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Presquevoix...

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22 août 2008

L’enfant

Aujourd'hui, j'ai encore oublié d'être malheureuse.*  Ça m'arrive de plus en plus souvent, est-ce que je dois m'en inquiéter ? Si le malheur est violent, le bonheur l'est d'autant plus, surtout lorsqu'on n'y est plus habitué.
Ce matin, au jardin public, une enfant est venue vers moi, c'est la première fois que je reviens dans un jardin public depuis que Juliette n’est plus là. La petite fille m'a souri et m'a parlé, jusqu'à ce que sa mère arrive, affolée
- Viens ici ! tout de suite ! A-t-elle crié sans même m'adresser un regard, je t'avais bien dit de ne pas t'éloigner.
Est-ce qu’elle croyait que j'allais lui enlever sa fille ? Mon dieu que les adultes sont abjects ! Voilà ce que j'ai pensé, mais je n'ai rien dit et j'ai fait un geste de la main à l'enfant qui partait, traîné par le bras agacé de sa mère. J'ai dû enfiler ma veste, je tremblais de froid, pourtant le soleil était déjà haut dans le ciel.
Je n’aurais jamais dû m'asseoir dans ce jardin, je n’étais pas encore prête. Je me suis souvenue des après-midi passées au parc avec Juliette.  Elle était si mignonne, tout le monde le disait. Dès que je poussais la petite porte à battants, elle s'échappait pour courir jusqu'au bac à sable où elle ne se lassait pas de remplir  ses seaux à l'aide de sa petite pelle.
Ce soir, je suis assise sur le fauteuil  près de la fenêtre  et je regarde la rue derrière les rideaux, comme toujours à la même heure. La nuit commence à tomber, il est 21 heures ; j'aime ces fins d'été où le jour arrive encore à lutter contre la nuit vorace. Est-ce qu'un jour Juliette me pardonnera ? Est-ce qu'elle comprendra que je ne pouvais plus faire face ?

* Cette phrase m’a été gentiment « prêtée » par

21 août 2008

Les mains moites

L’amour me tombe toujours des mains. Peut-être qu’il faudrait tenir l’amour avec des gants mais moi, je l’ai  toujours pris à mains nues et j’ai les mains moites. Enfin, c’est le dernier homme que j’ai aimé qui me l’a dit, parce qu’avant, je ne me rendais même pas compte qu’elles suaient, mes mains.
Lui, il m’avait chanté son amour sur tous les toits : il m’aimait, il m’aimait, il m’aimerait toujours. Et pourtant, maintenant, c’est fini. Il y en a qui disent que n’importe qui peut assassiner, que c’est une question de circonstances*, je veux bien les croire ! La mort ça doit se traiter comme l’amour, avec des gants. Ce n’est pas que j’aie de vilaines mains - elles sont même émouvantes mes mains - le seul problème c’est qu’elles suent, et ceux qui suent finissent par nous faire suer.
Oui, j’aurais dû mettre des gants pour lui parler, même pour le caresser ! Je sais, ça aurait paru bizarre que je le caresse avec des gants… Vous imaginez-vous enfiler des gants avant de faire l’amour avec un homme ? Nue sur lui avec des gants ? Pourtant j’aurais dû. Il ne supportait plus que mes mains suent sur son corps alors qu’on n’en était qu’aux préliminaires ! Je n’ai jamais compris pourquoi, mais à peine je posais mes mains sur lui, qu’elles se mettaient à suer… de fines gouttelettes au départ, mais au fur et à mesure que l’excitation montait c’était comme si j’avais enfilé un gant mouillé à chaque main. Au début, ma sueur l’enivrait, il voulait lécher mes mains, il se mettait même en colère si je lui refusais « cette gâterie », comme il  disait. Et plus il les léchait, plus je sentais son excitation monter. J’en étais même gênée, on aurait dit une bête.
Oui, avec lui, j’aurais  dû tout de suite  mettre des gants, c’est certain, et il serait encore là ! Peu à peu son regard sur mes mains a changé et je voyais parfois du dégoût passer dans ses yeux. Ça ne durait qu’un instant mais c’était là, entre moi et lui. Il a fallu que je me rende à l’évidence : non seulement il ne voulait plus me lécher les mains, mais en plus mes mains commençaient à l’écœurer. Je n’ai jamais pu accepter qu’il y ait un obstacle entre moi et l’homme que j’aime ; c’est pour ça que j’ai fini par acheter des gants. Oh, pas pour lui faire l’amour, non, mais pour mettre fin à son dégoût  ! Je ne sais plus comment j’ai fait ce jour là, mais j’ai bien failli ne pas y arriver, heureusement qu’il était malade, sinon il serait encore en vie…

