Pour remettre l’église catholique à sa juste place, mon mari me rappelle que Galilée a été condamné en 1633 par la Sainte Eglise Catholique et Apostolique… et que sa réhabilitation date de… 1992 ! Et pourtant, elle tourne vraiment, la terre ! L’Eglise – « très mal éclairée » au dix septième siècle mais l’est-elle mieux actuellement ? - avait demandé à Galilée de prononcer les mots suivants dans sa formule d’abjuration que le Saint Office avait préparée : « …. avec l'aide de Dieu (je) tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église Catholique et Apostolique affirme, présente et enseigne… »
Selon Benoît « treize et trois », l’une des deux menaces qui pèsent sur la culture est « l’arbitraire de la subjectivité. » Ne doutons pas que pour la Sainte Église Catholique le chemin sera encore long… elle ne devra pas oublier de prendre son bâton de pèlerin.
* Cette photo a été vue sur le site du journal Libération
Toute rencontre est le début d'une séparation ! Evidemment, quand elle le lui avait dit lors de leur première rencontre au café de l’Echiquier, ça l’avait un peu surpris, surtout qu’il ne lui avait rien demandé, à part un stylo. Puis, par désœuvrement, il s’était retrouvé assis à sa table, l’observant entrain de lisser compulsivement le bout de l’une de ses longues mèches brunes entre ses doigts. Ce qui lui avait tout de suite plu chez cette fille, c’est qu’elle aussi avait un tic, différent du sien, mais elle en avait un. Il se demandait encore pourquoi il s’était laissé aller à la confidence et avait fini par lui dire – sans qu’elle ne lui demande rien d’ailleurs - que lui aussi avait un tic et que ce tic lui faisait préférer les échanges virtuels aux échanges réels. Elle avait alors répondu, comme si elle pensait à autre chose. - Toute rencontre est le début d’une séparation ! C’est un proverbe japonais, précisa-t-elle. Il n’avait pas su quoi ajouter, mais il se faisait maintenant la réflexion qu’on ne se méfiait jamais assez des petites phrases dites lors des premières rencontres ; certaines sonnent comme des devises et signent le destin de deux êtres. Il se souvenait que Ana, sa première amante virtuelle, avait terminé son deuxième mail par : Je ne peux jamais aller très loin avec les hommes. Il devait convenir qu’elle l’avait averti ! Seulement, il avait un défaut, sa ténacité, et les difficultés l’avaient toujours stimulé. Avec la fille du café de l’Echiquier, ils sortirent trois mois. Ils se voyaient tous les mardi, de 20 heures à 22 heures, chez Pascaline, pour manger, parler de tout et de rien – surtout de rien - puis il la raccompagnait chez elle, rue Ganterie. C’était le moment qu’il préférait car il essayait alors de la connaître autrement, sous la porte cochère du numéro 28, le seul endroit intime qui lui permettait d’apprendre son corps. Ses mains s’égaraient ici ou là et sa langue tentait de forcer en douceur le barrage de ses lèvres. Comme elle se montrait peu sensible au ballet de ses mains, il n’allait jamais vraiment très loin, tout en s’exaspérant un peu de sa froideur. Pourtant, cette mise à l’épreuve l’excitait plus qu’elle ne le désolait, et il ne désespérait pas de coucher avec elle. Ce mardi 27, dernier mardi du mois qui couronnait le troisième mois de leur rencontre, elle l’invita chez elle. - Non, ce soir on ne va pas chez Pascaline ! Pour fêter nos trois mois de rencontre, Je t’ai préparé un repas japonais, lui annonça-t-elle en souriant. Cette décision était si soudaine qu’il ne put s’empêcher de la trouver étrange, mais il accepta. Son appartement était situé au dernier étage d’un vieil immeuble et un petit escalier en bois y conduisait. Arrivée devant la porte, elle sortit sa clef, la tourna dans la serrure, ouvrit la porte et le fit entrer en lui prenant la main. Elle le conduisit jusqu’à une table basse