Vous écrivez tous les jours, vous remplissez des pages et des pages virtuels, vous faites de la navigation côtière, au fil de vous, les personnages se mêlent et se démêlent, vous plongez au cœur de l’inconscient, vous vous lisez, vous vous relisez, vous posez des questions au narrateur, il vous répond, vous lui répondez… parfois des proches croient se reconnaître dans vos textes, vous souriez ; comme si votre imaginaire se limitait à eux !
Elle tombait toujours sur le même type d’homme, grand, brun, visage émacié, névrosé, il était temps de changer. Pour fêter son trentième anniversaire, elle choisit un homme rond, blond et joufflu. Mais l’avait-elle choisi ou avait-elle laissé faire sa névrose ? Au bout d’un mois, elle déchanta. Faire l’amour avec lui devenait une corvée, elle décida de rompre. Quand elle le lui dit, il ne cacha pas sa joie et lui avoua. - A la bonheur, moi aussi je commençais à m’ennuyer ; la chair devenait triste. Sa confession l’anéantit : comment avait-il pu se permettre ? La semaine qui suivit sa déclaration, elle mit tout son savoir-faire à le reconquérir, un défi. Quand elle le sentit suffisamment épris, elle put enfin lui dire triomphante. - Je te quitte, tu m’ennuies. Il ne s’en remit pas.
« J’aimerais être une
chanteuse » me ditma fille.
« Moi, une actrice » me dit sa copine. « Et ben moi, un
explorateur » poursuit mon fils.
Je les regarde et je souris.
Rêver à des carrières hors du commun, quoi de mieux à cet âge où la vie n’a pas
encore commencé à remplir ces petites têtes des soucis qu’il leur faudra
affronter plus tard. Mon fils me demande.
- Et toi maman, tu voulais être
quoi quand tu étais jeune ?
Etait jeune…Cela fait toujours un
peu mal quand je reçois ce genre de constatation mais une mère, peut-elle être
jeune pour ses enfants ? Je me souviens de cette fois où ma fille n’avait
pas voulu de moi pour une activité me jugeant à l’époque déjà trop vieille. Je
lui avais alors demandé quelle maman parmi celles présentes elle aurait aimé
avoir. Me montrant la mère d’une de ses copines, j’avais tiré un peu la tête en
constatant que ladite femme semblait avoir le même âge que moi mais son visage
était encadré de longs cheveux blonds alors que je porte court et brun. Syndrome
de Barbie ?
- Alors ?demande mon fils, me ramenant à la réalité du
moment.
- Je voulais devenir…avocate,
pour défendre mon père contre tous les méchants qui lui faisaient du mal.
- Parce que des gens embêtaient
Papi ?
- C’est ce que je croyais à l’époque
mais après j’ai compris que cela faisait partie de la vie de tous les jours,
que les gens, jeunes ou vieux, ont parfois, d’autres personnes qui leur causent
des soucis ou des ennuis.
- Et toi maman, tu en as eu des
gens qui t’embêtaient ?
Et là, comme un flash, je vois
remonter à la surface de mes souvenirs des visages, des lieux que je pensais
avoir enfouis et oubliés. Je visualise soudain cet homme, ce professeur dont
j’étais devenue la souffre-douleur, qui prenait un plaisir sadique à faire rire
le reste de la classe à mes dépens, qui disait que je parlais l’allemand comme
si j’avais une patate dans la bouche et qui, en m’imitant pour le plus grand
plaisir de mes camarades, fracassait ma confiance en moi et m’humiliait.
- Oui, j’en ai eu des personnes
qui m’ont fait du mal mais tu vois, Julien, je ne veux pas y penser car elles
n’en valent pas la peine.
