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Presquevoix...
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13 février 2009

La piste noire (texte de gballand)

Son rêve le fatiguait : depuis un mois, tous les soirs il devait descendre la même piste noire alors qu’il n’avait jamais fait de ski. Il restait en haut de la piste, médusé, cloué par la peur, se demandant comment il allait pouvoir s’en sortir, quand soudain on  le poussait et, les genoux fléchis, le corps penché vers l’avant, il prenait une vitesse folle. A ce moment là, il se réveillait en hurlant, le corps en sueur et il lui fallait une bonne minute pour se rendre compte qu’il était dans la blancheur immaculée de son lit. Il était épuisé.
Le médecin consulté la semaine précédente lui avait juste dit.

- Je ne peux rien faire pour vous, la clef est en vous.

Abattu, il décida de partir un week-end à la montagne, jugeant que l’air des cimes le revigorerait. Le lendemain de son arrivée, il loua des skis, les chaussa – ce qui lui parut un peu difficile car ses souvenirs de ski remontaient à 15 ans – et prit le télésiège sur un coup de tête ; direction, la piste noire. A l’arrivée, il eut du mal à descendre du télésiège. Ensuite, il s’emmêla les pieds dans les bâtons et chuta plusieurs fois à cause de la poudreuse. Arrivé à la hauteur de la piste noire, il se mit instinctivement face à la descente, les bâtons piqués dans la neige. Quand il vit la raideur de la pente, il faillit s’évanouir. Le vent  fouettait son visage jusqu’à l’obliger à fermer les yeux, même derrière ses lunettes. Il essuya les verres avec sa main droite et c’est à ce moment là que quelqu’un le bouscula et l’obligea à dévaler la pente. Il eut le réflexe de pencher le corps vers l’avant, mais il prit de plus en plus de vitesse et  disparut dans la brume légère. Personne ne le revit jamais.

10 février 2009

Pourquoi se tuer à vivre ? (gballand)

Quand je n’étais pas morte, j’étais comme vous, je faisais l’autruche, je me croyais immortelle. Vanité ! J’ai su il y a sept jours ce que mourir veux dire.

C’était mercredi dernier. J’allais ouvrir la porte de mon appartement, quand un homme m’a braqué son arme sous le nez ! Ni une ni deux, le type a tiré : une balle en plein cœur ! Un vrai gâchis, j’ai si mal utilisé mon cœur de mon vivant. Cette leçon de mort m’a donné une leçon de vie mais je ne peux plus vivre : voici résumé le drame de la mort.

Le pire dans cette histoire, c’est qu’on m’a pris pour une autre. Ma vie a été aussi absurde que ma mort !
Ce matin, à mon enterrement, j’ai failli pleurer de rage en entendant mon éloge funèbre. J’aurais préféré le silence. Allongée dans mon cercueil, les poings serrés, j’écoutais impuissante ce qu’on disait de moi.
Il a fallu que je meure pour me rendre compte qu'on ne me connaissait pas.

8 février 2009

Le carnet des hommes qui passent (texte de gballand)

souvenirsTous les jours, elle passait devant la maison aux souvenirs et elle savait pertinemment qu’il l’observait derrière ses rideaux. Non seulement elle les voyait bouger, mais elle avait remarqué, par transparence, des yeux qui l’épiaient.

L’homme ne lui plaisait pas particulièrement mais elle sentait chez lui  un trou d’angoisse qui l’aspirait. La seule chose remarquable sur son visage, c’était ses yeux fiévreux, enfoncés dans les orbites. Arrivé depuis 6 mois au village, il avait repris l’ancienne boutique aux souvenirs dont il avait fait sa maison. Il vivait seul, ne parlait à personne et c’était ça qui l’intriguait. Elle aimait à penser qu’il était venu dans ce village perdu cacher quelque drame - peut-être était-ce un assassin ? - et sa chair frémissait. Sa vie était tellement vide depuis le départ de son dernier amant ! Elle était sûre que l’homme aux souvenirs – c’est ainsi qu’elle l’appelait -  pensait à elle jour et nuit ; personne n’aurait pu la convaincre du contraire.

