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Presquevoix...

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2 juin 2014

Le rêve

Il est de ces rêves filandreux* que l’on aimerait ne jamais avoir faits. Celui-ci notamment ; je ne vous le raconterai pas en détails, mais je me suis réveillée plus fatiguée que je ne m’étais couchée avec l’impression nauséabonde de ne pas savoir qui j’étais.

Et toute la journée le rêve m’a poursuivie ; au point que, interpellée à plusieurs reprises dans la rue par une connaissance, je ne me suis pas retournée. Forcément, je ne m’étais pas reconnue.

Je vous avouerais que le plus étrange, c’est que le rêve dure encore. Certes, je me suis résignée – comment pouvais-je faire autrement ? -  à être celle qui porte mon nom, mais je ne me reconnais toujours pas…

 

* expression empruntée au blog interférences.

31 mai 2014

Le coup du parapluie

symétrie

Ah, comme elle était gentille la petite mamie aux parapluies, avec sa mise en plis  dont les boucles aux reflets violets laissaient apparaître, çà et là, les plaques roses de son crâne. Tout le monde l’aimait, toujours un mot sympathique pour les uns ou pour les autres ; toujours un bonbon pour les enfants et un compliment pour les mamans. Qui aurait pu se douter de sa double vie ? Sauf qu’un jour, des lettres anonymes circulèrent. On l’accusait – mais était-ce vrai ? – de se servir de ses parapluies pour décocher les flèches empoisonnées qui décimaient les chats du quartier les uns après les autres. Combien en avait-elle tué ? Trente ? Quarante ?

Nul n’eut jamais la preuve de sa culpabilité, mais sa disparition  n’était-elle pas un aveu ?

PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

29 mai 2014

Un goût d'absurde

Quand je n’étais pas morte, j’étais comme vous, je me croyais immortelle. Vanité ! J’ai su il y a sept jours ce que mourir veux dire.

C’était mercredi dernier. Au moment où j'ai ouvert la porte de mon appartement, un homme m’a braqué son arme sous le nez ! Ni une ni deux, le type a tiré : une balle en plein cœur. Un vrai gâchis ; j’ai si mal utilisé mon cœur. Cette leçon de mort m’a donné une leçon de vie ; trop tard !

Le pire dans cette histoire, c’est qu’on m’a prise pour une autre. Ma vie a été aussi absurde que ma mort !

 

27 mai 2014

La rampe

Dans mon rêve il me répétait : « Il faut lâcher la rampe, lâcher la rampe tu comprends ! Mais putain, lâche-moi cette rampe ! » Je l’ai lâchée et je me suis réveillée en sueur. Il était cinq heures du matin. J’ai décidé de me lever.

Après un rapide passage dans la salle de bain, j’ai descendu l’escalier pour aller dans la cuisine. La rampe me tendait les bras, mais je me suis souvenue de ce qu’il me disait dans mon rêve et je n’ai pas tenu la rampe. J’ai dérapé sur  les deux livres posés sur la troisième marche - le seul moyen qu'il avait trouvé pour indiquer qu'elle était bancale et qu'on ne devait pas marcher dessus -  et j’ai roulé au bas de l’escalier.

Quand j’ai ouvert les yeux, il était près de moi. Mais qu’est-ce qui s’est passé ? m’a-t-il dit énervé, le visage ensommeillé. Après m’avoir écoutée,  il m’a sermoné : mais putain,  pourquoi tu as lâché cette foutue rampe ?

 

25 mai 2014

Le fauteuil

arrêtbusElle le détestait. Le jour où elle l’avait éventré et où ses veines de paille étaient apparues dans toute leur nudité, elle avait jubilé.  Elle aurait pu le garder ainsi, blessé - car après tout cette infirmité lui enlevait toute superbe - mais non, il lui rappelait trop de souvenirs. Un  soir elle avait vu rouge – le bourgogne avait sans doute trop coulé dans ses veines – et elle avait décidé de se séparer de lui. Après avoir descendu trois étages en ahanant, elle l'avait calé comme elle  avait pu dans sa voiture et l'avait transporté jusqu’ à un arrêt de bus loin du centre-ville.

Sans doute ferait-il les beaux jours des clients de la compagnie de bus locale…

 

 PS : photo prêtée par Patrick Cassagnes

23 mai 2014

Ah bon ?

Les voisins étaient atterrés : ah bon, il avait tué sa femme ? Mais pas ses enfants quand même ? Non, ce n’était pas possible, pas lui, ils n’y croyaient pas. Il était toujours si aimable  et il avait l’air si prévenant. Et puis  il allait  à la messe tous les dimanches…

21 mai 2014

Le faussaire

Depuis 15 jours ses idées étaient aspirées par un vide vertigineux et son fichier attendait toujours les brassées de mots qui auraient dû peupler son écran vierge. Face au désastre, il se résolut à " emprunter " . Il n’en était pas à ses premiers « emprunts », mais il préférait oublier ses larcins passés. Il aimait à se penser fécond – il avait trois livres à son actif -  alors que sa plume était sèche.

