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Presquevoix...
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6 février 2018

Le café de l’espérance

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C’est « au café de l’espérance » qu’il a rencontré Robert, 50 ans plus tôt, et jamais il ne l’a regretté. Les conneries qu’ils ont pu faire ensemble !

Leurs femmes, par contre, n’étaient pas du même avis, surtout lorsqu’elles les attendaient jusqu’à pas d’heure parce qu’ils devisaient sur l’état du monde en buvant deux, trois, quatre ou cinq verres de rouge remplis à ras bord.

Aujourd’hui c’est l’enterrement de Robert et l’église – dont les trois premières rangées sont remplies -  entend  ses reniflements pathétiques. Mais pourquoi est-il parti sans rien lui dire ? Il n’en revient pas. Une infidélité dont il ne l’aurait jamais cru capable !

Quand le curé commence sa messe en faisant l'éloge de la vie irréprochable du défunt – bon mari, bon père, bon grand-père -  il ne peut retenir un éclat de rire tonitruant. Quand même ! Si on lui a volé sa vie, on ne va pas tout de même pas,   aussi,  lui voler sa mort !

 

PS : photo gentiment prêtée par Espiguette.

26 janvier 2018

Duo de janvier

Voici notre Duo de janvier. Comme inducteur à nos textes, cette photo que j’ai prise en octobre dernier sur le marché aux fleurs de Bruxelles.

Cette fois-ci, le Duo commence par mon texte. Celui de Caro sera publié le 28 janvier.

 

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Le cadeau d’anniversaire

 

 En réponse à sa question, elle lui avait dit.

-          Tu n’as qu’à m’acheter une plante !

Il était donc allé au marché aux fleurs et avait fait le plein de couleurs ; une palette où le vert était constellé de rose et de blanc.

Le choix s’était avéré difficile ; on n’achète pas n’importe quel cadeau pour les 70 ans de sa mère, surtout une mère comme la sienne.

Après deux heures d’errance, il avait opté pour un hortensia. Sa mère adorait ces fleurs qui bordaient champs et routes dans sa région d’origine.

Le jour J, quand il offrit sa plante lors d’un repas partagé dans la plus stricte intimité, elle asséna.

-          C’est gentil de m’avoir offert une plante, mais tu sais bien que je déteste les hortensias !

-          Mais pourtant tu m’as toujours dit…

-          Ce n’est pas grave, tu n’as qu’à la garder, elle se plaira chez toi.

-          Franchement, c’est idiot, je croyais…

-          Je croyais n’était qu’un niais, rétorqua-t-elle en guise de conclusion.

Il n’y avait plus rien à ajouter. Le repas fut expédié dans une atmosphère tendue et il partit plus tôt qu’à l’heure habituelle,  l’hortensia dans son sac à dos.

« Sans rancune ? »,  lui dit sa mère au moment du départ. « Sans rancune », réussit-il à répondre.

Il se promit que pour ses 71 ans, il ne lui offrirait rien du tout, mais serait-il capable de tenir sa promesse ?

 

 

22 janvier 2018

Silence

 

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Il se souvient de l’escalier. Il le voit encore la nuit, dans des rêves qui deviennent cauchemars.

Il y a deux ans,  il descendait ces marches pour aller vers le ruisseau où il aimait à entendre l’eau murmurer des poèmes singuliers. C’est au pied du chêne qu’il avait vu Juliette. A son cou, une corde nouée. La branche choisie s’était cassée sous son poids.

Il avait pris Juliette dans ses bras et l’avait ramenée dans ce qu'il appelait "leur cocon".  Aux paroles  de réconfort s'étaient mêlées les larmes, mais Juliette, inerte, voulait oublier la vie.

Jamais elle n’avait mis de mots sur cet acte et lui, il avait laissé le silence s’installer.

