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Presquevoix...
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23 octobre 2008

L’encyclopédie ( texte de gballand )

- Les encyclopédies, c’est nul !

C’est ce qu’il lui avait déclaré quand elle lui avait dit  ce jour-là.

- Internet, niet ! Et tu sais très bien  pourquoi !

Il n’ouvrait jamais  une encyclopédie : trop lourde, écrit trop petit, pages trop fines… elle connaissait le discours de son fils par cœur, c’était un adepte de la secte du copier-coller ! Elle avait donc continué à vaquer à ses occupations comme si de rien n’était ; entamer  les hostilités n’aurait servi à rien !

- Ben je m’en fous, si j’ai un zéro ça sera de ta faute, y faudra pas te plaindre !

Il avait toujours su  quoi dire pour la faire rugir.

- Putain de merde, prends l’encyclopédie dans la bibliothèque je te dis, c’est pas difficile ça, non ? C’est ce que je faisais, moi, quand j’avais ton âge ! Je cherchais dans l’en-cy-clo-pé-die et j’en suis pas morte !

Pourquoi lui avait-elle dit « putain de merde » ? Ce n’était pas digne d’elle. Elle devait se reprendre, faire deux ou trois respirations ventrales et tout irait pour le mieux. Ensuite elle relaxerait ses épaules si tendues et elle pourrait peut-être lui adresser la parole sur un ton moins agressif.

Mais son fils ne l’entendait pas de cette oreille.

- Bon, c’est toi qui l’auras voulu, après faudra pas m’accuser ! Et il se planta devant la télévision.

Quand elle le vit avachi sur le canapé, la télécommande à la main,  elle hurla dans la cage d'escalier.

- MICHEL – EL- EL, occupe-toi de ton fils ou je fais un malheur !!!

22 octobre 2008

Le chiffre 6 ( texte de gballand )


- N'en mangez surtout pas,  c’est très mauvais !

C'est ce qu'il lui avait dit la première fois qu'elle l'avait vu au restaurant ; ils mangeaient à deux tables séparées, seuls l’un comme l’autre. Elle avait tout de suite aimé ses yeux noirs légèrement cernés, elle n’aurait pas dû. Il lui avait téléphoné le lendemain  et ils s’étaient donnés rendez-vous devant Notre Dame. Elle coucha avec lui le soir de son sixième rendez-vous – le six était son chiffre fétiche – dans un  hôtel tranquille du quartier St Germain : ce fut un fiasco ! Il la supplia de le revoir, « pour réparer », disait-il. Elle accepta. Ils se rencontrèrent deux,  trois,  quatre, cinq, six fois : le même néant.

Elle renonça à lui ; il ne pensa qu’à elle.

21 octobre 2008

Ma vraie voisine (texte de gballand)

Ma vraie voisine est sans doute pire que ma voisine fictive , c’est pour ça que je préférais ne pas en parler… Par contre, elles ont toutes les deux un point commun : elles parlent trop !

Souvent je me pose la question suivante : pour quoi parler quand on n’a rien à dire ? Et je me tais. Ma vraie voisine, elle, se demande plutôt : pour quoi se taire quand on n’a rien à dire : et elle parle ! Ma vraie voisine n’a pas peur des idées reçues, non, elle les charrie par brassées, par cageots, par tombereaux que dis-je, et elle les déverse d’un seul coup, à la figure de la première venue, moi en l’occurrence, quand elle me voit dans le jardin ou sur le balcon.

Justement, la semaine dernière, j’étais sur le balcon parce que je voulais  couper les branches de notre forsythia, mais mon mari est sorti comme un cinglé et m’a dit d’un ton brusque.

- Ne coupe rien  !
- Mais pourquoi ? Il repartirait mieux le forsythia.

Il m’a mis violemment les points sur les « I ».

- Ne coupe rien, je te dis ! Au moins, avec les branches, la voisine me voit pas quand je suis assis sur le balcon !!! J’ai bien le droit d’être tranquille chez moi, non ?