Pour elle, il y avait deux catégories d’hommes :  les probables et les  improbables ! Elle avait commencé très jeune à  les collectionner,  et bien qu’elle eût à peine 30 ans, son « carnet des hommes qui passent », comme elle l’avait intitulé quand elle l’avait acheté  à l’âge de 17 ans, ne suffisait plus à tous les contenir. Depuis deux ans, elle avait même été obligée de rajouter des pages. A chaque prénom ou surnom, elle associait trois mini-rubriques qui se déclinaient ainsi :
1) portrait 2) sexe 3) rupture.

De sa petite écriture ronde, elle avait déjà noté sur l’une des pages  « l’homme aux souvenirs », et à la rubrique portrait, elle avait indiqué : « solitaire, anxieux et exalté. Se cache pour m’observer et feint l’indifférence. Doit avoir quelque chose de grave à se reprocher. » Restaient à remplir les rubriques sexe et rupture. 

Elle feuilletait souvent les pages de son « carnet des hommes qui passent », surtout dans ses accès de mélancolie. Pour elle, le moment le plus enivrant, c’était celui où elle couchait un nouveau nom sur une page blanche…

* photo prise par C. V., lors d'un voyage en Bourgogne à vélo.

7 février 2009

Les excuses (texte de gballand)

La semaine dernière, il avait  partagé une chambre d’hôtel avec un collègue de bureau et il n’avait pu s’empêcher, comme à son habitude, de s’excuser des dizaines de fois :  au coucher, au lever, en fermant les volets, en les ouvrant, en allant aux toilettes, en en sortant… Il avait aussi éprouvé le besoin de se justifier minutieusement sur la gestion de la penderie, le tic tac du réveil, ses ronflements, la lumière… Les excuses le dévoraient

Le lendemain matin, au petit déjeuner, il s’était naturellement dirigé vers la table où son  collègue était installé avec l’une des secrétaires de l’entreprise, mais il remarqua que tous deux riaient en le regardant  : n’étaient-ils pas entrain de se moquer de lui ?

Il préféra s’asseoir à une table, seul, près de la porte, et leur tourner le dos. Et au cas où ils lui demanderaient pourquoi il ne s’était pas assis à leur table, il avait déjà une excuse toute prête : il préférait manger en tête à tête avec lui-même le matin.

1 février 2009

S’effacer (texte de gballand)

Lorsque j'étais enfant, je rêvais que je m'effaçais*. Je me souviens du jour où  je m’étais installée dans la niche du chien. Je dois dire que j’enviais mon chien ; lui au moins, on lui fichait la paix. J’étais recroquevillée à l’intérieur depuis au moins un quart d’heure quand j’ai entendu ma mère qui m’appelait de sa voix de stentor. J’ai aboyé furieusement, juste pour le plaisir, j’étais contente de jouer au chien. Une fois devant la niche, ma mère a hésité, puis elle s’est accroupie pour regarder à l’intérieur. Quand elle m’a vue, son visage est devenu cramoisi. J’ai juste eu le temps de m’effacer avant qu’elle ne me donne deux gifles sonores.


Pendant toute mon enfance, je me suis effacée, et même à l’âge adulte, sauf hier. On m’a convoquée dans le bureau du patron pour une faute professionnelle que je n’avais pas commise.

- Ce n’est pas moi, ai-je dit d’une voix ferme.

Mais rien n’y a fait, le patron n’écoutait aucun de mes arguments, il s’est même approché de moi, l’index menaçant. Alors, en désespoir de cause, j’ai aboyé et j’ai montré des dents. Le patron s’est retranché derrière son bureau, ça l’a calmé. J'ai pu sortir la tête haute.