où tous les mets étaient déjà disposés. Puis, sans qu’il s’y attendît, elle l’embrassa d’une façon insolite bien qu’agréable. Elle finit par détacher sa bouche de la sienne et lui dit dans un souffle. - Sers-toi, ne m’attends pas, je reviens. Cinq minutes avaient déjà passé et elle n’était toujours pas revenue, aussi suivit-il son conseil et commença-t-il à manger un sushi, puis un autre. Elle refit son apparition au moment où il avalait une bouchée. Il faillit s’étrangler car elle était presque nue, juste couverte d’un léger voile de tulle vert. Gêné, il ne sut quoi dire. Elle lui enjoignit de rester assis et de continuer à manger, ce qu’il fit docilement. Ils parlèrent peu. Après le plat principal elle annonça simplement. - Ton dessert, c’est moi, viens ! Et elle lui désigna le canapé. Il l’enlaça sans plus attendre mais fut vite embarrassé de ce tic qui faisait son apparition aux moments les plus intimes. Elle sembla s’en accommoder et, passée la première gêne, leurs corps s’emmêlèrent ; il eut même la satisfaction de l’entendre gémir. Il se sentait prêt à rester en elle toute la nuit, jusqu’à plus soif, mais elle se dégagea brusquement et lui annonça, en se redressant nue et fière, telle une amazone prête à bander son arc. - Maintenant, pars ! Malgré sa surprise, il protesta. - Tu es folle, on vient juste de faire l’amour et tu me renvoies comme un malpropre… - Ecoute je t’ai prévenu la première fois : toute rencontre est le début d’une séparation ! Prends tes affaires et pars immédiatement ! En deux minutes, Il se retrouva à la porte de chez elle, penaud, ses chaussures à la main. Il s’assit sur une marche et attacha patiemment ses lacets tout en essayant de ne penser à rien. C’est à ce moment-là qu’il entendit de profonds sanglots de l’autre côté de la porte, mais il se garda bien de frapper, une « gifle » lui avait suffi ! Quand il se retrouva dans sa chambre, dans ce lit que personne d’autre ne connaissait à part lui, il souleva de mémoire le tulle vert qui voilait le corps de Marie – c’était son prénom et elle le lui avait caché jusqu’au dernier soir – et il refit en rêve le voyage de son corps…
Je suis tombée par hasard, sur cette chanson de Brassens - « Fernande » - interprétée par Carla Bruni du temps où elle n’était pas encore femme de Chef. Il paraît qu’on lui « avait déconseillé » de chanter « Fernande ». Je me suis dit qu’en toute modestie, j’allais lui écrire, sur la même musique, de nouvelles paroles – inspirées de celles de Brassens - afin que le texte fasse vraiment corps avec sa vie d’épouse de Chef. Ah, si Madame Bruni - Sarkozy n’avait pas déjà enregistré son disque, peut-être aurait-elle accepté mon humble participation ! Mais je ne désespère pas de l’entendre entonner cette « antienne femelle » dans un avenir proche…
Pouvoir
Une manie de jouvencelle Moi j'ai pris l'habitude D'agrémenter ma solitude Aux accents d’une ritournelle
{Refrain}
Quand je pense à mon père ! je baille je baille Quand je pense au mariage Je baille aussi Quand j’pense au père Noël Mon Dieu j’baille de plus belle Mais quand j'pense au Pouvoir Là je ne baille plus Piloter l’Elysée Ça c’est bien mieux qu’baiser.
C'est cette ardente ritournelle Cette antienne femelle Qui retentit dans la cervelle De notre ambitieuse donzelle.
{ Refrain}
Et pendant l’acte conjugal Comme elle est un peu triste Chante ainsi notre belle artiste Pensive sur son lit nuptial
Refrain
Elle a grimpé tous les barreaux Réussi son parcours Et parée de tous ses atours Elle jouit de ses nouveaux vassaux
Clara Magouille n’en était pas à
son coup d’essai. Elle avait essayé déjà une bonne dizaine de fois sans
résultats mais celle-ci serait la bonne, elle en était…presque certaine.
Elle mit son plus beau chapeau,
celui qu’elle avait acheté pour la rencontre annuelle des anciens du lycée.
