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Presquevoix...

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15 mai 2012

Le tampographe

A défaut de choisir un métier qui ne lui aurait pas plu, il s’était improvisé tampographe. Et à chaque fois il déclenchait la même surprise.


-Tampographe ? Ah bon ? Mais c’est quoi au juste ?


Généralement il s’en sortait par des approximations. Il disait qu’il vendait des tampons. Point barre. Mais son père, qui s'était rappelé à son bon souvenir après 15 ans d'absence inexpliquée, avait voulu en savoir plus. Il avait dû regretter son acharnement car après lui avoir expliqué qu’il créait des tampons que l'on pouvait offrir en cadeau, il avait ajouté.


-Tu vois, toi, si j’avais un cadeau à te faire je te donnerais le tampon suivant ; et il le lui avait mis sous le nez sans ménagement.

PS : texte écrit arpès avoir lu un article de journal présentant ce site, qui est une mine à tampons...

14 mai 2012

Le régime

Elle avait été sélectionnée pour participer à une émission de téléréalité – Qui perdra le plus de poids ? – calquée sur un concept qui existait déjà aux Etats-Unis : une année de régime sous le regard impitoyable des téléspectateurs, et avec 150 000 euros à la clef. La première semaine, elle détesta le coach, la deuxième, elle n’en pouvait plus de voir tous ces gros qui suaient autour d’elles, et la troisième, après un exercice trop poussé sur un instrument de torture, elle fit un arrêt cardiaque. La chaîne déclara trois jours de deuil, sous les huées des téléspectateurs, avides de revoir Cindy, kevin, Maud, Bernard, Mélanie, Mégane et les autres. La quatrième semaine,  la compétition  reprit, jusqu'à ce qu'un nouveau décès survienne...

PS : voici le show américain : the biggest loser ! Bientôt en France ? 

13 mai 2012

La chambre bleue

Ses amis lui avaient dit qu’il ne restait plus que la chambre bleue et qu’il valait peut-être mieux que… mais Eléonore avait répondu que ça lui était complètement égal et elle s’était installée, sans arrières pensées, dans la fameuse chambre.


Après un repas arrosé d’un vin délicieux, elle était montée se coucher la première. La tablée lui avait souhaité bonne nuit et Raphaël - un peintre fantasque dont elle était amoureuse -  lui avait murmuré.  


- Je ne te comprendrai jamais, pourquoi dormir dans cette chambre ?


 Eléonore avait répondu en souriant.


- Je n’ai pas le droit de dormir dans la chambre de celle que tu as aimée ?

Raphael n’avait rien dit et il l’avait regardée partir, mélancolique.


Une fois la porte de la chambre refermée, un premier coup avait résonné dans la penderie, un coup bref, dont l’écho s’était répercuté dans toute la chambre. Elle n’avait pu s’empêcher de trembler. Un deuxième coup avait alors retenti, plus long, suivi d’un troisième et d’un quatrième. Elle s’était ruée sur la porte de la penderie qu’elle avait ouverte d’un geste brusque.  


Une odeur de naphtaline l’avait prise à la gorge et elle avait eu un mouvement de recul. Les vêtements de Mélaine étaient encore dans l’armoire. Etrange que personne ne les ait enlevés. Pourquoi garder des traces d’un passé douloureux ?  Elle avait passé en revue les robes colorées, les ponchos, les sweats et elle avait souri en se souvenant d’elle. Elle était si gaie. Pourquoi avait-elle commis ce geste qui avait mis fin à ses jours ?


Soudain une idée absurde lui avait traversé l’esprit, elle avait pris la robe rouge et noire et elle l’avait enfilée. Elle s’était aussitôt sentie enveloppée d’une douce chaleur, comme si un autre corps se superposait au sien. Elle avait apprécié sa silhouette dans la glace et avait virevolté gracieusement mais, quand elle avait voulu enlever la robe, impossible. Celle-ci s’était collée à son corps au point de former une deuxième peau qui semblait vouloir l’aspirer.


C’est à ce moment-là qu’elle avait entendu un sanglot, puis un autre, suivi de pleurs réguliers qu’elle-même avait accompagnés sans pouvoir les réfréner. Ensuite, quelqu’un avait chanté, une voix de femme, grave et envoûtante. On aurait dit l’une de ces mélopées délicates qui appellent les vivants à accoster sur les rives de la mort.


Le lendemain, c’est Raphael qui trouva le corps d’Eléonore inanimé,  allongé sur le couvre-lit blanc, dans la robe rouge et noire de Mélaine. C’est aussi lui qui lui ferma les yeux en murmurant.


- Voilà ce qui arrive quand on veut prendre la place des morts.


Les conclusions du médecin furent formelles : Eléonore était morte d’un arrêt cardiaque.


Depuis cette date, la chambre bleue fut condamnée.


