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Presquevoix...
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13 décembre 2012

Le père

Il s’est assis au comptoir, l’air taciturne, et quand je lui ai demandé ce qu’il voulait boire il m’a répondu.
-  Mon père est mort.
Son voisin de comptoir – le genre maigrichon aux yeux de cocker -  a  répondu en larmoyant.
- Je vous plains ! Un père, ça se remplace pas !
Le type en deuil a aussitôt repris du poil de la bête et a rétorqué.
- De toute façon, bon débarras ! Un salaud comme ça, on est content de le voir mourir !
Moi, je me suis tu, mais le type aux yeux de cocker a cru bon de rajouter. 
-  Alors là, ça change tout !
Il a vidé son verre de blanc cul sec et a lancé à la cantonade.
- Tournée générale, on fête la mort du père de monsieur !

12 décembre 2012

Le musée

IMG_0360Cela faisait une heure qu’elle errait dans ce musée bondé et elle avait terriblement mal aux jambes. La prochaine fois, elle prendrait un petit tabouret pliant. Aucune des toiles exposées n’avait suscité chez elle d’admiration, à part peut-être celles de Pollock.
Harassée, elle s’éloigna des salles d’exposition et se posta devant la baie vitrée qui donnait sur le grand canal. Conquise, elle s’éloigna un peu, prit son appareil photo, régla l’ouverture et se dit que cette photo-là serait parfaite.
Elle était assez contente de son œuvre, tant de la composition que de la lumière. Le bleu l’avait toujours fascinée. Un jour, peut-être plongerait-elle dans une transparence de bleu…

 

PS : photo prise par C. P. à Venise en novembre 2012

10 décembre 2012

Le tableau

Cela faisait au moins trois ans que Marie Odile n’était pas allée chez sa nièce. Elle lui montra le tableau au-dessus du buffet et lui dit.
- Je trouve qu’il est très réussi ce tableau, conforme à la réalité. Et puis les couleurs sont bien choisies, vraiment.
Sa nièce la regarda, étonnée.
- Tu ne  te souviens pas ?
- Non ? Quoi ?
- Eh bien il est de toi. Tu me l’as peint il  y a quatre ans.
- Ah bon, répondit tranquillement Marie Odile. Eh bien, ma parole, on dirait que j’ai du talent.

9 décembre 2012

Le personnage

Elle était assise au café de l’échiquier, à la même place que chaque matin et elle se creusait  la tête pour  décrire, d’une seule phrase, ce personnage qui occupait son esprit. Soudain, à la table à côté de la sienne, quelqu’un dit.

- Ce crétin a remplacé l’intelligence par la boursouflure.

C’était exactement ça, on lui avait soufflé ce qu’elle cherchait à exprimer depuis si longtemps. Elle se tourna vers l’inconnu qui avait prononcé la phrase afin de le remercier, mais elle renonça : aurait-il compris ?

6 décembre 2012

Soumission

Ce matin, dans le métro, on lui a marché sur le pied et il s’est excusé. Au travail, sa collègue Cynthia, une pimbêche qu’il étranglerait avec plaisir, s’est engouffrée dans la cage d’ascenseur en le bousculant et il s’est encore excusé. A midi, à la cantine, son chef de service lui est passé devant le nez en lui disant qu’il était pressé. Là encore, il a oublié que ce n’était pas à lui de s’excuser. Le soir en rentrant chez lui, sa femme ne l’a pas même salué et lui a dit d’une voix cassante.

-  Et le pain ?
-  Quel pain ?
-  Celui que tu devais rapporter.
-  Moi, mais… tu ne me l’avais pas dit. Excuse-moi

C’était au moins sa vingtième excuse de la journée. Il était épuisé. Après le repas il s’est assis dans son fauteuil pour voir un documentaire. Son fils a changé de chaîne. Il ne lui a rien dit…

5 décembre 2012

L’éducation

Son enfant avait l’air si sage qu’elle lui avait demandé quel était son secret. Il lui avait répondu très simplement.