* phrase tirée d’un livre de Patricia Highsmith

20 août 2008

Caramel le lapin

Silvia reste assise à son bureau, le buste droit, les mains à plat sur le bois du meuble, réchauffé par les rayons de soleil qui passent par la fenêtre entrouverte. Elle ne bouge pas, elle regarde au loin perdue sans ses pensées. Devant elle, l’ordinateur qui a remplacé les cahiers qu’elle choisissait avec soin. L’écran est en veille, il fait beau, des papillons dansent d’un coin à l’autre du jardin qui s’offre par la baie vitrée, la radio diffuse de la musique agrémentée par la voix rauque d’une présentatrice.
Le chat saute sur le bureau et vient frotter son museau à son menton. Elle incline sa tête pour offrir sa joue à la petite langue râpeuse, elle touche le corps souple du petit félin et se décidant, prend l’animal dans ses bras pour enfouir son visage dans le pelage doux. Elle le serre dans un geste de possession et aimerait rester ainsi et tout oublier. Oublier les mots qui refusent de venir, oublier cette inspiration qui lui fait défaut, oublier que ses derniers textes ont été refusés, oublier qu’elle est obligée d’aligner des phrases si elle veut manger ! Elle avait cru ce job facile car elle aimait écrire. Elle écrivait tout le temps, sortait son carnet dans le bus, à la table d’une terrasse, en attendant son tour et c’était devenu une drogue. Ses petites histoires prenaient vie, tantôt drôles et touchantes, tantôt tristes ou même effrayantes. Elle aimait varier, surprendre, étonner. Quand le job lui avait été proposé, elle avait cru nager dans le rêve absolu mais avait déchanté rapidement. « Pas assez percutant, pas intéressant, trop spécial, pas assez littéraire, trop populaire, pas assez novateur, trop intellectuel, etc ». Elle avait tout entendu et son optimiste avait fondu comme neige au soleil. Maintenant son moral était à ras les chaussettes et elle doutait de tout, d’elle, de son talent si elle avait eu un, de son avenir, de ses envies, de sa vie, de tout quoi !
- Maman !
Elle tourne le regard vers sa fille qui s’avance, son doudou à la main, son pouce dans la bouche.
- Quoi mon trésor !
La petite veut se hisser sur les genoux de sa maman et sitôt installée pose sa tête sur la poitrine maternelle.
- Tu me racontes l’histoire de Caramel le lapin, celle où il aimait le chocolat ?
A cette demande, un frisson parcourt Sivia. Cette histoire, elle l’avait inventée quand sa puce avait été hospitalisée, quand elle avait si mal que les calmants ne faisaient aucun effet. Pour lui faire oublier la douleur, elle avait alors inventé toute une série d’histoires, les aventures de Caramel le lapin. Elles les avaient oubliées celles-là, mais elles étaient bien rangées dans un coin de sa mémoire. Et si Caramel allait lui sauver la mise, pourquoi ne pas essayer, ce qui avait plu à sa fille allait peut-être trouver grâce auprès de son rédacteur ?
Elle serre sa fille, la berce un instant et tout doucement commence à raconter pourquoi un lapin aimait le chocolat…

20 août 2008

La Favela, les yeux dans les yeux

J'ai lu, hier, dans le journal Libération qu'un artiste français a " habillé" l'extérieur de la favela de Providência à Rio de Janeiro avec des yeux. Voici le site de cet artiste : www.28millimetres.com
L'art change-t-il le regard des hommes ? Et surtout, peut-il  changer la société ?
Tous ces Yeux de la favela, braqués sur ceux qui la regarderont, sauront-ils faire en sorte que les favelas ne soient plus des zones de "non droit" où la police commet parfois des exactions aussi graves que celles des narcotrafiquants ?
Parce que si, dans les favelas, on vit, comme ailleurs,  on y meurt  beaucoup plus souvent qu'ailleurs

