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Presquevoix...
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4 juin 2020

Le monde d’après

 

 

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Après la sortie du confinement, ils avaient immédiatement respecté la distanciation demandée par le chef du gouvernement Oiesiste.

La peur était toujours là – malgré la beauté de cette nature protégée – et le dandinement des citoyens donnait à voir l’absence totale d’exercice physique durant ces deux mois de séparation du monde.

Rares étaient ceux qui sortaient de la ligne ; les drones étaient toujours là et la surveillance battait son plein. Seuls les masques avaient disparu, car sans masque, impossible de chanter leur cri de ralliement, le seul qui leur permettait de faire voguer sur les eaux du grand lac de l’Oubli, la solidarité qui, un temps, avait été la leur…

 

PS : photo prise en 2017, dans le très beau jardin botanique Meise, non loin de Bruxelles

 

 

31 mai 2020

Le monde du rêve

 

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"Putain de vie, putain de vie, putain de vie !" A force de me répéter ces maudits mots, j'ai franchi le pas : je me suis acheté des cachets pour rêver, le tout à un prix faramineux !

 Il y a longtemps que j’en avais envie, mais je n’osais pas, la peur de voir un monde s’ouvrir. C’est mon ami Thomas qui m’en avait parlé en me disant que ça m’aiderait peut-être à dépasser l’étape, celle de la mort de ma mère.

 Six mois que je ne rêve plus. Les rêves ont disparu de mon âme depuis que ma mère est morte. Je devrais pourtant être content qu’elle ait disparue ; plus de phrases à la nitroglycérine. Avec elle, j’avais l’impression d’être l’un des protagonistes du film « le salaire de la peur ».

 Mon premier cachet a parfaitement fonctionné et c’est lors de ce premier rêve que j'ai rencontré la fille qui danse. Elle avait des seins de fée et une robe qui m’envoyait des rayons d’argent. Elle ne m’a pas regardé tout de suite ; son chien attirait toute son attention. Était-il amoureux d’elle ?

Combien d’hommes avaient tourné autour de son corps sculpté ? Elle m’a dit.

-          Je vous ai aimé tout de suite, car dans l’onde de vos yeux vogue la barque de l’espérance, celle dans laquelle on monte pour faire le voyage du retour.

-          Quel retour ?

-          Le retour vers un monde où les tourments de l’enfance ont disparu.

Quand j’ai confié à Thomas qui j’avais rencontré dans mon premier rêve, il a simplement répondu : elle reviendra jusqu’à la fin, sois en sûr.

Quelle fin ? il ne me l’a pas dit, mais nuit après nuit, nous faisons elle et moi le même voyage. Elle m’écoute et me pose des questions étranges dans la barque paisible qui avance sur l’onde de mes rêves.

Maintenant, je suis heureux, car mes nuits sont plus belles que mes jours…

 

PS : photo prise à Rouen en 2018

27 mai 2020

L’ange de la mort

 

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Marie lui avait dit qu’elle avait rencontré l’ange de la mort.

-          L’ange de la mort, rien que ça ?

Il avait l’habitude des rencontres étranges qu’elle prétendait avoir faites. N’avait-elle pas eu, aussi, un tête-à- tête avec le président de la République, il y a quinze jours ? Moment où il lui aurait confié que l’après serait comme l’avant et qu’il ne croyait en rien, sinon en lui-même ?

Mais avec cet ange de la mort, le duo avait été délirant et Marie en était ressortie hystérique, ou presque. Dans sa longue robe rouge aux volants verts et jaunes, elle lui avait dit en tournant autour de lui comme un derviche : « On ira tous au paradis, bonnes sœurs ou voleurs, saints ou assassins, professeurs ou bonimenteurs, soignants ou contrevenants, protestants ou musulmans, athées ou cinglés…»

-          Arrête, lui avait-il dit, tu m’emmerdes !

-          Pourquoi tu t’énerves puisque la résurrection t’attend ?

-          La résurrection, je m’en tape. Je préfère le présent, avait-il conclu.

