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Presquevoix...
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18 novembre 2008

L’Andante ( gballand )

Ils roulaient dans la campagne que le soleil de cette fin d’après-midi  éclairait d’une douce lumière ; elle avait toujours préféré la mélancolie qui enveloppait le monde lorsqu’on entendait au loin les chevaux de la nuit. Lui conduisait les deux mains sur le volant, et écoutait presque religieusement l’andante du concerto italien de Bach dont les notes semblaient arracher au paysage ses derniers voiles de lumières.

- Pour quoi tu mets toujours l’andante  ?
- Pour me souvenir.

Une ombre passa sur son visage.

- C’est pour être avec elle ?

Il regardait la route fixement comme s’il avait peur d’écraser un animal qui aurait pu s’égarer sur le bitume.

- C’est bien à elle que tu penses, non ?

L’andante lui avait toujours fait penser à Lise ; ce n’est pas lui qui le lui avait dit, mais elle. La dernière fois qu’elle était allée lui rendre visite dans sa chambre d’hôpital, Lise s’était accrochée à son bras, le visage tourmenté, et elle avait prononcé ces mots étranges.

- L’andante, c’est mon âme, tu comprends ? C’est mon âme qui veut s’échapper du purgatoire !

Elle n’était plus jamais retournée la voir, lui non plus.
Ils roulaient dans la campagne, la nuit tombait et le silence s’était installé. Il avait posé une main sur son genou gauche et elle avait renoncé à lui  poser une autre question ; de toutes façons il ne lui aurait pas répondu. Il ne parlait jamais lorsque la nuit tombait.

Au moment où le paysage fut entièrement drapé de noir, elle comprit que quelque chose en lui était perdue ; ils se séparèrent un mois plus tard.

PS :  texte écrit à partir d’une consigne des “impromptus littéraires”. Il s’agissait d’écrire sur l’andante du concerto italien BWV 971 de Johann Sebastian Bach. Pour l’écouter, au piano, c’est ici.

17 novembre 2008

Le désordre ( gballand )

- C'est pas parce que mon ordre n'est pas ton ordre que c'est du désordre ! Hurla-t-elle avant de claquer la porte de sa chambre. 
De quoi se mêlait-elle, celle-là, à lui imposer son ordre, et le reste ! Elle aurait voulu la voir disparaître, emportée par une vague de haine, mais  son père venait de se marier et il n'allait pas divorcer de si tôt. Elle s'allongea sur le lit, enfouit sa tête sous son oreiller et sanglota à corps perdu. Petit à petit, elle sentit que les battements de son cœur commençaient à s'apaiser et elle put respirer presque normalement.
N'y avait-il pas un pays où les belles-mères étaient interdites de séjour ?

16 novembre 2008

La gélule ( gballand )

Il était dans le train et se laissait bercer par la douceur du compartiment de première quand soudain il se rendit compte qu’il l'avait oubliée ! Le drame ! Sans elle, il ne pourrait pas la supporter 7 heures, impossible ! Comment faire ? Trop tard pour lui téléphoner et se décommander, trop tard pour inventer une excuse que, de toutes façons, elle ne croirait pas car elle avait toujours deviné quand il mentait ! Trop tard ! Il devrait boire ces 420 minutes, non-stop, en tête-à-tête avec elle, jusqu’à la lie !

Il était 10 h 30 et le train arrivait à 10 h 50, elle l’attendrait sûrement à la gare, comme d’habitude ; il avait donc vingt minutes pour se « préparer », vingt minutes pour se raisonner, vingt minutes pour se répéter que tout allait bien se passer avec sa mère, vingt minutes pour se remémorer tous les pièges qu'elle allait lui tendre et dans lesquels il ne devrait pas tomber. Mais merde, comment avait-il pu oublier cette fichue gélule sur la table du salon ! Depuis que son médecin lui avait conseillé ces gélules et qu'il en prenait une, une demi-heure avant chacune de ses rencontres avec sa mère, il avait pu augmenter la fréquence de ses visites : il était passé d’une visite semestrielle à une visite trimestrielle ! Cette gélule était littéralement ex-tra-or-di-naire ; elle lui permettait d'effacer tous les souvenirs qui le liaient à sa mère, et ce, pour une durée de 24 heures !