D’un beau vert foncé, il avait cette petite touche d’originalité qui
contrastait avec ses yeux d’un jaune lumineux créant ainsi un effet surprenant,
avait dit la vendeuse. Quant au choix du balai, elle ne savait pas si elle
prenait celui à turbo ou celui à injection ? Elle opta pour la sécurité
car le voyage risquait d’être long et laissa le turbo de côté non sans un petit
soupir de regret vu sa belle carrosserie dernier modèle. Avant de quitter sa
tour, elle s’admira et le miroir lui retourna un compliment ce qui n’était pas
commun vu son air renfrogné et ses perpétuelles critiques. Il faut dire qu’elle
avait mis un soin particulier à sa toilette allant jusqu’à vernir ses ongles
aux doigts fins et gracieux, tout le contraire des affreuses mains crochues de
ses collègues. Ses petits pieds, mis en valeur dans des sandales rouges,
offraient un spectacle distingué quand elle montait en amazone et lorsqu’elle
arrivait à destination, elle ne manquait jamais de passer un premier tour avant
d’atterrir, permettant ainsi à qui voulait de la remarquer.
- Bon, ma fille, assez de
rêveries et de compliments sur ta petite personne, l’apparence est une chose,
la finesse d’esprit en est une autre. A tes petites cellules grises de travailler
maintenant !
Elle ramassa son sac, vérifia une
dernière fois que tout y était et s’en fut par monts et par vaux un soir de
pleine lune. Elle ne s’arrêta qu’une fois, pour déjeuner. La taverne « Au
goinfre heureux » n’était pas l’endroit idéal pour une sorcière raffinée
comme elle mais on y servait une excellente soupe à la courge rose qui faisait
sa réputation à la ronde. Après cette pause bienvenue, elle se repoudra,
rectifia son maquillage et se remit en route. Arrivée en vue de sa destination
finale, elle eut un pincement, là, juste un peu en dessous du sternum, un petit
pincement suivi d’un gros bloc qui lui barrait la respiration. Elle essaya
d’inspirer à fond puis d’expirer d’un seul coup mais la désagréable sensation
ne voulait pas déguerpir, elle renouvela le cycle deux ou trois fois mais sans
succès.
« Est-ce un
pressentiment ? » se demanda-t-elle mais ne voulant pas gâcher ses espoirs
avant l’épreuve, elle balaya cette mauvaise pensée et atterrit tout en finesse
dans le jardin de l’académie. Elle épousseta son manteau, rajusta son chapeau
vert, enleva quelques plumes d’oies qu’elle avait ramassées lors de sa
rencontre avec les migratrices et le regard volontaire, elle se dirigea vers
l’entrée. Deux dragons en gardaient la porte mais ils étaient éteints. Elle
pénétra dans une grande salle où s’alignaient les experts.
- Clara Magouille, c’est bien cela ? demanda celui qui
portait le chapeau à clochettes et les lunettes en écaille de lézard. Etes-vous
prête ?
Clara acquiesça et les questions commencèrent.
- Donnez-nous la définition de « fricasse » et
« cramine ».
- Qui, lorsqu’elle éternue, provoque des avalanches ?
- Qui a dit « Aime et fais ce que tu veux » ?
- Qui a écrit « Tant que l’homme sera mortel, il ne
pourra être décontracté »
- De quoi la clef est-elle le symbole ?
- Dites trois fois à voix haute et très vite :
« Si six sangsues sont sur son sein sans sucer son sang ces six sangsues
sont sans succès »
Clara répondit avec brio aux questions mais buta sur les
sangsues. Bons princes (son charme sans aucun doute), ils lui donnèrent une
deuxième chance et elle y parvint.
Folle de joie, son certificat sous le bras, elle sauta sur
son balai, fit trois loopings avant de foncer chez sa copine, Béatroce.
La fête fut mémorable, elles en parlent encore aujourd’hui.
Note : les réponses aux questions peuvent être publiées
sur demande…
Il y avait cette photo qu’elle observait et ce silence omniprésent. Si elle ne disait rien, le silence finirait par la retenir dans son ombre. Elle ne se sentait pas prisonnière, non, mais elle aurait préféré que quelqu’un parle. Elle faisait du rangement, lui, elle ne savait pas ce qu’il faisait, elle ne s’y intéressait plus vraiment. Pas le courage. En ouvrant l’album de photos, elle en saisit une, la brandit et dit à voix haute.
