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Presquevoix...

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5 juin 2012

La surprise

pastelle4- Comment tu le trouves ?


Mal à l’aise dans sa mini-jupe qui la moulait un peu trop, elle ne savait pas quoi dire. Il lui avait promis une surprise et en fait de surprise, elle était devant une coque à la peinture écaillée qui, dos à la mer, attendait sa fin prochaine. Elle finit par balbutier.


- Euh, c’est… enfin… c’est ça  la surprise ?
- Oui, c’est ça, lui répondit-il les yeux brillants. Tu ne trouves pas qu’il est beau ?


Elle se demandait ce qu’il trouvait de beau à ce truc échoué. Elle n’arrivait même pas à imaginer cette vieille carcasse voguant sur les flots.


Lui guettait ses réactions. Il comprit immédiatement que cette fille n’était pas sensible à la beauté des choses ; son corps était presque parfait, certes, mais elle ne manifestait aucune émotion. Il lui sourit méchamment et  conclut.


- Tu t’attendais à autre chose ?


Elle tira sur sa jupe trop courte et ne répondit rien. Elle aurait espéré qu’il l’embrasse ou tout au moins qu’il lui prouve qu’il la trouvait  désirable, mais non, rien. Elle l’a vu s’approcher du bateau échoué, le caresser, puis il est revenu vers elle et lui a dit.


- Bon, on part ?


PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Pastelle

4 juin 2012

La télé pour chiens

Quand elle partait, même pour une heure, elle lui mettait la télé : Caligula ne supportait pas la solitude. Cette simple présence évitait les aboiements à répétitions et les moquettes lacérées. Bien sûr, l’abonnement était cher, mais que ne ferait-on  pas pour un compagnon aussi précieux ?
Il y a deux semaines, une nouvelle chaîne de télé avait produit le premier feuilleton pour chien et Caligula, qui avait suivi le premier épisode avec plaisir, ne voulait en rater aucun. D’ailleurs, si elle n’allumait pas la télévision à 14 h 30 précises - heure du feuilleton « Un chien presque parfait »   - Caligula montrait les dents…

3 juin 2012

« Enfermé dehors »

A 14 heures, son fils était venu le voir sur le balcon pour lui signaler qu’il partait en ville, puis il lui avait dit « A plus » avant de tirer la porte. Lui avait continué à corriger tranquillement ses copies.


Quand à 14 h 30, il avait voulu aller aux toilettes, il s’était rapidement rendu compte que la porte du balcon ne s’ouvrait plus. Comment ce crétin avait-il pu faire une telle imbécillité ? De « crétin », somme toute mesuré, il passa à « ce putain d' andouille » et,  5 minutes plus tard,  il éructait contre  « ce connard qui d’habitude ne pense jamais à fermer quoi que ce soit mais qui là, l’enferme sur la terrasse ! ».


Il essaya de se remettre à ses corrections de copies, mais le cœur n’y était pas. Il remarqua que des nuages noirs commençaient à s’amonceler : l’orage n’était pas loin. Il ne voyait qu’une issue, casser un carreau, mais la vision de la facture à payer retint son geste et il se concentra tant bien que mal sur ses copies.


Au moment où la première goutte de pluie tomba, il entendit une porte claquer. Il se rua vers la porte fenêtre et tambourina comme un fou. En voyant  le visage de son père ravagé par la colère, le fils eut presque envie de le laisser hurler sur le balcon, mais, il se dit que de toutes façons, il faudrait bien l’affronter un jour…

PS : « l’homme est un animal enfermé à l’extérieur de sa cage », disait Valéry.

2 juin 2012

La rose inaccessible

Tu es cette rose inaccessible, lui avait-il murmuré.  Moi ? Une rose ? avait-elle répondu, et des grappes de notes  s’étaient échappées de son rire lumineux. Il l’avait regardée, comme seuls savent regarder ceux qui n’aiment qu’une fois.

Un mois plus tard, la rose avait commencé à se faner, et il lui retirait  un à un ses pétales flétries par la mort.

PS : texte suggéré par une musique d’Anthony Girard : « la rose inaccessible » ( Dans la rubrique "écouter" colonne de gauche)

 

1 juin 2012

La punition

Comme il avait volé de l’argent dans le tiroir-caisse de la boulangerie, son père  l’obligea à faire le tour du quartier avec une pancarte qui portait la mention suivante : « Je suis un voleur ! ». Trente ans plus tard,  les quolibets des gens du quartier le réveillaient encore la nuit… 

31 mai 2012

La majordome

Grâce à sa connaissance du chinois – appris à l’Institut des langues orientales – et aux cours reçus à l’International Butler Academy, elle était devenue « majordome » chez un riche chinois aux goûts étranges. Elle l’accompagnait du matin au soir, du moment où il mettait le pied sur sa descente de lit à 5000 euros, au soir où elle lui servait son doigt de porto sur un plateau en argent massif à 4900 euros.