Seulement, maintenant,  il y a  cette culpabilité, comme une mousse qui s’accroche aux marches de la vie…

 

PS : photo gentiment prêtée par « Chandelin »

 

18 janvier 2018

La prière

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Il était allé prier Notre Dame de toute Tendresse, qui sait si cette prière aurait une influence sur sa femme ?

Avec elle, il avait usé toutes les stratégies et ce serait la dernière avant la solution finale qui, sans doute,  la rendrait heureuse.

Elle pourrait ainsi lui dresser un autel sur lequel elle tresserait son long chapelet de louanges.

 

PS : photo prise en Normandie

 

10 janvier 2018

Le couple

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Ils s’entendaient à merveille et avaient toute leur vie navigué dans des eaux calmes. Leur activité commune : la pêche. C’est pour ça qu’ils s’étaient mariés. D’ailleurs, elle avait coutume de dire que c’est lui qui l’avait ferrée ! Lui ajoutait avec un clin d'oeil qu’à l’époque, elle était plate comme une limande alors que maintenant…

Et depuis 30 ans, ils pêchaient ensemble sur le port de Dieppe. Leurs conversations économisaient les pensées et les mots.

-          Ça mord ? lui disait-il.

Et elle répondait « oui » ou « non ». Parfois, elle ajoutait une réflexion personnelle : « Ce soir on va se régaler » ou « c’est la misère » ou " le Bon Dieu n'est pas avec nous."

Quand il est mort, elle a fait graver une canne à pêche sur sa pierre tombale. 

 

PS : photo prise à Dieppe

23 décembre 2017

Le fleuve

20170526_125523Damien regardait avec elle les arbres qui se reflétaient dans l’eau du ciel. Elle repensait au dialogue qu’elle et Jean avaient eu dix ans plus tôt, alors qu'ils se tenaient tous deux au même endroit, face à l’étendue calme et plate du fleuve.

-          C’est là que Damien l’a tuée, dans cette barque.

-          Tu es sûr ? avait-elle dit.

-          Oui, sûr et certain, j’y étais.

Elle n’osa pas demander à Jean pourquoi il n’avait pas empêché Damien de commettre cet acte barbare, son regard trouble l’en empêchait.

-          Tu l’aimais ?

-          Oui, plus que tout, plus que toi, même !

A ce même instant, Il lui avait emprisonné la main et ils avaient fait un pas vers le fleuve qui tendait vers eux les bras de ses arbres noueux.

Elle avait alors entendu quelqu’un qui avait hurlé « Non, non, attention ! » et elle avait eu la présence d’esprit de lâcher sa main. Le cri de Damien l'avait sauvée.

Dix ans plus tard, Damien et elle étaient silencieux face au miroir du fleuve, mais sans doute voyaient-ils la même chose : le corps de Jean que le fleuve avait englouti…

 

PS : photo prise dans la Creuse, en mai 2017

17 décembre 2017

Le confessionnal

20170606_143514Elle avait décidé d’ouvrir un confessionnal, une idée un peu folle, mais qui  marchait. Au début, un ou deux clients par jour, mais depuis un mois, elle pouvait recevoir jusqu’à 10 personnes par jour.

Son approche était simple : chacun pouvait déposer ses souffrances pendant la demi-heure qui lui était accordée et recevait une écoute inconditionnelle accompagnée d’une boisson au choix et d’un gâteau fait maison, pour la modique somme de 15 euros.

Seulement, au jeu de l’écoute, elle fut rapidement prise au piège, et ce qu’elle pensait être une activité anodine l’obligea à aller se faire écouter elle-même pour un prix beaucoup plus élevé que celui qu’elle pratiquait avec ses clients…

9 décembre 2017

Les soucoupes volantes

20171125_083425Le jour de l’arrivée des soucoupes volantes en France, le ciel tirait sur l’orange et la ville se réveillait à peine d’une gueule de bois due à l’explosion sociale qui couvait depuis des mois et s’était propagée à l’échelle du pays.

