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10 février 2013

Le trapèze

raph23Enervé, le professeur lui avait dit.


- Bon, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?


Elle n’avait rien répondu. Elle regardait alternativement le sol et l’horizon, mais elle ne se décidait toujours pas. Elle avait peur. Il le savait. Sans cesse il la rappelait à l’ordre, lui faisant des réflexions qu’il n’aurait certainement pas faites à d’autres ; la veille il l’avait même traitée, moqueur, « d’oiseau qui aurait perdu ses ailes ». Jamais elle ne lui répondait… sans doute parce que le professeur n’était autre que  son père.

 

PS : photo prêtée par R. B.

7 février 2013

Le cerf

IMG_8560En plaisantant, elle lui avait demandé s’il ne lui faisait pas penser à quelqu’un ?


-    Quoi, ce cerf ? Avait-il répondu.


Elle avait hoché de la tête en souriant. Il avait eu beau cherché, rien ne lui était venu à l’esprit et c’était bien normal : comment pouvait-on se voir en un cerf comme dans un miroir !


PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Marion. L.

27 janvier 2013

La corde

cordeCe jour-là il n’y avait pas un seul souffle de vent. Comme avant chaque entraînement, elle avait fixé à sa taille les longes de sécurité, puis elle s’était balancée sous le bleu du ciel. Il l’avait vue faire le tour du grand portique une fois, deux fois, trois fois, puis elle s’était envolée …

Depuis sa disparition, il s’était souvent demandé pourquoi et il n’avait trouvé qu’une seule réponse possible : elle préférait la liberté céleste aux contraintes terrestres.

 

PS : photo prêtée par RB.

20 janvier 2013

Les draps

IMG_0445Elle lui avait dit : «  Quand les draps seront à la fenêtre, je serai dans la maison ».
Dès qu’il les avait vus, il s’était précipité. Et toujours les mêmes questions l’attendait : « Tu me jures que tu m’aimeras toujours ? Tu me jures que tu ne me tromperas pas ? Tu me jures que tu viendras me retrouver ? » Et lui jurait toujours, il jurait sans savoir ce que jurer veut dire. Il n’avait fait que jurer toute sa vie et les filles avaient défilé, les unes après les autres. Elles attendaient toujours quelque chose qu’il ne pouvait pas donner, mais il s’en moquait. Il savait comment tirer de leur gosier fragile de petits cris extatiques qu’aucun mari de cette petite île perdue n’avait jamais obtenu. Il suffisait de les cueillir dans ses mains de peintres habitués à pétrir les couleurs et d’enfoncer en elle le doux nectar de l’amour.

 

PS : texte écrit à partir de cette photo de C. V. prise à Murano en Novembre 2012.

11 janvier 2013

Le routier US

P8031506Elle observait le camion jaune flambant neuf sur le parking, son sac à dos à ses pieds ;  vraiment un bel engin ! Dans l’aluminium de la carcasse du moteur, elle vit une silhouette se refléter. Elle se retourna. Un type à chemise à carreaux la regardait en souriant.


-  Do you like it ? Dit-il avec un accent texan à couper au couteau.


Dans un anglais un peu hésitant  elle lui dit qu’elle aimerait bien voyager dans cette bête-là. Le type lui demanda où elle allait. San Antonio, répondit-elle. Il répliqua.


-  OK, let’s go Frenchy.


Frenchy ! Elle n’aimait pas trop cette familiarité mais le type avait l’air sympa, certainement pas le genre serial killer. L’intérieur de son camion était très propre. Elle fut définitivement rassurée en voyant une photo de sa femme à l’avant, l’américaine type des séries télé, blonde aux yeux bleus,  avec la coiffure et le sourire qui vont avec.


-  Your wife ? dit-elle en la montrant du doigt.
-  My girlfriend, répondit-il et le ronronnement du moteur interrompit leur conversation.


Elle s’absorba dans la contemplation de la route. Cette sensation exquise d’être  maîtresse du monde en surplombant l’asphalte. Fatiguée de sa nuit précédente, trop courte à son gré, elle finit par s’endormir. Quand elle se réveilla, elle jeta un regard vers le conducteur. Il mâchait un chewin-gum et semblait absorbé par la route. Elle avait l’impression d’être dans un film.


-  Nice road, fit-elle en essayant de reprendre contenance.


Au moment où elle s’y attendait le moins, il lui demanda si elle avait un petit copain, qu’elle devait sûrement en avoir un, une belle fille comme elle – et il cligna de l’œil d’un air entendu - ne pouvait certainement pas être célibataire. Elle répondit immédiatement que oui et resta sur ses gardes. Il ajouta qu’aux Etats-Unis on était civilisé, qu’on ne sautait pas sur les touristes égarées sur les parkings, mais que parfois, lui, il regrettait d’être civilisé, et il partit d’un grand rire. Elle prit le parti d’en rire aussi et ils discutèrent de choses et d’autres. Avant d’arriver à San Antonio, il s’arrêta dans une station-service.


-  Sorry, I have to leave you here, my girl friend is  jealous* ! Et il lui fit un large sourire.


Le lendemain, elle apprenait qu’un routier roulant dans un camion jaune flambant neuf était recherché pour avoir tué une jeune femme aux alentours de San Antonio…


*Désolé, je dois vous laisser ici. Ma copine est  jalouse !

PS : photo prise par C. V. aux Etats-Unis en juillet 2010

27 décembre 2012

Le piment

IMG_0076Quand elle lui avait servi son plat exotique préféré, il en avait apprécié les couleurs. Il faut dire qu’il  était peintre. Il trouva le plat parfait, juste un peu trop épicé peut-être.  Elle crut bon de  lui dire que sa peinture, par contre, ne l’était pas assez. Il la somma de s’expliquer, ce quelle fit. Mais ses arguments, enfilés les uns à la suite des autres, eurent un fâcheux résultat : il se vexa, elle se cabra. C’était sans compter sur la vertu aphrodisiaque des épices qui donna à leur dispute de bien étranges couleurs…

 

PS : photo gentiment prêtée par C.P et prise à Venise en novembre 2012

8 décembre 2012

La robe de mariée

PT212069D’elle, il ne restait que cette robe de mariée posée sur un mannequin au bas des marches. C’est lui qui l’avait installée à cet endroit car cette robe, il l’avait choisie lui-même, 30 ans plus tôt. Depuis combien d’années était-elle morte ? 5 ans ? 10 ans ? Il avait oublié.


Le seul souvenir  qu’il lui restait d’elle - en dehors de la robe - c’était son sourire ce jour-là, et le mot qu’elle avait prononcé juste avant de mourir : «  merci »


Jamais il n’avait compris pourquoi elle l’avait remercié de l'avoir tuée, et il lui en voulait presque…

 

PS : texte écrit à partir de cette photo prise par C. V. à Lisbonne, en 2010, dans ce merveilleux hôtel.

4 décembre 2012

Piazza San Marco

PT302846Ils prenaient un café en terrasse, comme si de rien n’était. Les garçons avaient chaussé leurs bottes, le soleil faisait son appartition – les lunettes de soleil s’imposaient presque -  et la journée commençait presque bien...
Ils étaient dans un cadre idéal - un tableau de Canaletto mouillé par la lagune – mais l’ennui la guettait. Pourquoi était-elle parti avec lui alors qu’elle aurait voulu partir avec l’autre ?

PS : photo prise par C.V. à Venise en novembre 2012

30 novembre 2012

Le cimetière

IMG_0393Le vent était tel et les pluies si fortes que la ville était devenue un cimetière. Ils étaient partout, dans les postures les plus improbables, étalant leurs blessures et ravivant les siennes.
Les baleines tordues et les tissus déchirés hantaient ses nuits.
Ce samedi-là, quand elle est tombée sur lui, coincé entre un arbre et un poteau en bois, elle n’a pu faire autrement que de le ramasser afin de l’entreposer dans la cuisine,  près du radiateur. Là, il serait mieux...

PS : photo prise par C. P. à Venise en novembre 2012

26 novembre 2012

L’opéra

PT292761C’était elle qui faisait le ménage de la salle et de la scène. Certains pensaient qu’il n’y avait aucun mérite à faire le ménage, pourtant personne ne le faisait mieux qu’elle et avec autant de passion. Quand elle époussetait les dorures ou  passait l’aspirateur, elle ne pouvait s’empêcher de fredonner les airs d’opéra qu’elle écoutait à longueur de soirées dans sa chambre louée à prix modique dans le quartier “ Canareggio ”. Le morceau qu’elle préférait, c’était Vissi d’arte. Une telle délicatesse, comment était-ce possible ? Son ami se moquait d’elle : est-ce qu’une femme de ménage écoute de l’opéra ?

 

Mercredi dernier, en nettoyant la scène, elle s’en était donnée à coeur joie, chantant à pleins poumons un air de Carmen. Elle avait même esquissé quelques pas de danse et avait pensé : pourquoi pas moi ?

L’éclairagiste – qu'elle n'avait pas vu - lui avait crié de s’inscrire à un cours de chant. Elle lui avait répondu du tac au tac :  perché no ?


- Ma si, certo ! Avait-il enchaîné, Perché no !

PS : photo prise par C.V au théâtre de la Fenice en novembre 2012.

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