Il se retourne, la veille a disparu, à sa place, une jeune fille, belle à couper le souffle, vêtue d’une longue chemise de nuit blanche à dentelles fines, de longs cheveux bruns défaits sur ses épaules.
- Juliette, murmure-t-il !
Elle sourit et s’avance vers lui, les bras en avant alors que le chien se met à hurler…

25 juillet 2008

le balcon

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Aujourd’hui, il ne la voit pas et il en est triste, elle lui manque, sensation bizarre que cette dépendance toute fraîche... Cette silhouette, il l’a aperçue un peu par hasard, un matin alors qu’il promenait son chien dans cette jolie cité de Vicenza où il séjourne pour se remettre de cette saleté qu’on appelle cancer et qui a failli le tuer. Ce jour-là, il ne sait pas pourquoi, ses pas l’avaient emmené sur un autre chemin et il avait pensé « pourquoi ne pas changer la routine ? » Il avait pris plaisir à regarder les façades des maisons qui se succédaient, le soleil chauffait ses bras et son crâne dégarni et, un peu en sueur, il avait trouvé refuge sous un arbre en s’octroyant une petite halte sur le banc disposé à cet effet. Le balcon était en face, s’offrant à sa vue et à sa curiosité. La végétation qui montait à l’assaut de la maison en briques camouflait la décrépitude des murs et leur effritement. Il admirait les colonnes supportant le toit du balcon quand il distingua une forme se mouvant dans l’ombre. Tout d’abord, il n’avait aperçu qu’une vague ombre mais progressivement, il avait su deviner les gestes gracieux des bras qui tenaient un arrosoir ancien en cuivre mais n’avait pu discerner les traits cachés par un chapeau charmant à larges bords. L’habillement semblait désuet mais il n’en était pas sûr. Le lendemain, il était revenu à la même heure et avait assisté au même rituel. Depuis 10 jours, il ne manquait aucun rendez-vous et cette simple apparition suffisait à combler sa journée. Sur son banc, il ne bougeait pas et il ne savait pas si elle l’avait remarqué, elle n’en donnait aucun signe.

Il avait même rêvé d’elle et il doit l’avouer, les images qui lui étaient restées n’étaient pas anodines. Il se demandait si il n’était pas en train de tomber amoureux d’une ombre ?
Le rêve ne suffisait pas, il voulait savoir qui elle était. Il s’installa à son ordinateur et chercha qui habitait là mais il ne trouva rien. Il alla donc rôder autour de la maison et profitant de l’opportunité du chien, commença à parler avec les personnes qu’il croisait dans le coin, à les questionner mais sans résultat. Un jour, il entra dans le café situé en face, s’accouda au bar et demanda au patron s’il savait qui habitait cette maison. Le patron, un rondouillard à l’allure débonnaire comme le sont souvent les rondouillards, le regarda d’un œil perplexe, puis sans se presser, lui demanda.
- Pourquoi vous voulez savoir ?
- Euh, par curiosité !
L’homme posa son torchon et vint s’accouder en face de ce client curieux. Il le fixa dans les yeux.
- La curiosité peut parfois être malsaine. Vous voulez un conseil, orientez votre curiosité ailleurs.
Il se redressa et sans plus accorder d’attention à cet inconnu qui posait des questions sans réponses, il héla un autre client et débuta une conversation anodine sur le temps qu’il faisait.
Jacques, car tel était son prénom, paya et sortit. Sa curiosité avait été attisée et il s’enhardit. Il sonna à la porte de la maison. La porte resta close. Il fit un pas en arrière, cherchant des ombres derrière les fenêtres, mais rien ne bougeait.
- Vous cherchez quelqu’un ? demanda une voix
Il se retourna pour se trouver presque nez à nez avec une veille dame voûtée, au visage plissé comme une vieille pomme, fichu noir sur des cheveux blancs comme neige. Des yeux lavés par les ans le scrutaient d’un air bienveillant. Il se sentit en confiance.
- Je cherche à savoir qui habite cette maison ?
Elle hocha la tête.
- Et pourquoi voulez-vous savoir qui habite là ?
- J’ai aperçu une silhouette au balcon et…
Qu’allait-il dire ? Qu’il était tombé amoureux d’une ombre ? Ridicule, il était ridicule. Alors qu’il se creusait la tête pour terminer sa phrase en trouvant une suite admissible…
- Et vous êtes tombé amoureux ?
Il la regarda bouche-bée, comment avait-elle deviné ?
- Venez !

