Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Presquevoix...
Archives
8 mai 2012

Duo

Nouveau duo avec caro-carito, du blog les heures de coton. Nous devions utiliser quelques mots de cette chanson de Barbara, sans oublier le titre de celle-ci : Perlimpinpin.
Le texte que vous allez lire est de caro-carito, quant à mon texte, il  est sur son blog, les heures de coton.


                                                           _____________________________

 

Perlimpinpin

En me levant, le jour avait disparu. Était-il même né ? Je sais pourtant que C’est l’été, que pas une goutte de pluie n’a effleuré la ville depuis des mois, des semaines. D’ailleurs est-ce que le temps existe encore…

Une ampoule tremblante éclaire les contours de mon studio. Une mince pellicule couleur cendre recouvre les quelques meubles et le lino, colle aux vitres. J’ouvre le robinet et laisse couler un filet d’eau jaune que je ferai chauffer et auquel j’ajouterai une cuillère de café en poudre. Tâtonner dans le frigo pour trouver de quoi déjeuner.

Je suis dans la rue ; pendant mon sommeil, un courrier électronique m’a annoncé un travail. Sans plus d’indications qu’une adresse à l’autre extrémité de la ville, une lande de banlieue morne et lointaine. Peut-être un bureau au fond d’une cour aux murs gris. Espoir d’un peu d’argent et l'assurance d’heures penchée à une table avec la lumière absente. Je vis dans un pays où l’aube n’a plus sa chance.

Je marche vite. Des cris, des explosions, l’écho du passage d’un char. Le ballet des hélicoptères qui vole toujours trop près. Pour qui, comment quand et pourquoi ? Contre qui ? Comment ? Contre quoi ? Personne ne sait, nous errons à travers les rues pour un peu d’argent, un peu de pain. Dans nos boîtes électroniques, des milliers d’informations s’écrasent en une bouillie de mensonges et de défiance. Suintant une solitude telle que l’on en perd le goût de vivre, le goût de tout.

La cour sombre se referme, il fait nuit ; j’ai glissé entre ma peau et mon jean humide ma fiche de paye et les billets. Je gravis ce qu’on appelait jadis une colline, je traverse d’un pas ce qui est un fil d’eau et fut un fleuve. Un enfant pleure quelque part. Il y a toujours un enfant qui pleure.

Dans la pénombre, le fantôme d’un jardin frissonne. Longer la rue que l’on appelle encore Saint-Denis. Un écornifleur et trois badauds sous un porche : un carton sur lequel sont posés trois verres à l‘envers, une pièce qui disparaît. Des enseignes dont le rouge criard tranche sur l’ombre. Un homme se tient devant une porte entrouverte. Sa peau a la teinte du blanc de céruse et il porte un haut de forme. Il s’incline devant moi et soulève un rideau bleu peuplé d’étoiles. J’entre.

J’entends sa voix de Monsieur Loyal chantonner : « Je suis pour le soleil couchant en haut des collines désertes. Car un enfant qui pleure… » Un cabaret aux murs tendus de rouge et doré. Un piano rit quelque part. Je me blottis dans un coin de la pièce, le velours est doux et Monsieur Loyal me tend un verre. Les ampoules trop tôt vieillies masquent plus qu’elles ne dévoilent les mouvements autour de moi, hommes, femmes, je ne sais. Monsieur Loyal revient plus tard avec un autre verre et me glissera alors : « l’ivresse vous fait sourire ». Je sens son corps qui se presse contre moi. Quelques accords plaqués et les notes douces de ses mots et d’un accent presque éteint. « Nous vivions à perdre le goût de vivre, le goût du pain et surtout celui du perlimpinpin. » Le blanc de céruse s’estompe et je devine une peau jeune encore.

La salle est déserte, je me lève en titubant. Cela serait l’aube si elle existait. Mes vêtements sont fripés. La rue Saint-Denis est déserte. Sur ma peau des paillettes dorées comme un lever ou un coucher de soleil et contre ma peau, près de mes billets, une carte de visite.


Monsieur Loyal, 97 ter rue Saint-Denis
fabricant de poudre de perlimpinpin
et de feux de tendresse.

C’est en rencontrant la soie du rideau de la porte d’entrée, que je vois sur mon bras mille paillettes et que je sens une main, jeune encore, qui me presse, m’entraîne. Je marche et le sol tangue sous le roulis d’une mélodie muette, je suis vivante.

 

 

Commentaires
S
Pardon ! <br /> <br /> je t'ai suivie
Répondre
S
Je ne me suis pas dégonflé, je t'ai suivi dans cette errance surréaliste.
Répondre
C
patrick, le sucre se travaille pour devenir des cheveux d'ange... féérique http://chefsimon.com/cheveux-anges-sucre-file.html<br /> <br /> <br /> <br /> D.H. heu non... même pas vu, pas trop le temps... <br /> <br /> <br /> <br /> Gballand, je vais en parler à mon psy, je ne sais pas, c'est un texte compliqué qui est parti de cette pellicule cendreuse et du monsieur loyal.<br /> <br /> <br /> <br /> Jk, ah les vertus du copier coller :P
Répondre
J
Je pense tout comme gballand, mais elle l'a bien mieux exprime que moi.
Répondre
G
Tu nous mettrais presque la peur au ventre dans les cinq premiers paragraphes, une atmosphère lourde et inquiétante que tu dessines fort bien. C'est la projection d’un sarkozysme poussé au paroxysme qui t'a inspirée ? ;.)<br /> <br /> J'aime beaucoup le "rideau bleu peuplé d'étoiles" qui annonce le tournant du texte ; mais où conduis-tu le lecteur ? Le libellé de cette carte de visite est émouvant : qui peut résister aux feux de tendresse ? ( Sont-ce ceux qui soignent les feux de détresse ?)<br /> <br /> Et le narrateur semble s’amuser à perdre le lecteur captif : de quel monde s'agit-il vraiment ? Soulagement lorsque cette vie ressurgit alors qu'au début du texte la tonalité cendré laissait à penser que l'on flirtait avec la mort.
Répondre
Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés