Une histoire
Le front appuyé contre la
vitre, elle regarde le monticule de neige qui s’est accumulé sur son balcon.
Elle l’estime à plus d’un mètre, elle ne pourra y accéder avant un certain
temps mais aime ce sentiment de cocon que cette masse blanche lui procure. Le
froid de la vitre lui fait du bien, comme une compresse sur son front brûlant,
une compresse pour apaiser les idées et les préoccupations qui se bousculent
dans sa tête.
Le vent provoque une soufflerie
qui balaye la neige si légère par ces températures glaciales. Avec le soleil
qui a pris la place des nuages en ce jour d’après-tempête, les flocons
traversant les rayons sont comme de la poussière d’or qui vole dans le ciel.
Elle regarde ces petites pépites et aimerait faire comme elles, s’envoler,
saluer d’une pirouette et disparaître, en laissant une impression de magie
derrière elle.
Un skieur de fond glisse sur le
trottoir, frayant sa trace dans la neige poudreuse non déblayée. Un chien noir
apparaît derrière lui, la queue panachée bien haute, trottant d’un pas joyeux.
A un moment donné, il se roule à terre, gigote, les quatre pattes en l’air,
visiblement heureux. Son maître suit, encapuchonné, les épaules voûtées, la
tête basse face au vent.
Elle serre son châle sur ses
épaules et retourne au salon. Son regard est attiré par cette enveloppe qui git
sur la table basse. Elle tourne autour, dans un tourbillon lent et calculé, son
regard toujours accroché à ce carré bleu qui l’attire et l’effraye à la fois.
Elle ne l’a pas encore ouverte cette lettre, elle en connaît l’écriture et l’expéditeur
mais elle hésite. Elle attend elle ne sait quoi se demandant si le doute et les
suppositions sont préférables à la connaissance. Elle l’effleure de sa main, la
saisit et la porte à son nez dans l’espoir de sentir les mots sans les lire. L’enveloppe
ne transmet qu’une odeur de poussière et, déçue, elle la repose sur la table et
s’en éloigne. Elle a le temps, elle a tout son temps. Elle retourne à la
fenêtre et écoute le silence que le manteau neigeux à favorisé.
La sonnette de la porte d’entrée
retentit, elle se retourne d’un mouvement sec mais reste clouée sur place.