D'ailleurs, quand il la prenait, c'est tout juste s'il se rappelait que sa mère était sa mère ! Que pouvait-il rêver de mieux ?

15 novembre 2008

La panne ( gballand )

- Ca vous déçoit ?

Allongée sur le lit à moitié défait d’une chambre d’hôtel tristement banale, elle restait silencieuse alors qu’il attendait une réponse de sa part. Pourquoi  persistait-il à la vouvoyer ? Elle en ressentait une certaine irritation. Sans doute souhaitait-il qu’elle le rassure, qu’elle lui dise que ce n’était pas grave, que tout vient à point à qui sait attendre, que demain serait un nouveau jour, qu’il n’y avait quand même pas que « ça » dans la vie… mais elle n’y arriva pas et articula d’une voix agacée.

- Bien sûr que ça me déçoit, je ne suis ni Mère Térésa, ni Sœur Emmanuelle !

14 novembre 2008

Les lunettes ( gballand )

Ils étaient chez Alain Aflelou, « Deux lunettes de plus pour un euro de plus. » ! Son mari devait se choisir une nouvelle monture. Elle, elle était venue parce qu’il avait eu un argument convaincant.

- C’est quand même toi qui me verras le plus avec mes  lunettes !

Son mari choisit  trois montures. La vendeuse le félicita du choix, mais n’était-elle pas prête à lui dire que tout lui irait même ce qui ne lui irait pas juste pour accélérer la vente ? Soudain, faisant preuve d’initiative alors qu’on ne lui demandait rien, elle lui tendit des lunettes à la monture marron, classique, hideuse, qu’il  chaussa sans hésiter.

- Ah non, pas celles-là, s’écria sa femme, j’ai l’impression de voir mon grand-père, il avait les mêmes !

13 novembre 2008

Le plagiaire ( gballand )

Depuis 15 jours ses idées étaient aspirées par un vide vertigineux et son fichier attendait toujours les brassées de mots qui auraient dû peupler l’écran vierge. Face à l’ampleur du désastre, il se résolut à « emprunter », comme il le disait pudiquement. Il n’en était pas à ses premiers « emprunts », mais il préférait oublier ses larcins passés ; il aimait à se penser fécond alors que sa plume était sèche.

En chasseur de mots éprouvé - plus de trois ans d’expérience et déjà un livre publié – il investit son champ d’action : la toile mondiale. Les mots des autres le fascinaient et il savait choisir les meilleurs, ceux qui habillent les textes de soies légères.

Il n’avait jamais eu aucun remords à prendre les mots des autres ; les textes publiés par d’anonymes écrivants n’étaient-ils pas la propriété de tous ? Et puis, qui aurait pu savoir à quels cambriolages il se livrait devant l’écran de son ordinateur ?

Il ingérait tout ce qu’il pensait pouvoir digérer. Quand un texte l’inspirait au point de le vouloir voler, il opérait sur lui une opération chirurgicale décisive. Depuis qu’il était passé maître en l’art de la transformation, sa conscience s’allégeait. Ne faisait-il pas que s’inspirer ? N’était-ce pas ce que les écrivains avaient fait de tout temps ? Tout texte n’était-il pas que réminiscences digérées d’autres textes ?

Parfois un doute l’étreignait - ne serait-il pas devenu faussaire ? – mais il le dissipait très vite. Son deuxième manuscrit allait bientôt  prendre forme…

PS : pour comprendre ce qu’est plagier, consulter ce site en langue anglaise : http://www.plagiarism.org/

11 novembre 2008

Les lettres ( gballand )

Voilà un an qu' il s'envoyait des lettres, tous les jours, sans jamais indiquer l'expéditeur.  Sa femme s'étonnait de ce courrier massif, mais elle préférait se taire, elle ne voulait pas lui laisser penser qu'elle s'intéressait à lui. Quand il les parcourait, il prenait un air mystérieux. Parfois il souriait, mais la plupart du temps son visage n'exprimait rien.