J’ai rangé mon sécateur. Le forsythia passe  après mon mari.

20 octobre 2008

Les genoux de Martine ( texte de gballand )

Avant hier, on attendait devant le théâtre pour voir une compagnie régionale quand Martine est arrivée, souriante et détendue. La vache,  qu’est-ce qu’elle a grossi Martine ! Enfin, ça, je l’ai gardé pour moi, forcément. Elle nous a parlé de son opération des genoux – les deux, parce qu’elle ne fait jamais les choses à moitié Martine !
Elle appréhendait sa visite chez le chirurgien ; elle croyait qu’il allait lui parler de sa « surcharge pondérale », mais en fait non, il ne lui en a même pas touché un mot ! Je me demande bien pourquoi, parce que ça saute aux yeux qu’elle est grosse, Martine !
En tout cas, Martine, elle était très contente de son chirurgien : gentil, prévenant, le gendre idéal ! Et psychologue en plus, parce que c’est bien le seul à avoir compris que le simple fait de parler de régimes, ça la faisait grossir, Martine !
De retour du théâtre, mon mari m’a dit sur le ton de la confidence : « Eh bien moi, j’aimerais pas être les genoux de Martine, qu’est-ce qu’ils doivent morfler ! ».

19 octobre 2008

La réponse ( texte de gballand )

- Quel était votre visage avant la naissance de vos parents… *?

Voilà ce qu’il m’a demandé quand il s’est assis en face de moi. C’était le soir et la rame de métro était déserte. Comme je ne répondais pas, il a penché son visage vers le mien en répétant la même question ; une sueur aigre a pénétré l’intérieur de mes narines m’obligeant instinctivement à reculer, mais mon dos a rapidement heurté le dossier du banc.

- Quel était votre visage avant la naissance de vos parents… ? A-t-il insisté.

Ses deux yeux gris étaient posés sur les miens et  attendaient une réponse comme si je pouvais  leur donner la clef de l’énigme d’une vie. J’avais remarqué qu’une cicatrice lui barrait la joue droite et que sa main gauche pianotait rapidement sur sa cuisse.

- Alors, a-t-il repris, vous n’êtes quand même pas idiote ?

Son pantalon était maculé de taches de graisse et je les voyais bizarrement s’agrandir au fur et à mesure que l’attente durait ; mon esprit semblait flotter dans ces espaces graisseux en m’interdisant toute pensée.

-  J’attends !

Je devais absolument lui trouver une réponse, n’importe quoi, pourvu qu’il disparaisse avec sa question. Je n’aimais ni ses cils trop blonds, ni la façon dont ses yeux s’enfonçaient dans les orbites en laissant des traînées noires et profondes.

- Eh bien - balbutiais-je – je crois que mon visage ne pouvait pas exister… parce que mes parents n’étaient pas nés.
Il s’énerva.
- Vous vous foutez de moi ! Vous voulez que je gobe cette réponse que le premier imbécile venu aurait pu me donner ? Cherchez autre chose !
Je l’ai regardé l’air ahurie. Il ne me restait plus que cinq stations avant République.
- Qu’est-ce que vous voulez que je vous réponde ? Je ne sais pas répondre aux énigmes !
- Débrouillez-vous, sinon vous ne sortirez pas d’ici ! Ajouta-t-il  menaçant.

Voilà, il l’avait dit, il voulait m’emprisonner dans les entrailles de sa question. De petites gouttes de sueur perlaient  le long de mon dos et ma gorge s’asséchait. Aucune expression sur son visage, il attendait sans bouger, ses mains devenues immobiles étaient placées à plat sur ses cuisses et, le haut de son buste légèrement incliné, il continuait à m’observer à travers ses cils presque blancs. Je m’étais habituée à l’odeur de sa sueur. A la Station Arts et Métiers, j’ai imperceptiblement approché mon visage du sien et, lorsque le métro a redémarré, je lui ai murmuré une réponse soufflée par  une voix inconnue qui depuis, vit en moi, sans que je n’aie encore pu identifier qui elle était.