Elle avait droit à une pause de deux heures dans la journée, au moment de sa sieste qu’il jugeait capitale. Le reste de la journée se passait en activités aussi diverses que : dresser des tables de 20 convives ou plus, acheter un polo rayé rose et blanc – et pas une autre couleur – ou trouver une compagne de jeux à cet « honorable » milliardaire qui avait un goût des plus exécrables.


Bien que le travail fût fatigant, elle restait. Il faut dire qu’il la payait 5000 euros par mois, nourrie et logée. Où aurait-elle pu espérer trouver un salaire aussi avantageux à 28 ans ? Certes pas dans l’enseignement.

30 mai 2012

L’autopsie

La veille, alors qu’elle se moquait de toutes ses maladies imaginaires, il lui répondit :
- Quand je serai mort, tu demanderas une autopsie et là, tu comprendras !

29 mai 2012

Le hang

Depuis que Hai lui avait fait écouter le hang, Hélène avait développé une addiction. Il lui fallait sa dose de hang chaque jour. Lui s’étonnait de cette passion ; Hélène lui avait paru si frivole avec ses minauderies et ses petites robes aussi légères que décolletées…


Deux semaines après l’avoir rencontré, elle lui avait demandé s’il pouvait lui donner des cours de hang. La perspective de lui enseigner les rudiments du hang ne lui était pas indifférente, mais Hai craignait que cette relation ne l’éloigne de la pratique de son instrument dont il aimait à faire résonner la surface en se léchant les doigts. Il se demandait d’ailleurs, en toute innocence, si Hélène ne voulait pas qu’il joue de son corps comme du hang…

28 mai 2012

La psychanalyse

Après avoir mûrement réfléchi, il avait décidé d’entreprendre une psychanalyse, juste pour arriver à en vouloir à ses parents. Vingt ans plus tard, il parlait toujours d'eux et n'arrivait pas à leur pardonner...

27 mai 2012

Le boudoir

Dans le petit boudoir de Mademoiselle, elle s’était souvent endormie de fatigue,  mais c’était il y a longtemps, quand elle jouait les chaperons, à la demande de sa mère.


Maintenant, elle a 17 ans et elle se tient très droite dans le petit boudoir de Mademoiselle, car Mademoiselle l’observe sous toutes les coutures et lui dit d’une voix cérémonieuse.


- Ma petite, l’heure est venue. Ne bouge pas ! et elle s’éclipse dans un envol de frou-frou étourdissant.


Elle aurait voulu l’interroger, mais Mademoiselle est pressée. Dix minutes plus tard, le visage radieux,  Mademoiselle pénètre dans le boudoir avec un homme - un lointain cousin précise-t-elle – puis elle  referme la porte sur eux.


Après un toussotement gêné, l’homme  rompt un silence devenu pesant.


- Mademoiselle m’a dit que Madame votre mère souhaitait vous voir mariée.


Elle, mariée ? Comment avait-on pu parler de son mariage et ne pas l’en aviser ? Elle regarde l’homme un peu rougeaud dont le col trop serré comprime la chair abondante du cou. Mon Dieu, comme il est gauche ! Et comme il est cocasse : chacune de ses inspirations semble menacer de faire sauter les boutons de son gilet guindé qui cache à grand peine un embonpoint préoccupant.


Contre toute attente, il s’approche d’elle. La jeune fille recule, surprise. Il lui prend la main. Elle la lui retire brutalement. Il s’approche à nouveau. Elle se retrouve immobilisée contre le mur du boudoir, du côté opposé à la porte. Ahanant, il  plaque alors son gros corps congestionné contre le sien, si délicat, et c’est à ce moment-là qu’elle  crie ; un cri  d'effroi qui  résonne de la cave au grenier.


Quand Mademoiselle arrive, elle découvre horrifiée l’homme raide mort, aux pieds de la jeune fille. Elle hurle :


- Jeanne, qu’avez-vous fait ? Qu’avez-vous fait mon dieu ?


Et la jeune fille répond calmement :


- J’ai crié Mademoiselle, voilà tout.


PS : texte écrit dans le cadre des impromptus littéraires

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