- Tu te souviens de ce manège, il tournait tellement vite ! Je criais et toi tu avais passé ton bras autour de mes épaules et tu avais dit « N’aie pas peur, je serai toujours là ! » Tu te souviens ?
Elle savait qu’il ne répondrait rien et elle continua son monologue, sans le regarder ; elle ne le regardait presque plus ces derniers temps, c’était trop éprouvant. Ses yeux le traversaient sans le voir.
- Et puis quand on est descendu, tu m’as emmenée loin de la foule et on a marché, on a marché longtemps pour aller dans ce pré, tu sais, là où il y a la rivière. C’est drôle de marcher la nuit, on ne suit jamais une ligne droite. Je marchais en zigzaguant et je riais comme une folle, je crois que j’avais un peu bu. Quand nous sommes arrivés au pré, tu as soulevé le barbelé et tu m’as dit d’un ton qui n’admettait aucune réplique « Viens ! » Moi je ne voulais pas y aller. Tu te souviens ?
Seul le silence lui répondit. Regardait-il la télévision ou était-il encore enfermé dans ses pensées. Elle continua.
- Alors tu m’as pris par la main et tu m’as redis « Viens ! ». Moi, je savais déjà pourquoi tu avais pris ce chemin-là et je crois que j’avais peur. Pourtant je t’ai suivi et rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé. Ensuite tu m’as raccompagnée chez moi, il était tard... J’avais les cheveux en désordre, les jambes humides, et du sang avait séché sur ma peau. J’ai eu peur de rentrer. S’ils avaient compris ? Mais la maison avait fermé ses yeux depuis longtemps. Je me suis enfermée dans la salle de bain et je me suis lavée, longtemps, jusqu’à ce que je sois sûre qu’il n’y ait plus de traces.
Quand elle s’arrêta de parler, il ne bougea même pas sa tête. L’entendait-il ? Elle regarda à nouveau la photo et conclut.
- Je t’aimais… toi aussi tu m’aimais, mais on ne s’est jamais aimé pareil. Et maintenant…
Elle s’essuya rapidement les yeux, rangea la photo et continua à feuilleter l’album, comme si de rien n’était, mais rien ne serait plus comme avant. Dans une heure, elle déplierait la banquette pour qu’il se couche et il la regarderait faire, comme tous les soirs, de ses yeux inexpressifs. Où était-il maintenant ? Il vivait dans un pays qu’elle ne connaissait pas. Elle lui caresserait la tête, comme tous les soirs, mais ses mains le faisaient par habitude, elles ne l’aimaient plus comme avant. Puis elle éteindrait la lumière de la salle à manger et elle monterait se coucher seule dans la chambre qui était la leur, au premier étage. Elle mettrait son réveil à sonner à huit heures. L’infirmière arrivait à 8 h 30 pour sa toilette et il faudrait lui ouvrir la porte.
- Je suis désolée Mme Durnand,
mais votre imagination et votre créativité ne sont pas assez présentes, cela
n’ira pas pour le poste.
La petite femme se ratatine sur
sa chaise, ses épaules se voutent, ses mains se crispent sur son sac, les
phalanges blanchissent sous l’effort, ce poste elle le veut de toutes ses
forces.
- Je pourrais quand même
essayer ? Je peux m’améliorer, il suffirait que je sois aidée, juste un
peu, un petit coup de pouce, vous voyez ?
La femme en face ne répond rien
mais esquisse un sourire pincé. Elle remet une mèche de son chignon en place,
lisse sa jupe et réajuste son col, prenant le temps de choisir ses mots.
- L’imagination, chère madame, ne
s’apprend pas, tout au plus peut-on, telle la graine plantée dans une bonne
terre, l’arroser, la couver, la chérir, la faire grandir et la
faire…exploser ! La créativité, idem. Je ne vois pas en vous cette petite
graine à arroser, je regrette.