- Avant la naissance de mes parents… j’avais le visage d’une page blanche quand la mer se retire.

Je suis sortie du métro d’un bond et j’ai couru jusqu’à chez moi. Une fois sur le palier, je me suis effondrée devant la porte de l’appartement sans avoir la force de chercher ma clef. C’est là que j’ai passé la nuit. Au petit matin, le corps endolori,  la question  m’a réveillée - « Quel était votre visage avant la naissance de vos parents ? » - et depuis, elle ne me quitte plus…

* citation de Koan zen

18 octobre 2008

La voisine ( texte de gballand )

Hier, j’étais sur le balcon, je prenais les derniers rayons du soleil et je ne l’ai même pas vue arriver. Qui ? Ma voisine. D’habitude, quand elle sort de chez elle, je rentre illico,  mais hier, elle est sortie sans crier gare et je n’ai pas eu le temps de me cacher. Comprenez-moi bien, si je rentre illico, c’est que ma voisine est un cas ! Ma voisine, c’est un peu comme une plante verte sauf que, non seulement elle s’est échappée de son pot… mais qu’en plus, elle parle ! 
Alors si jamais vous la voyez, un conseil, fuyez…

PS : cette voisine ne présente bien sûr aucune ressemblance avec ma « vraie » voisine.

17 octobre 2008

La voie de la simplicité* (texte de gballand )

Elle lui avait toujours dit « Tu vois, c’est simple ! ». Comme elle la détestait quand elle le lui disait ! La première fois que sa mère avait prononcé cette phrase, elle avait 10 ans, elle s’en souvenait parfaitement.

Vingt ans avaient passé, mais la phrase était restée : « Tu vois, c’est simple ! ». Souvent, elle avait eu envie de lui répondre « Je me fous de ce que tu vois ! », mais elle s’était toujours abstenue.

Tu vois, c’est simple, semblait la narguer sa mère qui, depuis la mort de son père, croquait la vie et ses jeunes amants à pleines dents.

Un jour de solitude, elle se confia imprudemment et celle-ci lui répondit.

- Arrête de penser que tu es la plus malheureuse, sors,  vois des amis, fais comme moi ! Tu vois, c’est simple !

Elle ne put s’empêcher de murmurer « Ce que je vois c’est que c’est toi qui tu aurais dû mourir d’abord, et pas lui ! ». Elle ne sut jamais ce que sa mère avait entendu, mais à partir de ce jour-là, rien ne fut plus comme avant.

* consigne d’écriture proposée par le site :  les impromptus littéraires

16 octobre 2008

La courbe de poids ( texte de gballand )

Il l’exaspérait à contrôler son poids  matin et  soir. Elle lui conseilla d’afficher sa courbe de poids dans le salon, mais il trouva l’idée de mauvais goût.
Son acharnement à « garder la ligne » la culpabilisait, elle qui ne savait  résister ni à un carré de chocolat ni à un apéritif. Plus son mari se montrait volontaire, plus elle se relâchait, le principe des vases communicants appliqué à la vie de couple.
Quand elle dépassa la barre des 80 kilos, elle décida de rajouter du sucre dans tous les plats qu’elle lui préparait. Il ne serait pas dit qu’elle grossirait seule !

15 octobre 2008

Jouer à être morte ( texte de gballand )