Il se disculpait aisément : les textes publiés par d’anonymes écrivants voués à la non-reconnaissance  n’étaient-ils pas la propriété de tous ? Et puis qui aurait pu savoir à quels cambriolages il se livrait devant l’écran de son ordinateur ?

Quand des phrases ou des paragraphes l’inspiraient au point de les vouloir voler, il opérait sur eux une légère opération chirurgicale et le tour était joué : tout texte n’était-il pas que réminiscences digérées d’autres textes ?

Parfois un doute l’étreignait - ne serait-il pas devenu faussaire ? – mais il le dissipait très vite. Son quatrième manuscrit commençait à prendre forme et il serait bientôt publié aux éditions Mistral…

 

19 mai 2014

La balance

Quand elle monta sur la balance – et il y avait au moins un an qu’elle ne se pesait plus de peur de voir s'afficher le nombre 70 – la balance  annonça aussitôt « erreur ».  Elle en resta abasourdie.  Etait-elle vraiment une erreur ? Certains signes le laissaient  à penser mais le voir ainsi écrit,  en lettres rouges, changeait la perspective…

17 mai 2014

Duo

Pour notre nouveau duo avec Caro, une chanson de Juliette, choisie par Caro. et voguent les mots...

Vous pouvez lire, ci-dessous, le texte de Caro ; quant au mien, il est sur son blog : les heuresdecoton.

 

Le tablier à carreaux

J’essuyais les verres quand ils sont rentrés dans le café. Jeunes et bien mis. Bruyants.

La brune retenait ses longs cheveux raides avec les lunettes de mouche à la mode. Elle s’est approchée et m’a demandé : « Un rhum pomme » Le s’il vous plaît était compris dans le texte. Je jetais un coup d’œil à l’horloge qui me faisait face. 18h10. Un peu jeune. Je haussais imperceptiblement les épaules, après tout le client est roi.

La brune se retourna et d’un geste embrassa toute la salle. « Très fifties » Je ne sais pas si elle comptait l’horloge, les clients et moi dans le tableau. Je hochai la tête. J’avais acheté le fond de Tante Grazie qui n’était ni ma tante ni italienne. Un peu par hasard et aussi parce que j’aimais la voir fabriquer les glaces maison puis les faire avec elle sur la fin de sa vie avec sa vieille sorbetière. Peut-être fifties. En tout cas, je l’avais remplacé, comme le juke-box, le frigo, le bar. On ne badine pas avec la réglementation.

La bande s’était répandue sur les deux tables du fond. Ça gloussait et ça jetait des regards en coin. Peut-être, se moquaient-ils de mes barrettes qui retenaient mes cheveux bruns, les désillusions et les passages des hommes qui s’étaient posées sur mes hanches et avaient alourdi mes seins. Ou la vue de mon tablier à carreaux en polyester.

J’ai servi un sorbet amaretto avec des marbrures de cerises griottes, apporté une épaisse part de gâteau aux pommes maison et un ristretto. J’ai compté les portions de tiramisu qui restaient, ça ferait juste. Je leur ai apporté leurs verres, avec tout le tralala, rebords recouverts d’un fin givre de sucre coloré, pailles, une cerise confite pour l’un, une tranche d’orange pour un autre, les couleurs qui se juxtaposent derrière le verre fin comme un coucher de soleil. Je fredonnais la chanson de Juliette. « C’est quoi ça ? Un vieux tube ? » J’ai haussé les épaules, si au moins ils avaient eu un peu d’humour.

Je suis allée au jukebox et j’ai choisi le numéro 318. J’ai juste monté un peu le volume et me suis retournée. Quand j’ai vu au bout de quelques minutes la tête qu’ils tiraient j’ai rigolé. J’ai croisé le regard du vieux Marcello qui se marrait lui aussi.

C’est vrai quoi, ici, c’est pas le Lutetia.

 

15 mai 2014

Les babouches

Elle était au restaurant avec un couple d’amis. Elle ne tarissait pas d'éloges sur son voyage au  Maroc : le soleil,  les plages, le golf, l’hôtel cinq étoiles, la piscine… Et puis elle a sorti de son sac un  ensemble ravissant acheté pour sa petite-fille, à Marrakech même.

C’est joli, a observé la femme qui lui faisait face, mais c’est fait  en Espagne.

-  Exact, a-t-elle répondu, mais tu ne voulais tout de même pas que je lui rapporte des babouches !

 

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