- Mais je l’ai en moi, mes
parents me disaient toujours que je vivais dans un monde à part, que j’étais
toujours dans la lune, que j’étais loin de la réalité…mais bon à force de
m’entendre dire que ce n’était pas bien pour mon avenir, j’ai choisi d’oublier
ce monde imaginaire pour planter mes pieds dans le monde réel.
Mme Miche n’y croit pas, elle
tripote ses papiers sur le bureau, les remet en ordre de façon méthodique,
replace un stylo sur son support, déplace le téléphone pour qu’il soit face à
elle et qu’elle puisse bien voir les appels entrants. Elle finit par soupirer,
se penche, les mains manucurées bien à plat sur la surface lisse et reprend.
- Savez-vous jouer avec les mots,
imaginer, inventer ? Connaissez-vous le « Deplace-clochette »,
la « Trotte cabane », la « Motoarme » ?
Mme Durand est bien obligée de
reconnaitre son ignorance. Mme Miche poursuit.
- Comprenez que je n’ai rien
contre vous et je suis persuadée que vos compétences sont appréciables mais
pour inventer la suite des aventures de « Pâle Nord et Pâle Sud »*,
elles sont insuffisantes.
Mme Miche se lève et montre la
sortie à Mme Durand. Celle-ci se met debout péniblement et se dirige vers la
porte. Avant de la franchir, elle plonge son regard doré dans celui de son
interlocutrice et lance.
- Dans ma jeunesse, j’ai voyagé
dans un autoplus, j’ai passé des tas de fronts d’hier, j’ai escaladé des
Fous-le-camp en Italie et en Sicile, j’ai vu dans le porc de Naples des gens
jeter des tas de cochonneries dans la mère, ignares de la solution qu’ils
provoquaient. Après avoir longé la fadaise, j’ai trouvé une page blanche un peu
plus loin sur laquelle j’ai fait un grain d’écriture en attendant la mariée
haute*. Mais de ces temps anciens, rien n’est resté assez bon pour vous et mon
talent, point ne le reconnaitrez car de nous deux, en fait, quelle est la plus
tarte ?
La tête haute, le menton un peu
tremblant, Mme Durand s’enfuit de la maison d’éditions « La charrue avant
le bœuf » qui n’avait pas voulu d’elle. Mme Miche hausse les épaules et
s’en retourne à son bureau en se demandant pourquoi cette femme lui avait parlé
de tarte ?
* tirés en partie du monde du
prince de Motordu, Pef, « leçons de géoravie », Folio Cadet
« Le style, c’est le rythme, le rythme du personnage. » Phrase de Simenon, cité par Pierre Assouline dans son excellente biographie de Simenon, publiée en livre de poche. Jules Renard, lui, disait : « Le style, c’est l’oubli de tous les styles. » ; et il faut avoir beaucoup lu pour oublier tous les styles… A chaque auteur sa définition ; mais n’est-ce pas au « style » que l’on reconnaît la « signature » de l’écrivain ?
Elle avait apporté des fleurs de tournesol mais moi, je déteste les fleurs, surtout les jaunes. Je ne peux pas passer devant un fleuriste sans pleurer. Je lui avais pourtant dit qu’à chaque fois que je voyais des fleurs, je pensais à l’amant de ma femme.
Ma femme et moi étions mariés depuis un an, quand un inconnu a commencé à la couvrir de fleurs, nos vases n’y suffisaient plus, il les envoyait par brassées, rouges, roses ou jaunes. Moi je m’étonnais - toutes ces fleurs, pour toi ! lui disais-je - mais ma femme me répondait invariablement que c’était certainement une erreur… jusqu’au jour où j’ai trouvé un billet sur la table de la salle à manger : « J’en aime un autre, je te quitte. Oublie-moi ! » Comme si on pouvait imposer à quelqu’un, par décret, de vous oublier. L’égoïste ! Une journée lui avait suffi pour emballer toutes ses affaires.