* phrase gentiment prêtée par Charivari

31 janvier 2009

Critique imaginaire du roman que je n’écrirai pas (gballand)

Ce livre fait partie de ces romans qu’on feuillette aux hasards des rayons d’une librairie - son titre y est pour beaucoup - et qu’on achète faute de mieux. Un de ces romans qu’on ne peut lire  jusqu’au bout, à moins d’un séjour prolongé dans une  station balnéaire de la côte Normande, quand la pluie et le vent vous condamnent aux quatre murs de votre chambre d’hôtel.

L’auteur se croit drôle sans l’être vraiment, tant son humour s’essouffle.  Elle semble se complaire à déstructurer son récit mais ce qu’elle nous montre finalement, ce n’est que son inexpérience à maîtriser l’art du roman. L’auteur, et elle me le pardonnera certainement, aurait pu tout aussi bien faire une nouvelle de ce roman et, la concision aidant, sans doute aurait-elle  donné à son récit un souffle que le roman ne trouve à aucun moment.

30 janvier 2009

La liste de mes ennemis (gballand)

Il est plus facile de se choisir des ennemis que des amis, c’est la conclusion à laquelle il était arrivé en attendant son tour, dans cette salle d’attente à la lumière blafarde, où le médecin avait jugé bon de passer une musique d’ambiance qui l’angoissait plus qu’elle ne le calmait. Sa liste d’ennemis était impressionnante, mais il avait décidé qu’il ne parlerait au médecin que de ses trois principaux ennemis. En troisième position, il y avait son fils, un mou dont la longueur des cheveux n’avait d’égal que la longueur du poil qu’il avait dans la main ; il soutenait sa mère de façon éhontée et n’adressait la parole à son père que sous la contrainte. En deuxième position, sa mère - 80 ans au compteur - qui croyait tout savoir sur tout mais qui ne savait rien sur rien ; chez elle tout sonnait creux ! Et pour finir, en tête de liste, il y avait son ex-femme. Quand il lui avait fait part de sa décision de la quitter, un an plus tôt, elle  avait pleuré, supplié, mais une semaine plus tard, changement de registre ! Elle lui avait transmis par écrit tout ce qu’elle lui reprochait et avait fait un large sourire en lui tendant la liste : «  La salope ! » Il avait compté 20 reproches, tous plus injustes les uns que les autres, le troisième reproche lui restait encore en travers de la gorge : « Tu ne fais pas de différence entre te masturber et avoir une relation sexuelle  ! »

C’est à cause d’elle qu’il était assis là, dans la salle d’attente de ce psychiatre, obligé de supporter cette musique infâme dans les oreilles, alors qu’auparavant tout allait si bien…

29 janvier 2009

Double vie (gballand)

J’ai deux vies. Tout allait bien jusqu’à ce que  mon mari  téléphone à mon amant pour lui mettre cet étrange marché en main : “ Soit vous  habitez chez nous, soit je vous tue.”  Mon amant a eu l’air effrayé. Vous me direz, il y a de quoi ! Moi, j’étais sidérée : comment mon mari, d’habitude si résigné, avait-il pu lui téléphoner pour lui imposer cette alternative ? On ne connaît jamais les gens avec qui l’on vit.

- Institutionnaliser mon amant, ça jamais ! Me suis-je emportée.

Alors, je lui ai mis ce marché en main.

- Si mon amant habite chez nous, j’en prends un autre !

Maintenant, mon mari hésite. Il faut dire que nous ne sommes pas grandement logés…

27 janvier 2009

S’écrire ( gballand )

Avant hier je me suis envoyée une lettre. Je l’ai reçue ce matin. J’ai presque été surprise en la lisant, je ne reconnaissais pas mon écriture. Voici ce que je me suis écrit :

Chère Christine,

J’ai attendu longtemps avant de me décider à t’écrire, mais je crois que le moment est venu. J’ai peur pour toi.
Tu sais que je t’ai toujours trouvée très sévère avec toi-même. Que s’est-il passé de si grave qui ne puisse être réparé ? Pourquoi cette constance dans l’échec ? Pourquoi t’acharner à détruire tout ce que tu as patiemment édifié ?
Tu ne réponds plus quand je t’appelle ! Je sais que tu veux perdre la mémoire du bonheur, mais le bonheur est patient, Christine ; il a  semé ses cailloux pour que tu retrouves son chemin. Je suis ce premier caillou, Christine. Je t’écris pour que tu reviennes vers le rivage et que tu y jettes à nouveau ton ancre.