- Le corriger quand il fait un pas de côté.
- Le corriger, mais comment ?
- Avec une canne en rotin. Mais ce n’est pas tout, vous devez lui annoncer le nombre de coups qu’il va recevoir et il doit se montrer imperturbable, sinon, vous doublez les coups. Et s’il se trompe en comptant, vous lui en donnez deux supplémentaires.


Elle n’avait pas osé lui poser d’autres questions. Soudain, son fils hurla «  Maman ! » et elle se précipita pour voir ce qu’il se passait. Quand elle revint, l’homme lui dit.


- Vous voyez, ce que votre fils vient de faire, moi, je ne le laisserais pas passer. Ce serait au moins 6 coups de  baguette, c’est inadmissible de déranger ainsi ses parents !


Elle ne répondit rien, mais elle n’eut qu’une envie : partir.


- Maxime, cria-t-elle soudain, Maxime, on rentre. Papa nous attend pour aller faire les courses !


Elle eut de la chance, Maxime arriva aussitôt et elle n’eut pas à supporter d’autres conseils horrifiants. Elle prit congé de son voisin de banc, salua de la tête le petit garçon qui n’avait pas bougé, occupé à lire un livre de contes, et elle partit à grandes enjambées en traînant Maxime derrière elle.

2 décembre 2012

Les mères

En sortant de chez sa belle-mère, elle lui avait dit.
- J’espère que tu ne lui ressembleras pas en vieillissant !
Il lui avait répondu.
- Et réciproquement.
De quelle réciprocité parlait-il ?

2 décembre 2012

Dormir

Dormir dans le chagrin du vent, dormir pour toujours ”. Il a glissé cette phrase dans une enveloppe rouge où il a écrit mon nom et mon adresse. Il n’a pas posté la lettre. Il est venu jusque chez moi. Il a sans doute regardé une dernière fois la glycine qu’il aime tant, puis il est parti comme un voleur.

Il me  disait souvent  “ Tes yeux sont trop noirs, ils me rappellent le puits de mon enfance. ”

Je n’ai jamais compris de quel puits il parlait. Maintenant, il est trop tard pour le savoir...

 

PS : texte écrit dans le cadre des “ impromptus littéraires ”

29 novembre 2012

Le tatouage

Il avait décidé de se faire tatouer et rien n’avait pu l’en dissuader. Ni le fait de taper sur google “tatouage infections” et de voir avec lui la longue liste des problèmes qui surgiraient peut-être, ni les quatre heures allongées immobile malgré la douleur, ni le prix, ni les soins à faire pendant un mois,  ni l’idée qu’il puisse se lasser du tatouage dans dix ans, rien ! Il le voulait ce tatouage, il en rêvait. Pourquoi ? Mystère.
On n’était ni en Australie, ni en Nouvelle Guinée, ni en Afrique de l’Ouest, mais en France. Alors, pourquoi ce besoin de se faire tatouer ? Juste pour faire de son dos une oeuvre ?
Elle devait voir les choses de façon positive. Ce tatouage lui servirait peut-être de rituel de passage de l’adolescence* à l’âge adulte, et qui sait si, grâce à lui, il n’ accroîtrait pas ses forces vitales, comme le veulent les traditions tribales ?

* adolescence vient du mot latin adolescere qui signifie " grandir vers ". Il s'agit donc d’un processus et non d'un état.

28 novembre 2012

Le pantalon

Il faudrait qu'il pense à changer de pantalon. Cela faisait une semaine qu’il mettait le même et un certain nombre d'élèves commençaient à le regarder  bizarrement. Plutôt que de s’intéresser au cours, ces " imbéciles " passaient leur temps à le détailler des pieds à la tête. Il était sûr qu’ils savaient même combien de couronnes il avait dans la bouche ! Par contre, (a + b)², ça, ils s'en fichaient complètement !

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