Le jaune, c’est la couleur des cocus, la mienne. J’ai eu, très tôt, le pressentiment que je serai cocu. Vous savez, c’est comme ces maladies infantiles qu’on est sûr d’attraper un jour : voilà, c’est fait, je l’ai eu ! Le problème c’est qu’avoir été cocu une fois ne m’immunise pas pour autant, et maintenant, avec les femmes, je me méfie. Je me demande même si elles ne nous disent pas qu’elles nous aiment au moment où la courbe de température de leur amour flirte dangereusement avec le zéro : une façon perverse d’avoir la paix pour vaquer à leurs amours interdites.
Pourquoi Hélène m’avait-elle apporté des fleurs de tournesol ? J’ai cru y lire un présage, alors j’ai pris les devant, ne vaut-il pas mieux quitter qu’être quitté ? Je lui ai écrit un mot tout simple - « J’en aime une autre, je te quitte. Oublie-moi ! » - que j’ai envoyé à son adresse. L’enveloppe m’est revenue quatre jours plus tard. Son adresse avait été barrée et une écriture soignée avait écrit la mienne. Un tournesol somptueux avait aussi été dessiné sur la partie droite de l’enveloppe et, au cœur de la fleur, on pouvait lire ce mot : « lâche » !
* texte écrit à partir de la phrase inductrice « Elle avait apporté des fleurs de tournesol » : consigne des « impromptus littéraires »
- Toujours, promis ! Mais
pourquoi cette question ?
- A cause d’Amélie.
Gérard ne répond pas.
Bercés par le roulis du bateau,
serrés l’un contre l’autre en cette fin d’après-midi, le père et l’enfant se
laissent porter par la nostalgie de cette fin d’après-midi qui clôt la semaine
de vacances qui les a réunis. Dans un peu plus d’une heure, c’est le retour sur
la terre ferme, c’est la séparation programmée, c’est le retour à la norme,
norme qu’Elodie avait presque fini par oublier, Gérard également.
- J’aime Amélie, c’est vrai mais
ce sont des amours de grandes personnes qui n’ont rien à voir avec l’amour que
je te porte. Pour moi, tu seras toujours la personne qui compte le plus au
monde, sache-le et garde-le bien en tête. Je t’aime et je t’aimerais toujours.
- Et maman, tu l’aimes
plus ?
En entendant ces mots, il serre
encore plus fort le petit corps tout chaud blotti contre lui. C’est dur de
vivre séparés, c’est dur de faire porter à son enfant le poids des mésententes
d’un couple qui s’est aimé pour finir par se déchirer.
- Ta maman et moi on s’est
beaucoup aimé et on s’est fait un beau cadeau : toi. J’aime ta maman parce
que c’est ta maman et c’est important mais c’est vrai que je ne l’aime plus
comme avant.
- Depuis que tu as Amélie ?
- Oui et non, c’est plus
compliqué que ça mon trésor. Quand tu seras grande, tu comprendras un peu mieux
peut-être ?
- C’est ce que maman dit toujours
mais je suis grande, j’ai 7 ans.
Il sourit à cette réponse. Il
prend le visage d’Elodie entre ses paumes et la regarde intensément.
- C’est vrai que tu grandis mais
une chose après l’autre. Nous en reparlerons, promis. Pour l’instant, il nous
faut rentrer, tu m’aides à faire la manœuvre ?
Un sourire nait sur le visage
d’Elodie, elle se met rapidement debout et d’un ton fort, au garde à vous,
lance.
- A vos ordres capitaine !
Le capitaine lui caresse les
cheveux, il a certes évité une discussion pénible mais il sait que ce n‘est que
partie remise. La vérité, il va devoir l’affronter, il a peur du regard qu’Elodie
lancera sur lui, sur la façon dont il a agi…mais demain est un autre jour et il
décide de profiter de l’instant présent.
- Hissez la voile matelot, nous
rentrons au port !
*Merci à PR pour ce beau coucher de soleil sur le lac léman
La photo circulait de main en main, autour de la table, et arriva finalement dans les siennes. Elle la prit, l’examina et finit par dire en s’adressant à sa belle sœur. - Mais dis-moi, c’est toi sur la photo ? - Oui, pourquoi ? Elle n’hésita pas un seul instant et conclut l’air grave. - Tu sais que tu es beaucoup mieux en photo qu’au naturel !