 

24 juillet 2008

Bye bye blog…

Jusqu’au 16 août, je ne serai plus de quart sur le pont du blog presquevoix. Mes écrits infuseront une semaine ici et une autre semaine là. Peut-être diffuserai-je mieux ensuite… qui sait ?

Sur l’air de « bye bye love » chanté par Ray Charles ( les paroles sont de lui ) ou par les Everly Blue brothers , les paroles suivantes, le tout de mon cru…

Bye bye blog

Bye Bye blog
Bye bye happiness, hello something else
I think I'm-a gonna cry-y
Bye Bye blog
Bye bye sweet writing, hello travelling
I think I'm-a gonna try-y

PS : Et deux citations, pour la route :

« Je doute de tout, je redoute le reste » Yvan Audouard
« Même l’avenir n’est plus ce qu’il était » Paul Valéry

23 juillet 2008

Vivre…

mu1- Je me demande où partent les rêves dont je ne me souviens pas* ? - lui avait-elle dit en traversant le pré. Est-ce qu’ils s’accrochent aux nuages ou est-ce qu’ils sont engloutis dans les vallées profondes où se cache l’ogre des enfers ?


Il n’aimait pas la voir ainsi, il savait qu’elle partirait dans un de ces longs monologues qui entretenaient sa mélancolie. Il essaya de détourner son attention en lui montrant la fleur rose dont la chevelure oscillait au vent.


- Elle est comme toi, lui dit-il.
- Comme moi ? Je ne comprends pas.
- Une résistante.

Elle le regarda incertaine. Une résistante ! Comment pouvait-il lui mentir ainsi, à elle ! Elle qui n’avait pas su dire non. Elle regarda le fil de l’eau. Des rides  se formaient à la surface parce que le vent se levait ; c’était comme si la rivière l’appelait. Des frissons couraient sur sa peau blanche et elle enfila le gilet qu’elle avait noué autour de sa taille. Oui, lui, elle aurait pu l’aimer s’il n’y avait pas eu son père. Elle ne pouvait rien effacer et personne ne pourrait rien effacer pour elle, ni lui, ni aucun autre. Ce qui était vécu, était vécu pour l’éternité.

- Et si on prenait une barque pour traverser la rivière ?

Il  avait dit cette phrase avec une telle douceur qu’elle lui prit la main et la glissa dans la sienne. Pour la première fois, elle  lui chuchota qu’elle l’aimait ; bien sûr, elle mentait un peu, mais était-ce si important ?  Après, il serait peut-être trop tard.

- Aujourd’hui, je veux  traverser la rivière toute seule, lui confia-t-elle au creux de l’oreille.

Il accepta. Que pouvait-il faire d’autre ? Lorsqu’il la vit s’éloigner dans l’embarcation,  il eut l’étrange sensation qu’il ne la reverrait pas, mais il se ressaisit ; il avait déjà eu cette impression tant de fois, et elle était toujours revenue. Alors pourquoi  en serait-il autrement cette fois-là ?

