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Presquevoix...
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5 septembre 2023

L’instrument

Il était contrebassiste, son père était contrebassiste, son grand-père et son arrière-grand-père avaient été contrebassistes.  Un instrument que sa famille vénérait. Le seul problème : cette "maîtresse" l’obligeait à être considéré comme un hors-la-loi et elle lui coûtait cher. A chaque fois qu’il voyageait en train avec elle - les voitures avaient été banies de sa vie après un grave accident -  il le faisait la boule au ventre. Par deux fois les contrôleurs lui avaient fait payer une amende faramineuse car il n’avait pas le droit de voyager avec un instrument de plus de 1m30. Un « putain de merde vous vous foutez de ma gueule ! » lui avait échappé de la bouche ces deux fois-là, et l’amende avait failli être doublée. La troisième fois, il eut plus de chance. La contrôleuse avait elle-même un père contrebassiste et lui avait dit.

-           Motus et bouche cousue, un ? Mon père joue du même instrument que vous. Une fois, il a même été débarqué d’un train, vous vous rendez compte ! Bon voyage et bon concert à Orléans ; Que la contrebasse soit avec vous !

-          Merci. peut-être vous reverrai-je ?

-          Qui sait ? La SNCF nous fait beaucoup voyager en tant que contrôleur. Mais j'imagine que vous aussi, en tant que          contrebassiste !

-          Je suis sûr que nous nous reverrons. La contrebasse non plus ne vous oubliera pas.

Il regarda la jeune femme partir dans son uniforme sévère et il lui fit un dernier signe de la main.

PS : prochain texte, vendredi.

 

13 juin 2023

Les percus

L'année prochaine, c’est décidé, elle prendra des cours de percussions car la casserole est entrée dans sa vie ; non pour cuisiner – elle déteste ça – mais pour marquer le rythme. Elle ne peut plus s’en passer, c’est une seconde nature. Elle la prend même pour aller en ville et, sur le chemin qu’elle fait à pied, un petit rythme doux de jazz, de bossa ou de samba ainsi que des paroles courtes et discrètes lui permettent de faire connaître quelques éléments essentiels de ce qui serait, pour elle, une politique qui aurait du sens.

Elle se demande juste ce qu’elle répondra si un jour on lui demande de se taire et de ranger sa casserole  ?

PS : prochain texte, vendredi.

2 juin 2023

La coupe

20210824_210105Quand il est entré dans le salon, le coiffeur lui a demandé quelle coupe il voulait et il a répondu.

-          Une coupe énergétique, bien sûr.

-          Oui, mais encore.

Etonné, il a observé le coiffeur un instant – sa coupe était à l’opposé de ce qu’il souhaitait. Il a donc précisé.

-          Coupez court et le contraire de ce que vous avez.

-          Très bien.

Ce « très bien » l’a un peu inquiété, mais à l’âge qui était le sien, peu lui importait le résultat. Plus personne ne le regardait, à part les SDF à la recherche d’un euro ou d’un ticket repas.

Pendant la coupe – qui a duré 15 minutes – il a décidé de fermer les yeux et de penser à sa femme – partie avec un autre -  puis à sa mère – décédée -  puis à… et il s’est arrêté là car la coupe était terminée.

-          Vous pouvez ouvrir les yeux monsieur, a dit le coiffeur.

Il s’est observé sans prononcer un seul mot, se contentant de regarder le visage flasque qui était le sien. Une coupe affreuse pour un visage monstrueux, a-t-il pensé

-          Je vous dois combien ?

-          Vingt euros monsieur.

Après avoir payé, il a conclu.

-          Une coupe énergétique qui me donnerait presque envie de me couper la tête ! Bonne journée monsieur et un conseil, changez le nom de votre salon de coiffure.

 

PS : photo prise à Pont-Audemer, charmante ville de l’Eure. Prochain texte, mardi.

 

30 mai 2023

Le divorce

Tous les amis de l’ex-couple avaient reçu le même faire-part – « M. et Mme Delanoé sont heureux de vous inviter au vin d’honneur donné à l’occasion de leur divorce, le 21 septembre 2022 à 17 heures, au château des Trois Fontaines, 6 route des Epis, 27000 Gonfreville » - et tous avaient répondu présents. Comment ne pas répondre présent à un faire part de divorce, leur premier ? L’occasion était exceptionnelle. Mais comment faire d'une épreuve une fête ? Les Delanoé – lui était greffier, elle commerciale - étaient-ils devenus des artistes en la matière ? Que donnerait cette catharsis collective ? La question courait chez tous les invités. Quant aux Delanoé, ils avaient hâte d’en finir une bonne fois pour toute !

PS : prochain texte, vendredi.

23 mai 2023

débroussailler

Alors qu’ils attendaient le début du film « Antoinette dans les Cévennes », son mari avait dit en pliant son journal.

-          De nos jours, on vote plus, on fait barrage. Et puis, la bêtise a envahi le monde.

-          Tu crois qu’avant c’était différent ? S’était-elle contentée de répondre.

-          Je n’en sais rien.  Ce que je sais, par contre, c’est qu’on va droit dans le mur et ce mur s’appelle le mur du con.

Elle le regarda en souriant et se dit que cet homme aboyait pour être écouté, comme les chiens, et elle détestait les chiens. Parfois, quand elle réfléchissait – et elle essayait de réfléchir le moins possible afin de ne pas fatiguer son esprit – elle se disait qu’elle aimerait bien agresser certains types à la débroussailleuse car nombreux étaient ceux qui avient besoin d’ un nettoyage global, corps et cerveau compris. Bien sûr, ce n’était qu’un rêve, et elle en riait, le soir, avant de s’endormir, quand son mari était chez sa vieille maîtresse et qu’il imaginait – le naïf – qu’elle le croyait au bridge.