PS : texte écrit dans le cadre des " impromptus littéraires"

12 mai 2012

Le nom

Il s’appelait Lecul, un nom difficile à porter, même si l’on y met toute la légèreté du monde. Il s’était vraiment rendu compte de l’étendue du drame quand il avait pris l’avion à l’aéroport de Roissy le dix mai 2012. Arrivé en retard à cause d’un embouteillage, il avait entendu son nom résonner plusieurs fois dans l’aérogare 2D.


-    Monsieur Lecul est appelé d’urgence au comptoir d’enregistrement, Monsieur Lecul s’il vous plaît, Monsieur Lecul. Je répète Monsieur Lecul est appelé…


Suite à cet appel, il avait nettement entendu un éclat de rire généralisé dans le hall 2D. Mortifié, il ne s’était pas présenté au comptoir d’enregistrement et il avait raté son avion.

11 mai 2012

Le long sommeil

Emerge de ton sommeil, comme une urgence*... ce sont les derniers mots qu'elle l’avait entendu prononcer avant de s’endormir à nouveau. Depuis, plus rien, ou plutôt si, des souvenirs inconnus qui s’affolaient et lui hurlaient qu’elle avait passé vingt ans à oublier.  Pourquoi avait-elle accepté de se soumettre à cette expérience ? On ne revient jamais indemne d’un tel voyage. Maintenant qu’elle savait tout, comment pourrait-elle vivre ?

Lui, la contemplait les yeux perdus et le cœur au bord des lèvres. Il n’en finissait pas de répéter, comme un automate au mécanisme déréglé : « Emerge de ton sommeil, émerge de ton sommeil… ». Et seul le vent lui répondait, ainsi que ce bruit sourd, comme une musique qui accompagne le passage de la vie à la mort…

* Phrase empruntée à cette vidéo de Janeczka. N’hésitez pas à entrer dans son univers où  poésie, voix, musique, vidéo et photo se croisent à l’infini.

 

10 mai 2012

Le lifting

Hier, ma mère m’a dit que j’avais l’air fatiguée et que j’aurais vraiment besoin d’un lifting. J’avais très envie de lui tendre un miroir, mais je ne l’ai pas fait : c’est ce qu’on appelle l’amour filial.

9 mai 2012

Le bulletin de vote

Il s’était mis sur son 31 pour aller voter. L’heure était grave, il y allait de l’avenir de la  France et du sien, même si le sien était déjà derrière lui. La canne à la main, le bulletin de vote dans sa poche droite et sa carte d’électeur dans celle de gauche, il s’était rendu à l’école Prévert en clopinant afin d’accomplir ce qu’il estimait être le premier devoir d’un citoyen.
Une fois dans l’isoloir, il prit son bulletin qui se glissa avec difficulté dans l’enveloppe car sa main tremblait ; l’émotion, ou peut-être la maladie de Parkinson. Au moment où il ferma l’enveloppe, il eut un doute : avait-il vraiment fait le bon choix ? Son cœur se mit à battre à une vitesse folle et  quand il sortit de l’isoloir, il s’écroula. On ne réussit pas à le ranimer.
Il avait 86 ans. L’histoire ne dit pas pour qui il voulait voter.

PS :Texte écrit à partir de cet article, lu dans Nice matin 

8 mai 2012

Duo

Nouveau duo avec caro-carito, du blog les heures de coton. Nous devions utiliser quelques mots de cette chanson de Barbara, sans oublier le titre de celle-ci : Perlimpinpin.
Le texte que vous allez lire est de caro-carito, quant à mon texte, il  est sur son blog, les heures de coton.


                                                           _____________________________

 

Perlimpinpin

En me levant, le jour avait disparu. Était-il même né ? Je sais pourtant que C’est l’été, que pas une goutte de pluie n’a effleuré la ville depuis des mois, des semaines. D’ailleurs est-ce que le temps existe encore…

Une ampoule tremblante éclaire les contours de mon studio. Une mince pellicule couleur cendre recouvre les quelques meubles et le lino, colle aux vitres. J’ouvre le robinet et laisse couler un filet d’eau jaune que je ferai chauffer et auquel j’ajouterai une cuillère de café en poudre. Tâtonner dans le frigo pour trouver de quoi déjeuner.

Je suis dans la rue ; pendant mon sommeil, un courrier électronique m’a annoncé un travail. Sans plus d’indications qu’une adresse à l’autre extrémité de la ville, une lande de banlieue morne et lointaine. Peut-être un bureau au fond d’une cour aux murs gris. Espoir d’un peu d’argent et l'assurance d’heures penchée à une table avec la lumière absente. Je vis dans un pays où l’aube n’a plus sa chance.