* Phrase lue dans le livre « Autoportrait » de Edouard Levé

* photo gentiment prêté par Mû du blogamû

22 juillet 2008

Le train couchette

Elle revenait de l’enterrement de sa grand-mère et devait prendre le train qui partait de Toulouse à 22 h 35. En entrant dans le wagon couchette numéro 50, des odeurs d’encens  lui brouillaient encore la tête. Elle chercha la couchette 82 tout en pensant que sa nuit dans le train allait l’achever. Le lendemain, si tout allait bien, elle serait à la gare d’Austerlitz à 7 h 00. En glissant sa valise sous la couchette du bas, elle revit le cercueil en bois brun devant lequel elle avait fait un signe de croix machinal. La cérémonie l’avait vidée de toute énergie et elle s’allongea sur la couchette, les mains croisées sur son ventre. Elle les décroisa aussitôt, cette position lui rappelait par trop celle de sa grand-mère au funérarium : visage de marbre blanc, lèvres serrées, et sa robe grise au col blanc d’écolière sage, celle qu’elle portait du temps où…

- Bonsoir, j’ai la couchette à côté de la vôtre.

La voix la fit sursauter, elle tourna les yeux et vit un homme d’âge moyen qui s’asseyait sur la couchette du bas, juste à côté de la sienne.

- Ah, dit-elle pour la forme.

L’homme la fixait, le regard vide, et elle en ressentit un vague malaise. Il articula comme avec difficulté.

- Je monte à Paris, des problèmes de couple,  c’est pour ça que…

Et il laissa sa phrase en suspens. Elle attendit. Il devait avoir 45 ans, sans signe particulier, si ce n’était un teint blafard et un visage mal rasé.

- Vous êtes mariée ?

Qu’est-ce que sa situation familiale pouvait bien lui faire ? Elle dit que oui, juste au cas où. Avec un homme seul, dis toujours que tu es mariée, lui avait enseigné sa mère. Sa réponse ne sembla pas l’intéresser et il continuait déjà.

- Moi oui. Je n’aurais jamais dû. Elle m’a quitté. A cause d’elle, je prends des antidépresseurs, ça fait un an.

Et il sortit une boîte à moitié vide sur laquelle elle lut « deroxat ».

- Sans ça je suis un homme foutu. Parfois j’ai des envies d’en finir. Je me dis que ça sera elle ou moi.

Elle laissa passer un instant, mais ne trouva rien à dire. La voix du contrôleur annonçait déjà  le départ du train dans le haut-parleur, il faisait nuit noire, la lumière papillotait de temps à autre, et personne d’autre ne venait s’installer dans leur compartiment. Elle se demanda si elle n’allait pas partir ailleurs, mais l’homme prit les devants, ferma la porte avec le loquet de sûreté et conclut.

- Il vaut mieux fermer, comme ça vous n’aurez pas froid.

Quand la porte claqua, elle eut le même sentiment que lorsque le couvercle du cercueil se referma sur le corps de sa grand-mère. L’homme ajouta.

- Les antidépresseurs, ça diminue les angoisses, c’est le docteur qui me les a conseillés. Il m’a dit que sinon, je risquais de faire des bêtises. Il a rajouté que j’avais encore la vie devant moi, mais je  suis pas dupe, à 45 ans, je sais bien que je peux plus espérer grand chose de la vie. Quelle femme s’intéresserait à un homme comme moi ?

Elle resta silencieuse, comme pétrifiée. Elle devait ressembler à l’une de ces statues qu’elle avait observées dans la petite église du village où la cérémonie d’enterrement avait eu lieu. L’homme avait une voix pâteuse ; quand elle l’écoutait, elle avait l’impression d’être engloutie dans ses phrases. N’était-il pas en train de l’hypnotiser ? Il fallait qu’elle se secoue.

- Vous allez vous installer à Paris alors ? Dit-elle sans trop y croire.

Il la fixa bizarrement et elle crut voir dans ses yeux autre chose qu’une profonde mélancolie. Il ne répondit pas à sa question et poursuivit.

- Et vous ? Vous vous intéresseriez à un type comme moi ?

