Au téléphone, je n’ai pas voulu le croire, pourtant je suis immédiatement parti chez lui. Quand j’ai frappé à sa porte il a tout de suite répondu :
- C’est qui ?
- C’est moi, Jean Marc ! Je viens parce que tu m’as dit que « la dinde était froide » !
- Je t’ouvre.
Il était blanc comme un linge, J’ai même cru qu’il allait faire un malaise.
- Elle est où ? lui ai-je demandé immédiatement.
- Au congélateur !
- Quoi ?
- Ben oui, où tu voulais que je la mette ?
Quand il a ouvert le congélateur - le grand qu’il avait acheté le mois dernier pour soi-disant mettre ses provisions pour le mois - elle était là, toute recroquevillée. Heureusement qu’elle ne faisait qu’un mètre cinquante et qu’elle était menue sinon il n’aurait pas pu la faire rentrer.
- Mais pourquoi ? Lui ai-je demandé atterré.
- Pourquoi ? Mais parce que ! Qu’est-ce que tu veux que je te dise ! Et puis ça lui apprendra !
Je me suis assis car je n’en croyais pas mes oreilles. Ça lui apprendrait quoi ? Il était devenu fou ! J’aurais dû le sermonner, lui dire que je ne pouvais pas cautionner ça, mais comment aurais-je pu, vu sa détresse ?
- Bon, m’a-t-il dit, qu’est-ce qu’on fait ?
- Va me chercher deux grands sacs en plastique et approche ta voiture de la porte d’entrée.
Il est parti sans demander son reste. Quand il est revenu, je lui ai demandé de m’aider à la sortir du congélateur. C’est à ce moment-là qu’il s’est effondré en sanglots :
- Je l’aimais moi, je l’aimais.
Je n’ai pu m’empêcher de lui dire en l’engueulant :
- Tu l’aimais, peut-être, mais ça t’a pas empêché de lui donner un coup de marteau où tu sais ! Alors maintenant, tu la boucles et tu portes.
Il a cru bon de conclure en disant :
- T’as jamais eu de cœur ! Tu sais pas ce que c’est d’aimer !
J’ai failli vomir mais je me suis retenu. Quand je pense que ce salaud essayait de se justifier ! En tout cas, la prochaine fois qu’il me présentera une copine, je lui rappelerai qu'il m'a donné son congélateur et qu'il n'a plus d'endroit où mettre ses dindes…
PS : texte écrit dans le cadre des "impromptus littéraires"