Certains parlaient de révolution, mais il était encore trop tôt pour utiliser ce mot dont la puissance ne pouvait se résumer à des manifestations, certes importantes, mais qui étaient encore contrôlées.

La veille au soir, le chef d’Etat s’était accordé un droit d’antenne d’une demi-heure. Son discours creux aux accents emphatiques laissait augurer une fin de règne possible, mais quand ?

Et c’est dans ce contexte que les soucoupes volantes étaient arrivées dans toutes les villes de France. Dans chaque soucoupe, un responsable avait été désigné pour s’adresser à nous dans notre langue. Le message était simple :

« Réveillez-vous terriens de France ! Si vous ne vous débarrassez pas des guignols qui sont au pouvoir et de leurs sous-fifres, nous le ferons nous-mêmes et nous avons les moyens de mettre notre plan à exécution. C’est maintenant ou jamais si vous  tenez à votre vie et à celle  de votre beau pays ! »

Pourquoi tout le monde adhéra à ce discours simple - voire simpliste - je n’en sais rien. Mais depuis ce jour, les guignols ont disparu ; le pays revit, et nous aussi…

 

PS : photo prise à Rouen, un matin de novembre.

5 décembre 2017

Rêve

20170606_114703Il suffit de peu pour rêver, surtout si on file la femme qu’on aime. La dernière fenêtre au deuxième étage, c’est là qu’elle habite. Que fait-elle ?

Il se prend un pêcheur qui jette ses filets ; le poisson, c’est elle, mais elle ne l’aime pas. Elle se refuse à lui. Il est obsédé par cette femme qui pourrait s’appeler Fantasme.

L’arbre tend ses branches vers la fenêtre. Aura-t-il le courage de monter et de frapper au carreau ? Mais si elle n’est pas seule ?

Soudain il entend qu'on l'appelle et il se retourne. Elle est là, souriante, accrochée au bras d’un homme qui fait deux têtes de plus qu’elle, et donc une de plus que lui. Il lui adresse un sourire crispé. Elle lui demande.

-          Bonjour, qu’est-ce que tu fais là ?

Son visage s’empourpre et il s’enferme dans une explication stupide.

-          Oh, j’allais voir une expo d’un photographe que personne ne connaît.

-          Tu veux monter prendre un thé ?

-          Non merci.

-          Je te présente Juan, mon amoureux.

Amoureux, comme ce mot peut-être douloureux. Il sourit mécaniquement à Juan, le chanceux, et préfère s’éloigner à grands pas sans même adresser un au revoir à celle qu’il adore en silence.

 

PS : photo prise à Paris non loin de St Germain des Prés.

27 novembre 2017

Idées

20160227_124248Il lui avait dit.

-          Tu connais ma maxime, non ?

Elle avait répondu, telle une élève connaissant bien sa leçon.

-          Oui, pas d’idéaux, juste des idées hautes.

L"’élève" avait 45 ans et le professeur 55. Cela faisait 20 ans qu’ils étaient mariés et elle se lassait des maximes pontifiantes de son professeur de mari.

Elle savait que son humour ravissait ses étudiantes et que plus d'une avait cédé à ses avances avant d’achever son mémoire de maîtrise.

Avec le temps, elle se rendait compte que sa culture tenait plus du vernis que d’un savoir construit et nourri. Et elle lui en voulait de lui retirer la seule chose  qui aurait pu la satisfaire, au profit de jeunes femmes dont la candeur et le charme comblaient sa vitalité sexuelle.

Ce jour-là, elle ajouta malgré tout.

-          Et tu connais ma maxime, à moi ?

-          Ta maxime ? Mais tu n’en as pas !

-          Pourtant si, j’en ai une maintenant, et la voici : «  Se faire une haute idée de soi-même est le reflet d’un vide profond. »

-          Que veux-tu dire par là ?

-          Rien, bien sûr, rien.

Et ils continuèrent leur promenade sur le front de mer comme si de rien n’était.

 

PS : photo prise à Deauville.

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