Elle toussota pour se donner une contenance. Ce type lui faisait vraiment peur. Elle sentit comme une odeur d’encens, la même que dans l’église, comment pouvait-il dégager cette odeur-là ? L’homme eut soudain un mouvement dans sa direction et elle fit un tel bond qu’elle se cogna violemment la tête sur la couchette supérieure.

(...)

... Quand elle ouvrit un œil, elle vit un homme penché sur elle, il avait une casquette et lui disait

- Alors, ça va mieux ma petite dame ? Pas besoin de somnifères pour cette nuit, hein ? Un comprimé d’aspirine, peut-être ?

L’autre homme qui la regardait fit au contrôleur de sa voix pâteuse

- Je pense que maintenant elle va mieux, je vais la veiller. J’ai un sommeil très léger. Si jamais il y a un problème, je vous appelle, j’ai vu où était votre compartiment.

Le contrôleur disparut et elle resta seule avec l’homme qui essayait vainement de la rassurer de sa voix pâteuse. Elle préféra fermer les yeux et ne penser à rien. Elle  finit même par croiser ses mains sur son ventre et  récita tout bas un « Notre père », machinalement.

21 juillet 2008

Quand j’écris…

Quand j’écris je ne pense pas, dit Henri Bauchau .
Vous savez ce qu’il vous reste à faire si vos pensées s’engorgent…

19 juillet 2008

Il est fini le temps des pâquerettes…

Marrie6Il était fini le temps des pâquerettes qui ornaient leurs doigts de pieds, fini le temps des complicités chuchotées, fini le temps des rires mêlés. Elle la regardait s’éloigner d’elle, dans la violence de leurs silences. Si leurs yeux se fixaient, ils se brûlaient, si leurs mots violaient le silence, ils se heurtaient ; c’était comme si quelque chose d’irrémédiable s’installait entre elles.

La veille, sa fille lui avait dit.

- J’ai rêvé de toi, tu étais morte !

Elle n’avait rien répondu. Qu’y avait-il à répondre à ça ? Des cheveux blancs s’étaient accrochés aux ailes du temps et elle regardait la couronne d’absence qu’ils tressaient. Chaque phrase prononcée était triturée, interprétée et perdait presque le sens qu’elle lui avait donné au départ.

Elles s’étaient aimées, il y a longtemps. Elle lui avait raconté des histoires de princesses, de fées, de pays merveilleux, de princes qui allaient conquérir leur belle ; mais maintenant elle n’était plus que la méchante sorcière, celle par qui le malheur arrive.

Deux jours plus tôt, en voyant la tenue que sa fille avait choisie pour aller en ville, elle lui avait dit.

- Tu sors comme ça ?

- Oui, pourquoi ? Avait répondu l’adolescente d’une voix sèche.

- Pour rien, s’était-elle entendue dire, lâche.

Et sa fille était sortie le nombril à l’air et le pantalon descendant trop bas sur ses hanches, au risque de faire apparaître sa raie des fesses à la première occasion. Qui allait-elle voir ? Elle n’en savait rien. Après tout elle s’en fichait. Si quelque chose de grave arrivait, elle comprendrait enfin que sa mère avait une conscience qui aurait pu lui servir. Elle en conclut qu’elle attendait presque ce moment-là, ce basculement où elle clamerait peut-être, haut et fort, comme une vengeance : « Je te l’avais bien dit ! »

Les pâquerettes s’étaient fanées, la nature vierge de l’adolescence avait repris ses droits, et personne ne pouvait comprendre le martyre qui était le sien ; elle finissait, insensiblement, par détester l’enfant qu’elle avait mise au monde.

PS : photo gentiment prêtée par Mariesondêtre.

18 juillet 2008

Silence...

« S’il (le journaliste) laisse le silence s’installer, la vérité finira toujours par sortir, même entre les lignes. » Phrase d’Henri Bauchau lue dans une interview qu'il a accordée à Télérama.