Le téléphone sonne, je réponds et
quand je reviens au jardin, il n’y a plus personne, chacun est retourné à ses
occupations. Je reste seule avec le fantôme de ce professeur surgit du passé
comme un diable hors de sa boîte…je ne regrette rien même après toutes ces
années. En fait, il n’a eu que ce qu’il méritait, j’ai même réussi le crime
parfait et personne n’en a jamais rien su…c’était si « normal » que
même moi, j’avais oublié…
Les enfants, c’est un prolongement de soi ; voilà ce que je pensais avant d’avoir mon premier enfant. On ne m'y reprendra plus, j’ai compris : les enfants, ça ne prolonge rien du tout, bien au contraire ! Maintenant, j'évite de parler d'enfants. A chaque fois que j’ouvre la bouche on me reproche mon cynisme. Une mère est une sainte à ce qu’il paraît. Il y a deux jours, à une jeune femme enceinte qui me demandait ce que j'avais retiré de mon expérience de mère, j'ai susurré. " La maternité m'a fait mûrir", mais je n’ai pu m’empêcher de rajouter aussitôt “ une fois, mais pas deux ! ” Si elle a été choquée, elle n’en a rien montré. Le lendemain, la police frappait à ma porte et j’ai été emmenée en garde à vue. J’ai demandé pourquoi, mais on ne m’en a donné la raison que lorsque je suis arrivée au poste de police : propos subversifs, m’a-t-on dit. Je n’en croyais pas mes oreilles. - A quel sujet ? Ai-je demandé énervée. - La maternité. Ils m’ont relâchée douze heures plus tard, et ils m’ont dit que s’il y avait une prochaine fois, ce ne serait plus une simple garde à vue. J’ai compris que je devais partir…
Aujourd’hui je suis allée me faire couper les cheveux. La coiffeuse m’a demandé. - Vous faites quoi comme profession ? Je lui ai dit. - Et vous ? Elle n’a rien répondu. Je n’aime pas qu’on me parle quand on me coupe les cheveux.
Voici, traduit du portugais par mes bons soins, ce petit conte savoureux qui m’a été envoyé, mais dont je ne connais pas l’auteur. Vous en ferez je pense bon usage :
Dialogue entre un maître et son disciple.
- Maître, comment puis-je faire pour devenir sage ? - De bons choix, lui répondit-il - Mais comment faire de bons choix ? - L’expérience, lui répondit le maître. - Et comment acquérir l’expérience, maître ? - En faisant de mauvais choix.
Il n’arrêtait pas d’aboyer, l’odieux caniche, impossible de se concentrer sur Libération. Elle avait déjà fait une remarque à la propriétaire, une femme plissée et fardée jusqu’aux yeux, mais celle-ci l’avait vertement remise à sa place. Etait-elle la seule à être exaspérée par ce ridicule roquet au manteau rouge que sa maîtresse bichonnait comme un jeune amant ?
L’animal continuait à criailler de sa voix suraiguë, elle n’en pouvait plus. La propriétaire grattait amoureusement la tête des sa bestiole en murmurant de sa voix sucrée « doucement mon coco, doucement, on va bientôt sortir, calme-toi. »
Elle sentait bien, depuis quelques mois, qu’elle développait une inquiétante allergie aux chiens. Elle en avait d’ailleurs averti son médecin traitant mais il avait pris l’affaire à la légère.
- Ça passera, l’avait-il assurée. Le chien est l’avenir de l’homme, regardez autour de vous, vous aussi vous y viendrez !
Mais elle n’y venait pas. Elle regarda la vieille d’un air mauvais, tenta une dernière réplique, sans succès. Lorsque le caniche recommença à donner de la voix, pour un nouveau solo, elle ouvrit calmement son sac, en sortit un petit pistolet argenté et abattit la bête qui s’écroula sur le sol. Elle constata avec satisfaction qu’un seul coup avait suffi. Elle rangea tranquillement son arme et dit d’une voix forte.
- Une bonne chose de faite. Et estimez-vous heureuse que je n’en fasse pas des rillettes de votre caniche à la con ! En tout cas, en voilà un qui ne m’empêchera plus de lire le journal !
Puis elle se leva et sortit du café comme si de rien n’était. Personne ne s’interposa.