Jamais elle n'avait ouvert son courrier, mais  l'envie la tenaillait de lire l'une de ces lettres, non qu'elle fût jalouse - elle ne l'aimait plus depuis  longtemps – mais curieuse.

Le jour où elle le retrouva pendu à la cave et où elle vit le sol jonché de lettres, elle comprit. Chaque lettre répétait le même texte, mot pour mot :

" Voilà une bonne chose de faite, je me suis suicidé ; j'ai cru que je n'y arriverai jamais, mais si, la méthode Coué fait des merveilles, n’est-ce pas ce que tu me disais ? Tu es devant moi, ma tête pend au bout d’une corde et je  suis enfin débarrassé de moi… et de toi.

Jean

PS : les enfants sont grands, tu inventeras le mensonge qui t'arrange, comme d'habitude, je te fais confiance."

9 novembre 2008

C’est par où… ? ( gballand )

Il n’a eu qu’un but dans sa vie : me contredire. Quand j’indiquais une route, il en prenait une autre ; si je montrais le Nord, il regardait le Sud et si je disais rouge, il me répondait vert. Notre vie était un contresens. Nous avions atteint ce que j’ appellerais « le seuil de l’angle mort ».

Au bout de 5 ans, nous ne nous parlions plus. Nous griffonnions sur des papiers les mots du quotidien : « Ferme le gaz !», « Donne à manger au chien ! » ou « Achète du pain ! »…

Un beau jour, j’ai cessé de lui écrire, je n’avais plus d’encre. C’est  à ce moment là qu’a germé en moi l’idée de le tuer, idée chassée très vite. Moi ? Le tuer ? Non, je respecte trop la vie, même la sienne !

Lui, par contre, il n’a pas hésité, et maintenant je coule des jours paisibles sur cette colline… Vous voulez savoir où j’habite ? Et bien c’est par là… vous suivez l’allée centrale, vous prenez la cinquième allée à gauche, et c’est tout au fond, juste sous l’érable. Vous verrez, elle est en marbre rose. Ah, ça, il m’a gâtée !

* texte écrit dans le cadre d'une consigne proposée par "les impromptus littéraires".

8 novembre 2008

Comment elle va ? (gballand)

- Et Christine, comment elle va ? M’a demandé mon amie à la fin du repas.
En cinq minutes, je lui ai dit tout le mal que je pensais de Christine. Dommage qu'elle n’ait pas eu plus de temps à me consacrer !
Avant qu’elle ne parte, je l’ai  remerciée chaleureusement. Je me demande si elle a compris pourquoi

7 novembre 2008

Le voyage ( gballand )

Ils se faisaient face dans le compartiment de deuxième classe qu’ils occupaient seuls. L’homme pencha légèrement sa tête vers la femme et lui dit.

- Je voudrais ne jamais quitter ce compartiment.
- On se connaît à peine, protesta-t-elle.
- J’ai l’impression de vous connaître depuis toujours.

Le soleil se couchait et on entendait, de temps à autre, des bruits de conversations dans le couloir. Elle lui avait déjà confié qu’elle ne pouvait pas rester longtemps avec un homme et qu’elle ne savait pas aimer…. Tant de choses en si peu de temps ! Il la dévorait de ses yeux gris et elle ne savait plus où poser son regard, il était si près.

- Il y a en vous quelque chose de... Donnez-moi votre main.

Il n’attendit pas sa réponse et la lui prit. Il la caressa d’une façon si étrange qu’elle finit par la lui abandonner totalement. Il lui chuchotait des mots tendres qu’elle connaissait trop bien. La nuit commençait à tomber, on ne distinguait plus  le contour des choses, et le compartiment se laissait gagner par l'obscurité. Elle ferma un instant les yeux et sentit ses lèvres sur les siennes ; la sensation était délicieuse,  mais soudain elle pensa à l’arrivée du train et à Charles qui  l’attendrait. Elle avait encore trois heures devant elle, mais saurait-elle encore embrasser Charles si elle avait le goût de l’étranger sur la bouche ?

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