Ton amie qui t’aime.
Christine

C’est étrange, mais depuis que j’ai lu la lettre que je me suis envoyée, je vais mieux. J’ai même jeté les deux boîtes de médicaments  que je voulais avaler jeudi ; et puis j’ai tiré la chasse d’eau sans regret. D’ailleurs, mon mari m’a dit en rentrant : « On dirait que tu as meilleure mine. »
Oui, quelque chose a changé. Je crois que je ne veux plus mourir demain.

25 janvier 2009

L’étoile ( texte de gballand )

J’étais assise sur un banc et j’attendais ma fille qui allait sortir de l’école.  Lui, il s’est assis sur le même banc que moi et a placé entre nous son sac en plastique de la Grande Récré. Il n’avait l’air de rien, je ne me suis pas méfiée. Je faisais semblant de lire un livre. J’ai souvent fait semblant pour voir le monde.

Au moment où j’ai glissé un œil de côté pour l’épier, il a fait de même et nos regards se sont croisés. Il a ensuite fouillé  dans son grand sac en plastique ; ce qu’il cherchait semblait jouer à cache-cache avec lui.

- Tenez, je l’ai trouvée, c’est pour vous ! Dit-il en  me tendant une étoile en papier brillant argenté.

J’ai souri, mais je n’ai pas pu tendre la main vers l’étoile.

- Prenez-là !
- Mais on ne se connaît pas, lui ai-je dit bêtement.
- Je l’avais achetée pour ma fille, mais je trouve qu’elle est faites pour vous. De toutes façons, ma fille, je  la vois plus.

J’hésitais encore à prendre l’étoile. J’observais l’homme, son visage lisse, sans âge, son pantalon fatigué, son pardessus informe, son immense sac en plastique qui contenait sans doute toute sa vie, et j’ai fini par lui dire la vérité.

- Non vraiment, je ne peux pas. Je n’accepte jamais de cadeaux d’inconnus. Et puis les étoiles me font peur.

Il m’a regardé attentivement puis ses yeux sont allés de moi à l’étoile.

- Cette étoile a des pouvoirs, reprit-il, l’air  sérieux.
- Justement. Et puis, on ne donne pas une étoile comme ça !
- Ne cherchez pas midi  à quatorze heures ! Je vous la donne de bon cœur.

Il avait tellement l’air d’y tenir que j’ai fini par la prendre. Je lui ai fait mes adieux, l’étoile à la main, et je suis allée chercher Laura qui m’attendait déjà devant la porte de l’école. J’ai  entendu l’homme crier.

- Vous verrez, elle ne vous décevra pas !

J’ai fait signe à ma fille, l’étoile à la main, mais elle ne m’a pas répondu ; pourtant elle m’avait vue. Au fur et à mesure que je m’approchais de Laura,  je m’éloignais d'elle, mon corps semblait  léger et mes pieds décollaient du sol à chaque fois que je faisais un pas. Puis je n’ai  plus rien vu autour de moi, si ce n’est un léger brouillard qui a tout enveloppé et m’a fait disparaître à moi-même.

Quand je suis revenue à moi, j’étais allongée dans un lit qui n’était pas le mien, dans une chambre que je ne connaissais pas et sur la table de chevet, à côté du lit, était placé une étoile en papier argentée. Une petite fille est entrée. Elle m’a dit « Bonjour maman ». Moi, ça m’a étonnée parce que cette petite-fille là, ce n’était pas la mienne.

* Texte écrit à partir d’une consigne des « impromptus littéraires ».

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