Je marche vite. Des cris, des explosions, l’écho du passage d’un char. Le ballet des hélicoptères qui vole toujours trop près. Pour qui, comment quand et pourquoi ? Contre qui ? Comment ? Contre quoi ? Personne ne sait, nous errons à travers les rues pour un peu d’argent, un peu de pain. Dans nos boîtes électroniques, des milliers d’informations s’écrasent en une bouillie de mensonges et de défiance. Suintant une solitude telle que l’on en perd le goût de vivre, le goût de tout.

La cour sombre se referme, il fait nuit ; j’ai glissé entre ma peau et mon jean humide ma fiche de paye et les billets. Je gravis ce qu’on appelait jadis une colline, je traverse d’un pas ce qui est un fil d’eau et fut un fleuve. Un enfant pleure quelque part. Il y a toujours un enfant qui pleure.

Dans la pénombre, le fantôme d’un jardin frissonne. Longer la rue que l’on appelle encore Saint-Denis. Un écornifleur et trois badauds sous un porche : un carton sur lequel sont posés trois verres à l‘envers, une pièce qui disparaît. Des enseignes dont le rouge criard tranche sur l’ombre. Un homme se tient devant une porte entrouverte. Sa peau a la teinte du blanc de céruse et il porte un haut de forme. Il s’incline devant moi et soulève un rideau bleu peuplé d’étoiles. J’entre.

J’entends sa voix de Monsieur Loyal chantonner : « Je suis pour le soleil couchant en haut des collines désertes. Car un enfant qui pleure… » Un cabaret aux murs tendus de rouge et doré. Un piano rit quelque part. Je me blottis dans un coin de la pièce, le velours est doux et Monsieur Loyal me tend un verre. Les ampoules trop tôt vieillies masquent plus qu’elles ne dévoilent les mouvements autour de moi, hommes, femmes, je ne sais. Monsieur Loyal revient plus tard avec un autre verre et me glissera alors : « l’ivresse vous fait sourire ». Je sens son corps qui se presse contre moi. Quelques accords plaqués et les notes douces de ses mots et d’un accent presque éteint. « Nous vivions à perdre le goût de vivre, le goût du pain et surtout celui du perlimpinpin. » Le blanc de céruse s’estompe et je devine une peau jeune encore.

La salle est déserte, je me lève en titubant. Cela serait l’aube si elle existait. Mes vêtements sont fripés. La rue Saint-Denis est déserte. Sur ma peau des paillettes dorées comme un lever ou un coucher de soleil et contre ma peau, près de mes billets, une carte de visite.


Monsieur Loyal, 97 ter rue Saint-Denis
fabricant de poudre de perlimpinpin
et de feux de tendresse.

C’est en rencontrant la soie du rideau de la porte d’entrée, que je vois sur mon bras mille paillettes et que je sens une main, jeune encore, qui me presse, m’entraîne. Je marche et le sol tangue sous le roulis d’une mélodie muette, je suis vivante.

 

 

7 mai 2012

La carte Malin

A chaque fois qu’il allait au Cora, la caissière lui demandait s’il avait la carte Malin. Un jour, las de répéter la même chose, il répondit à la caissière de son air le plus triste.

-  Non, je n’ai pas réussi le test. Vous pourriez me dire quand sera la prochaine session de rattrapage ?

 

6 mai 2012

L’oral blanc

Il avait révisé son bac blanc de français dans sa chambre, le MP3 vissé sur ses oreilles. Ses 15 textes avaient  été bâclés : il faut dire que Rimbaud, Baudelaire, Balzac, La Fontaine et les autres le déprimaient gravement.


Le jour de l’oral du bac blanc, il arriva un peu en avance pour tâter l’ambiance. Un copain, qui était passé juste avant, lui avait dit en désignant le professeur : elle craint !


Il devait s’attendre au pire. Quand il entra, il avait la gorge sèche. Le professeur choisit un poème de Baudelaire, pile celui sur lequel il n’avait rien à dire. Elle avait dû deviner. Il fit contre mauvaise fortune bon coeur et essaya de griffonner quelques idées. Les vingt minutes de préparation lui parurent très longues. Quand le professeur l’appela, il sourit ; l’amabilité donnait parfois des points. Il ânonna péniblement son explication et le professeur hocha la tête à plusieurs reprises, l’air dubitatif. A la fin, elle lui demanda :


-    Vous avez vu ce poème en cours ?


Il lui répondit sans hésiter que oui et elle enchaîna avec un large sourire :


-    Et vous étiez présent ?


Putain ! Fut la seule chose qui lui vint à l’esprit ; il se demanda même s’il ne l’avait pas dit à voix haute. Elle lui posa deux  questions subsidiaires sur le poème et les réponses qu’il lui donna la firent grimacer. Le professeur le congédia en concluant :


-    Pauvre Baudelaire, depuis ce matin il en entend de toutes les couleurs et il se retourne dans sa tombe, mais vous, je crois que vous l’avez achevé une deuxième fois !

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