Soudain, en observant le visage de Marie, il pensa à cette phrase de Christian Bobin « J’aimerais tellement aimer ceux que je vois, mais pourquoi sont-ils si peu présents à eux-même. »…

 PS : Photo prise à la Bouille en 2018.

 

11 mai 2020

Le paradis

 

 

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Dès qu’elle est arrivée au paradis, on lui a dit de choisir un bouton dans la grande boîte qui était posée à l’entrée. Elle a voulu demander pourquoi, mais l’ange lui avait dit qu’ici on ne posait pas de questions.

D’ailleurs, pourquoi était-elle au paradis ? L’ange lui a chuchoté.

-          Tu as pardonné, et comme tu as pardonné, tu n’as ni jugé ni puni.

Quelle bonne idée que d’avoir pardonné, a-t-elle pensé. Mais qui avait-elle pardonné ? Tous peut-être ? Même son père, sa mère, ses frères, ses sœurs, ses grands parents ? Etrange, elle n’en avait aucun souvenir.

Elle a choisi un bouton bleu clair, la couleur du ciel d’été. Et quand la voix - celle de Dieu ? – a dit que le livre qui lui était attribué était « Psychothérapie de Dieu* » elle a souri. Dieu était omniscient, certes, mais thérapeute, aussi ?

* livre de Boris Cyrulnik.

PS : photo prise à Bruxelles en 2015

 

27 avril 2020

Duo d'avril

Comme à notre habitude, avec Caro du blog  " les heures de coton ",  nous continuons le chemin des duos. Cette fois-ci, une photo que j'ai prise  dans la gare de Saint Pancras, à Londres, en mai 2018. Les sculptures sont de Paul Day.

Cette photo, bien sûr, est entrée de façon différente dans nos imaginaires. Après le texte de Caro, voici le mien.

 

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 La bibliothèque

 

Paul épiait les gens puis créait des vies imaginaires. Dans les verres de ses lunettes, des hommes et des femmes étaient emprisonnés des minutes, des heures, des jours…

Taedium vitae, lassitude de moi, disait-il à son ami, le seul qui lui restait du désert de son enfance. Un ami aussi bancal que lui, certes, mais différent parce que vivant.

La vie de Paul était aussi terne que la grisaille de ses yeux. Je préfère épier plutôt qu’aimer, avait-il coutume de dire à son ami. Puis il ajoutait souvent, dans cette boucle qui était son seul chemin : dans ma courte vie, jamais personne ne m’a aimé, et jamais je n’ai aimé personne.

Son ami hochait la tête sans rien ajouter ; forcément, il était sourd.

Toujours de noir vêtu, caché derrière ses lunettes sombres, Paul s’autorisait à suivre un humain par jour.  Parfois il sortait en fin de journée, au moment où le dernier oiseau se taisait. Et c’est exactement à ce moment-là qu’il a croisé l’homme au livre ; un être aussi silencieux que les oiseaux de la nuit et qui semblait trouver dans les livres un étrange horizon.

Maintenant, l’homme au livre était presque devenu son compagnon muet. Il l’épiait jour après jour, et les livres que cet homme lisait faisaient partie de son paysage imaginaire.

Voyant son obsession, son ami d’enfance lui avait écrit sur un papier blanc : Tu veux sortir de ta boucle de confinement ?

Et Paul avait répondu, sur la même feuille blanche : Je veux construire la bibliothèque de ma vie et ouvrir mes yeux…

 

26 mars 2020

La boucle

 

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Elle était en boucle comme jamais elle ne l'avait été. Et lui était en colère, comme toujours il l'avait été.

Elle parlait beaucoup trop et répétait en permanence.

- Tu te souviens quand on marchait sur les chemins dans la campagne ?

ou

- Tu te souviens quand on se promenait sur la côte ?

ou

- Tu te souviens de nos vacances à vélo sur les routes de Bretagne ou d'Alsace ?

Oui, il se souvenait, mais il en avait marre. « Qu’elle la boucle », pensait-il.

