Voici notre Duo de juin avec Caro. La citation choisie par mes bons soins est la suivante :
"Je suis trop honnête pour être poli" Scutenaire
Hier vous avez lu le texte de Caro, aujourd’hui, voici le mien.
Ceux qui se pensent grands
C’est beau la politesse, et on aime ça chez les « grands » de ce monde. Moi, les grands de ce monde je n’en fais pas partie, je suis petit, socialement parlant, bien sûr.
La semaine dernière, chose exceptionnelle, je me suis retrouvé avec la « high class » dans un cocktail avec hommes politiques, journalistes, acteurs, écrivains et j’en passe. On m’y avait invité par erreur car je ne suis qu’un petit acteur de seconde zone.
C’est en ce lieu que j’ai parlé, pour la première fois de ma vie, à un « grand homme politique ». Bien sûr je ne vous donnerai pas son nom, je suis discret.
Vous vous demandez peut-être pourquoi il m’a adressé la parole à moi, le presque inconnu ? Eh bien pour une raison très simple : on me prend souvent pour un écrivain connu, très connu d’ailleurs, vous ne devinez pas lequel ? Réfléchissez et vous trouverez.
Ce président – ou plutôt ancien président - m’a dit qu’il avait lu mon dernier roman. Un roman que je n’avais bien sûr pas écrit, puisque je ne suis pas écrivain, mais que j’avais lu - comme un nombre incalculable d’autres romans - pour le plaisir de m’immerger dans des mondes qui ne sont pas le mien.
Dans la vie j’aime faire semblant, une qualité professionnelle ; alors j’ai joué au romancier. Mais cet homme était si fat, creux et narcissique qu’il m’a fallu être honnête. Comment écouter un monologue ennuyeux sans quitter le navire ?
Je lui ai donc dit ce que je pensais honnêtement et cela ne lui a pas plu. Pourquoi ? Parce que j'ai osé lui dire que mes sentiers littéraires étaient différents des siens. J’ai par ailleurs fait preuve d’ironie. Et ça, un ancien président ne le supporte pas, un ancien ministre non plus, d’ailleurs. Je m’en suis aperçu plus tard, lors d’une conversation avec M. Pillevin qui, lui, pense voyager en poésie alors que diantre, ces poèmes sont si ennuyeux.
Quand j’ai terminé, mon interlocuteur m’a dit.
- Monsieur vous êtes un gougeât.
Je lui ai répondu.
- Oui monsieur, gougeât et honnête, pour vous servir.
Et il a ajouté.
- Il vaut mieux être poli qu’honnête. D’ailleurs votre honnêteté suinte l’envie.
A-t-il raison ? me suis-je dit. Et pour éviter toute culpabilité j’ai ainsi conclu.
- Peut-être monsieur mais en ce qui me concerne, je limite les dégâts.
Il ne m’a pas répondu et a changé d’auditoire.
Oui, je suis trop honnête pour être poli, mais quelle jouissance de dire ce qu’on pense aux « grands » qui se croient si grands qu’ils en oublient aussi que, parfois, ils peuvent être petits.
PS : prochain texte mercredi 19 juin.