19 août 2008

Deux ou trois choses que je sais d'Elle...

porto

Il faut voir Porto de l’autre côté du fleuve, tout est toujours plus beau de l’autre côté… Il suffit de traverser le Douro, par le pont Don Luis I - construit en 1866 par la société Belge de Willebroeck suivant une technique analogue à celle d’ Eiffel - et de contempler la ville des quais de Gaia.

lello

A Porto, un passage par la Librairie Lello, construite en 1881, s'impose. L’escalier rouge qui mène à l’étage a l’élégance des femmes qui vont au bal. Du premier étage, vous aurez une vue vertigineuse sur la volée de marches  qui se déroule majestueusement vers le sol. Vous pourrez ensuite vous asseoir afin de feuilleter le livre de votre choix. Je me suis quant à moi absorbée dans un livre de citations où j’ai lu cette amusante réflexion  de Mario Silva Brito :

« Cada escritor tem os leitores que merece » ou, traduit en français « Chaque écrivain a les lecteurs qu’il mérite. »

douro
Porto, c’est aussi le cri ininterrompu des mouettes qui s’engouffrent dans la vallée du Douro – où l'on cultive la vigne dont les grappes dorées donneront le vin de Porto - quand le vent souffle les rumeurs de l’océan qui jamais ne se tait.

* toutes ces photos sont de C. V.

18 août 2008

Elles

Elles se voyaient depuis 20 ans, une fois par semaine, pour le thé ; l’une ronde, l’autre maigre, l’une taciturne, l’autre volubile.
- Je suis contre la résistance ! disait souvent l’une.
Quand elle avait dit ça, elle avait tout dit. Un autre dicton ponctuait aussi ses conversations
- Les chiens ne font pas des chats ! 
L’autre avait souvent envie de lui répondre
- Et les chats qu’est-ce qu’ils font  ? - mais elle se contentait de laisser glisser un silence qui ne durait jamais car sa partenaire, insatiable, continuait à enfiler les clichés comme des perles.
Leur conversation se terminait souvent dans la pénombre de ces fins d’après midi d’hiver où les thés fumaient dans les tasses et où le  temps ressasse la vie de ceux qui ne savent plus vivre.

17 août 2008

Il faut bien rentrer un jour…

P8130532En Bretagne - d’où je reviens après 6 jours de vélo – il fait beau plusieurs fois par jour et  le vent y est tel qu'on doit même pédaler dans les descentes pour éviter le sur place ! On comprend que la Bretagne ait eu de nombreux champions cyclistes…
C’est donc le teint halé – autant par le soleil que par le vin du repas du soir - les mollets et les cuisses raffermis, et enrichie d’une citation vue dans un bar breton que je reviens de ces six jours à vélo.
Voici donc cette citation qu’un cafetier de Douarnenez, sans doute un sage, a placé sur le mur derrière le comptoir :
« Si vous n’êtes pas responsable de la gueule que vous avez, vous êtes responsable de la gueule que vous faites. » A méditer pour la rentrée…

* Photos de C. V.

16 août 2008

Un pont, encore un!

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Ce pont n'est pas le pont du Gard, il ne fait pas partie des ponts sur "la route de Madisson" mais il peut tout aussi bien faire rêver.
Petit clin d'oeil à Balthazar...

Note: pont sur le Doubs, dans le Jura suisse

15 août 2008

Un pont à traverser

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« La vie n’est pas facile ma fille, tu vois ce pont là, au loin ? Fragile, instable, tu peux passer sans problèmes et continuer ton chemin mais tu peux aussi perdre l’équilibre, poser ton pas sur une planche qui se dérobera à tes pieds et te retrouver au mieux mouillée, au pire blessée…

Combien de fois ai-je passé des ponts dont la précarité m’a fait vaciller ? Combien de ponts dois-je encore passer pour finir enfin sur une belle route droite et sans embûches. Mais…j’y pense, n’est-ce pas justement ces passages incertains, ces difficultés qui m’ont permis de grandir ? Une route droite et lisse aurait-elle pu m’apporter ce qui fait ma force aujourd’hui ? Tu as la vie devant toi ma fille, tu vas grandir, rire, pleurer, tu contourneras les difficultés, tu apprécieras les petits bonheurs mais l’important, c’est de devenir celle que tu veux être, la vraie, celle qui sera unique : Toi ! »