Et plus elle parlait, plus sa colère montait et plus il soufflait comme un phoque. Seulement, à force de souffler, il allait faire un arrêt cardiaque, il le sentait, il le sentait, il le sentait...

 

PS : photo prise non loin de St Martin de Boscherville en 2015, du temps où le covid 19 n’existait pas…

 

 

 

26 février 2020

Changer de vie

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Qu’est-ce qui fait une ruine ? C’est ce qu’il m’a demandé en me regardant avec insistance.

D’accord, j’avais passé 49 ans et lui en avait trente, mais cela justifiait-il de me parler ainsi ?

Je le lui ai fait remarquer. Moqueur, il  m’a traité de « parano ». Puis il a rajouté, l’air ironique.

-          Les ruines ont aussi leur charme !

Là, je l’ai tué, il n’aurait pas dû continuer ; d’autant plus que c’est moi qui subvenais à ses besoins. Et question besoins, il en avait, surtout financiers.

Maintenant, je suis à Bonne Nouvelle, quartier femmes. Après mon procès, je serai certainement transférée soit à Rennes, soit à Poitiers. Je préfère Rennes, ça me rappellera mon enfance, c’est là que je suis née.

Ici, je m’occupe de la bibliothèque, ça me change de la comptabilité. Je conseille les filles en fonction de l’histoire qui a été la leur et je leur dis qu’avec un livre, on peut sortir du « trou » de notre vie. Au début, elles ne me croyaient pas, mais maintenant, elles me disent merci.

Quand je sortirai – dans 15 ans peut-être ?  - j’ouvrirai une petite librairie qui s’appellera : « chat commence aujourd’hui ». Allez savoir pourquoi…

 

prochain texte samedi 29 février.

 

24 février 2020

L’exaspération

Quand elle lui avait demandé comment il allait après le décès de sa mère, il avait répondu énervé.

-          Putain, il y a des morts exaspérants, je t’assure !

Elle n’avait pas compris. Lui si attentif, si gentil avec sa mère.

-          Mais pourquoi tu dis ça ?

Il avait hésité puis avait fini par lâcher le morceau.

-          Quand elle était vivante je n’en venais pas à bout et depuis qu’elle est morte, elle envahit le territoire, elle est toujours là.

-          Et si tu allais voir quelqu’un pour t’aider ?

Le « quelqu’un » le fit rugir aussitôt.

-          Quelqu’un ? Tu me prends pour un dingue ou quoi ?

-          Tout de suite les grands mots. Je voulais dire quelqu’un qui t’écouterait et te remettrait sur le chemin de la vie, celle que tu aimerais vivre, maintenant, la tienne.

Il ne lui répondit rien et continua à maugréer, en boucle. Puis, avant de partir, il conclut.

-          Putain, il y a des morts exaspérants ! Tu verras quand ta mère mourra.

26 janvier 2020

voyage

 

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Promenons-nous dans les jardins du ciel

Avec, pour mémoire,

Des presque-rien,

Des exercices d’admiration,

Et des mensonges de bonheur…

 

PS : photo prise à Rouen à lors de l’Armada 2019

22 janvier 2020

Je t’aime

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Elle lui avait dit « je t’aime » dans toutes les langues possible et imaginables, et il avait adoré ça car il ne connaissait qu’une langue étrangère, le français. Lui était américain.

Seulement l’opération langue – la fameuse, celle qui, selon lui, était une spécialité française – ne dura que sept jours. A la fin de la première semaine, elle s’envola, comme l’hirondelle à laquelle il l’avait comparée dans un élan pseudo-poétique.

Chaque nuit il rêvait d’elle et se réveillait en hurlant Marie, le prénom qu’elle s’était donnée. Mais s’appelait-elle vraiment Marie ?  La dernière fois où il l’avait rencontrée, elle était au bras d’un géant américain – comme lui -  qui l’appelait Hélène tout en lui roucoulant des « You’re marvelous, you’re wonderful » à tour de langue ;  d’où ce doute qui s’était installé en lui…

 

PS : photo prise à Paris en 2017 !

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