On comprend, à la lumière de cette phrase, pourquoi la vérité ne sort jamais dans les médias…

A trop vouloir presser l’autre, il se dérobe…

16 juillet 2008

Le compteur à gaz

- Vous venez pour le gaz ? Lui cria-t-elle alors qu’il faisait juste les cent pas devant chez elle.

- Euh…oui.

- Eh bien entrez !

Et il était entré chez elle alors qu’il n’était pas employé du gaz et ne l’avait jamais été. Faire semblant jusqu’au bout, voilà ce qu’il devait faire. Il avait refermé la porte derrière lui et observait l’intérieur modeste de cette petite maison où il avait pénétré sans en avoir vraiment eu l’intention.

- Tenez, mettez les patins, lui dit-elle, c’est mieux. Il chaussa deux patins qui lui rappelèrent ses folles glissades sur le parquet de sa grand-mère quarante ans plus tôt.

- Le compteur est à la cave, mais vous avez bien deux minutes. Vous boirez bien quelque chose ?

La dame avait très envie de parler et n’était pas encore prête à lui montrer le compteur. Pourquoi pas, se dit-il, il n’avait rien à faire de sa matinée, à part son rendez-vous de 12 h à l’agence pour l’emploi. Il accepta sa proposition et chercha rapidement un calepin dans son sac pour faire sérieux, après, il verrait. Elle s’affaira quelques instants à la cuisine. Elle aurait pu avoir l’âge de sa grand-mère, 80 peut-être. Avec son peignoir bleu nuit, elle était plutôt touchante, mais il savait qu’il ne devait plus se laisser aller à la mièvrerie des sentiments avec les gens, parce qu’à chaque fois, il s’en était mordu les doigts ! Quand il pensait à cette garce qui avait dit qu’il la harcelait et à cause d’elle, retour à la case ANPE !

- J’espère que vous aimez le jus de raisin, lui dit la vieille dame.

- Oui, merci, fit-il en garçon bien élevé. Vous habitez toute seule ?

- Oui, mon fils vient de temps en temps le soir, et une voisine aussi, à midi.

Il consulta rapidement sa montre et vit qu’il était 10 h. Il l’avait fait machinalement mais ce geste le gêna. N’était-il pas déjà en train de penser que… Non, il devait tout de suite s’enlever ça de la tête. D’ailleurs chez cette vieille, il n’y avait rien visiblement, à moins que…

- J’aime bien bavarder. Il faut dire que je suis seule toute la journée, continua-t-elle.

- Comme moi !

L’imbécile, pourquoi il lui parlait de sa solitude alors qu’elle était encore plus seule que lui.

- Vous n’avez pas d’enfant ?

Il faillit lui répondre méchamment, mais se retint. Des enfants ! Comme s’il n’en avait pas assez bavé lui-même enfant  !

- Non, pas d’enfant, juste un chat !

- Ah, vous aussi ? Je ne sais pas où est passé le mien, il faut dire que toute la journée, il cavale. Il revient pour manger. Et le vôtre ?

- Oh, rien de particulier. Il dort, il bouffe et il baise !

Elle le regarda d’un drôle d’air. Il faut dire qu’il n’y avait pas mis les formes. Il faudrait vraiment qu’il surveille son langage à l’ANPE.

- Alors, et votre compteur ma p’tite dame ?

- Venez, c’est à la cave !

Il la suivit. Il n’aurait sans doute pas dû, les caves lui avaient toujours fait peur, combien de fois n’avait-on pas fermé la porte de la cave derrière lui dans son enfance… Quand il remonta, quelques instants plus tard, il fureta à droite et à gauche pour voir ce qu’il pouvait prendre. Rien dans la salle, ni dans la cuisine, et dans la chambre, juste de quoi satisfaire quelques menus achats. Il sortit de chez elle après avoir vérifié qu’il n’y avait personne dans la rue. Il avait rendez-vous à midi à l’ANPE.

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