Pépé se tait, épuisé d’avoir tant parlé lui qui ne fait pas souvent de longues phrases. Il reste pensif, les deux mains appuyées sur son bâton de marche. Sa figure ridée semble figée par ces pensées qui tourbillonnent dans sa tête. Finalement, il revient sur terre, regarde sa petite-fille et lui sourit. « Viens, nous avons un pont à traverser. »

14 août 2008

Sois raisonnable! (fin B)

Prête à disparaître de la surface de la terre mais surtout du restaurant où ils mangeaient, elle n’avait pas osé lever les yeux de son assiette attendant le verdict. Comme son silence se prolongeait, elle avait relevé la tête pour plonger son regard dans le sien et ce qu’elle y lisait l’avait comblée : il partageait ses sentiments ! Il lui avait pris la main et avoué que lui aussi il l’aimait. Il avait appelé le serveur, demandé l’addition, ils étaient partis du restaurant, elle l’avait suivi et il l’avait entrainée dans une chambre d’hôtel. Elle s’était retrouvée nue et dans ses bras comme dans un songe, comme si ce n’était pas elle, la bourgeoise timorée qui était là. Elle avait découvert sous ses caresses des sensations qu’elle pensait oubliées depuis longtemps, elle n’avait pas eu honte de ce qu’elle faisait, au contraire, elle se découvrait une autre dans ses bras. Bien sûr, cela n’avait pas été facile de vivre ainsi, d’avoir cette vie cachée car leur situation était difficile et sans grand avenir immédiat. Sa femme était malade et il avait tout de suite averti qu’il ne voulait pas divorcer. Elle avait été d’accord, elle ne se voyait pas non plus tout balancer. Paradoxalement, elle tenait à sa famille, elle tenait à son mari et voulait les préserver de sa folie. Ils décidèrent donc de se retrouver dès qu’une occasion se présentait, ils faisaient très attention, s’entouraient de mille précautions. Parfois un week-end s’offrait à eux et ils découvraient le bonheur de s’endormir ensemble et de se réveiller côte à côte. Dans ses moments de lucidité, elle se demandait comment elle arrivait à vivre sa vie sans culpabilité ? Elle faisait taire sa conscience en se disant qu’elle ne faisait de mal à personne, qu’au contraire cet état amoureux la rendait plus belle, plus joyeuse et tout le monde en profitait. Elle devait aussi avouer qu’elle aimait ses deux hommes, qu’ils lui apportaient chacun ce qu’ils avaient de meilleur et cela la comblait. Elle voulait à tout prix les garder les deux ! Folle, elle était devenue folle, égoïste et amorale, la belle affaire !Leur liaison dura, années de vie cachée et de mensonges mais aussi années de bonheur et de félicité. Point de routine pour casser l’émotion !

Quand ils s’étaient retrouvés veufs, ils auraient pu enfin vivre leur liaison au grand jour mais elle avait peur de tomber dans cette fameuse routine qui pouvait tout gâcher. Olivier lui disait de penser à eux, rien qu’à eux…comment arriver à lui faire comprendre que c’est bien ce qu’elle faisait mais qu’elle tenait avant tout à conserver cette liberté qui lui était vitale ? A 65 ans, peut-on s’accommoder des habitudes, des manies de l’autre ? Ils étaient amants depuis si longtemps, pouvaient-ils devenir mari et femme ? Elle en doutait, les rôles ne sont pas distribués de la même manière et c’est pour cela qu’elle jouait sur plusieurs tableaux. Comment expliquer à sa fille cet homme surgit de nulle part, leur connivence apparente et leur passé qui ne manquerait pas de surgir à tout instant ? En fait c’était ça le principal problème, ce passé commun si intense.

- Oh ! et puis zut, je n’ai de comptes à rendre à personne, je ne vais pas devenir vieille avant l’heure à cause de ces histoires…demain je vois Sophie, je lui dit que j’ai un ami mais je ne le lui présenterai pas tout de suite. C’est ma vie, pas la sienne ! Comme ça Olivier sera content et nous pourrons enfin faire ce voyage programmé ensemble. Quant à la suite, ben…on verra plus tard, chaque chose en son temps !

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