Etendue dans mon lit, je joue à être morte.* Non, ce n’est pas que je veuille mourir, mais je me demande à quoi ça ressemble la mort, je voudrais saisir le basculement, le moment où tout deviendra noir et le restera.
La dernière fois que j’ai joué à la morte, c’était il y a une semaine, et depuis ce jour-là, j’ai des angoisses. Il était 9 heures, il n’y avait personne dans la maison, juste moi. Je me suis allongée en laissant reposer mes mains sur mon ventre, comme d’habitude. J’ai fermé les yeux, j’ai respiré calmement pour attendre le moment où je pourrais me mettre en apnée et c’est là que le téléphone a sonné. J’étais décidée à attendre que ça s’arrête, mais ça ne s’arrêtait pas, alors je me suis levée rageusement et j’ai décroché en grognant un «  Allô ! » méchant. Personne n’a répondu. La deuxième fois j’ai presque hurlé « Allô ! » et là, j’ai entendu comme une voix d’outre-tombe qui m’a dit « Calmez-vous, maintenant vous avez tout votre temps, vous êtes morte. » J’ai balbutié un « Quoi, qu’est-ce que vous dites ? ». Et la voix a continué imperturbable « Vous avez l’éternité devant vous ! ». J’ai raccroché immédiatement. Je tremblais, j’avais la gorge nouée et je n’arrivais même plus à penser.
J’ai failli m’allonger à nouveau mais j’ai aussitôt changé d’avis. Il fallait que je parle à quelqu’un de toute urgence pour vérifier que j’étais bien  vivante. Comme une automate, j’ai sorti de l’armoire un vêtement que j’ai passé sur ma chemise de nuit, j’ai descendu les escaliers, j’ai mis les premières chaussures qui se trouvaient dans l’entrée, j’ai ouvert la porte et je suis sortie dans la rue comme une folle, même pas peignée, mon manteau enfilé à la va-vite. Puis, je me suis calmée et j’ai marché. Tout me semblait normal, mais figé. Il n’y avait ni voitures, ni piétons,  juste un homme, au loin. J’ai couru, mais à l’instant où j’allais le rattraper, il a disparu : où ? Je ne savais pas ! J’ai poursuivi ma marche dans les rues jusqu’à la préfecture. Je savais que là, il y avait toujours du monde. J’avais raison, un gardien se tenait devant l’entrée. En arrivant à sa hauteur, je lui ai demandé l’heure. J’ai dû lui répéter ma question – il semblait ne pas entendre – et là, il m’a regardée fixement et m’a répondu d’une voix neutre, comme l’aurait fait un robot.
- 9 h 30, madame, la préfecture est ouverte pour vos démarches.
J’ai failli l’embrasser, mais je ne l’ai pas fait, il n’aurait sans doute pas compris cet excès d’émotion. Je me suis contentée de le remercier chaleureusement et il m’a aussitôt dévisagée avec méfiance, mais peu m’importait, j’étais vivante, ou tout au moins, je le pensais.
Seulement, depuis ce jour-là, je regarde ma vie comme un animal apeuré…

* Cette phrase a été lue sur le blog de Coumarine, il y a fort longtemps. http://coumarine.canalblog.com/

14 octobre 2008

Plongée ( texte de gballand )

ampoulesIl ne  disait jamais à quoi il pensait ; la peur de passer pour fou. Il  gardait toutes ses impressions à l’intérieur de son crâne que la migraine colonisait de plus en plus souvent. Quand elle commençait à cogner contre les parois, il fermait les volets et s'enfermait dans sa chambre ; des heures à observer son cerveau de l’intérieur pour essayer d’oublier la douleur des aiguilles enfoncées à la vitesse d’un marteau piqueur. Il voyait de petites ampoules, puis des grosses, suspendues aux fils de sa mémoire et séparées par le vide. Tout était étrangement ordonné, presque lumineux, et au loin, il apercevait la nature, la sienne, celle dont il avait peur. Il avait toujours préféré  voir la vie derrière une cage en verre qui le protégeait des peaux et des mots du reste du monde ; cette cage, il en était presque fier, il se l’était construite à lui tout seul, à la seule force de ses peurs, et  maintenant, il était certain que jamais il n’en détruirait les murs.

* photo prise par C.V., à Porto, en juillet 2008, à la Fondation Serralves qui abrite des expositions d’art contemporain. En ce moment, on peut y voir une exposition sur le réalisateur portugais Manoel de Oliveira qui va fêter ses 100 ans.

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