 PS : prochain texte vendredi.

 

2 avril 2023

Surdité

Julie était restée 45 minutes dans la salle d'attente de l’ORL avec sa mère qui souffrait d’une surdité particulière : une détestation des aigues et des graves qui déraillaient terriblement. L’ORL, que sa mère avait vu seule, lui avait demandé d’être attentive aux mots entendus et de les lui répéter. Elle fut surprise en découvrant que le neuvième mot était Phallus. Elle hésita à le répéter car, pensa-t-elle, était-il possible qu’un ORL propose un tel mot ? Mais n’écoutant que son courage et son grand âge – 90 ans – elle franchit le pas et lui répéta ce mot-là. L’ORL sourit et lui répondit que non, ce n’était pas du tout ce mot. Sa mère ajouta, souriante.

-          Je m’en doutais un peu, mais bon, j’ai osé. A mon âge, vous savez, on ose tout !

L’ORL conclut l’examen en soulignant qu’elle aurait dû aussi oser voir un ORL beaucoup plus tôt.

 

PS :  prochain texte, jeudi

30 mars 2023

Echanges

Elle avait trouvé sous sa porte le petit mot suivant.

« Merci de ne pas hurler lors de vos relations dites sexuelles ; ça empêche mon mari de dormir, et moi aussi. Votre voisine »

Et elle avait répondu.

« Si vous n’aimez pas les sexophonistes, moi je déteste les saxophonistes, comme votre mari, qui commencent à jouer à 9 h du matin et sont capables de jouer même en soirée ! D’ailleurs, il y a un air que je déteste particulièrement : Don’t leave me now, de Supertramp ! Et  vous savez pourquoi ? Parce que mon mari a mis 9 mois pour partir, et 9 mois, c’est long ! »

Elle n’avait jamais reçu de réponse, mais les rares fois où elles se croisaient dans les escaliers, elles se saluaient poliment et, parfois même, sa voisine souriait. Jusqu’au jour où celle-ci a frappé à sa porte afin de lui demander comment elle avait fait pour se séparer de son mari en neuf mois…

PS : prochain texte, dimanche prochain.

19 mars 2023

L’enfant

L’enfant, appuyé sur le rebord de la fenêtre, les yeux tournés vers le ciel,  écoutait sa mère parler et parler encore du collège où elle avait été convoquée. « Aucun travail », lui avait on dit.  Le professeur de français, lui, avait ajouté que l’enfant était rêveur et que parfois, le rêve…

A la fin du discours de sa mère, l'enfant avait presque eu envie de se jeter par la fenêtre, mais pour quoi faire s’il ne savait pas voler ? Il avait tout de même dit.

-          Moi, je suis le président des mots !

-          Tu te fiches de moi Rémi ? En tout cas, toi, tu m’en donnes des maux de tête. Je suis même obligée de prendre trois dolipranes alors que d’habitude, quand ça va pas, j’en prends qu’un !

L’enfant n’avait rien répondu. Il savait depuis longtemps, qu’au royaume des mots, ni sa mère, ni son père ne pouvaient entrer.

 

PS : prochain texte, mercredi.

14 février 2023

L’EHPAD

Tiens, lui a dit son père vendredi, quand elle est arrivée dans la chambre de l’EHPAD privé quatre étoiles où il résidait, 5, 4 % d’augmentation pour 2023 ! Elle a préféré ne pas commenter afin de ne pas accroitre son irritation, mais en arrivant chez elle, elle a écrit : « La malnutrition, meilleure arme pour la gloutonnerie des actionnaires ! » Oui, bientôt soufflerait le vent de la colère et elle passerait à l’action.

Mais, ce vendredi-là, elle avait tout de même réussi à sourire quand sa mère, parlant de la nourriture « de la cantine » - comme elle appelait le restaurant de cet EHPAD quatre étoiles - avait souligné.

-          J’ai dit à l’aide-soignante qu’à la campagne, dans le temps, on avait un cochon que l’on nourrissait avec les restes des repas. J’ai même ajouté qu’ici, ils pourraient en avoir trois, vu ce qui reste dans les assiettes !

Si sa mère se mettait de la partie, oui, on pourrait aller loin…

 

PS : prochain texte, vendredi.

18 janvier 2023

Un métier de chien

La dernière fois que la femme agressive au labrador noir était venue la voir, elle avait terminé la consultation vétérinaire en répétant tout bas « Pauvre bête, pauvre bête, pauvre bête… » Et, le soir, en rentrant chez elle, elle avait dit à son compagnon.

-          Quel métier de chien, il y a des maîtres qui leur mènent la vie dure à ces pauvres bêtes ! Ces maîtres débiles, j’aurais presque envie de les flinguer.

Lui n’avait pas répondu et elle avait continué.

-          C’est comme les parents, d’ailleurs, j’aurais envie de les flinguer quand ils mènent la vie dure à leurs enfants. C’est peut-être pour ça que je n’ai pas voulu d’enfants, ni de conjoint, j’ai trop souffert enfant.

Là, son épagneul avait répondu en aboyant, ce qui était rare.

-          Je comprends que tu aboies Syrus, mais tu sais moi, au moins, quand j’étais enfant, je pouvais parler alors que le pauvre labrador noir, lui, il ne peut rien dire à sa maîtresse sadique. Toi non plus d’ailleurs, mais toi et moi, c’est autre chose, non ?

Et l’épagneul était immédiatement venu s’allonger à ses pieds.

 

PS : prochain texte, samedi.

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