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24 mai 2015

Le lecteur

 

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La petite histoire disait qu’il avait commencé sa lecture de A la recherche du temps perdu en 1925, à l’âge de 20 ans, et que depuis il ne s’était jamais arrêté. Si l’auteur s’était épuisé à écrire son œuvre, lui s’était épuisé à lire et relire les tomes I, II, III et IV, cherchant certainement dans le déroulé de l’écriture majestueuse de Proust, la réponse à une énigme.

Cet homme avait plus lu que vécu et j’étais intimement persuadée qu’il connaissait mieux les personnages du roman qu’aucun de ses proches.

Vendredi, lors d’une promenade dans le parc du lycée, je l’ai trouvé assis au pied d’un arbre, l’œuvre de Proust à la main. C’était notre première rencontre. Comme il dormait, je n’ai pu le saluer et lui dire combien je l’admirais d’éprouver un tel amour pour une œuvre.

En me penchant sur la page à laquelle le roman est resté ouvert, j’ai remarqué qu’il avait souligné la phrase suivante : « En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. »*

Emue, je me suis éloignée à pas feutrés de peur de troubler la quête de cet homme ; sans doute était-il encore à la recherche de lui-même…

 

PS : photo prise par gballand dans le parc du lycée où les élèves d’art plastique essaiment leurs œuvres.

 *Le Temps retrouvé, Marcel Proust,

 

20 mai 2015

Hommage anthume

 

 

Imitation

En passant devant le mur, elle avait freiné et s’était dit : je vais faire du Patrick Cassagnes. Le résultat ne serait sans doute pas à la hauteur de ses espérances, mais ce petit clin d’œil au « maître en décrépitudes » l’amusait.

Devant le mur aux teintes douces, elle avait contemplé les lettres qui s’effaçaient peu à peu. Oui, les branches donnaient l’exacte sensation d’une nature qui reprend ses droits, reléguant  le désir d’emprise  dans la catégorie : « Vanité tout est vanité ».

Elle avait enfermé la photo dans la « boîte magique » et s’était remise en selle sur son fier destrier. Si le résultat n’était pas satisfaisant, elle pourrait toujours revenir sur les lieux du « crime » le lendemain matin, lumière oblige.

 

 

 

14 mai 2015

Le chemin bleu

caroleOn lui avait dit qu’elle ne pouvait pas le manquer, qu’on l’appelait le chemin bleu et qu’on le conseillait à celles et ceux atteints de mélancolie ; elle ne devait pas hésiter à le suivre ; ce qu’elle fit.

Elle aurait peut-être dû se méfier, suit-on des chemins indiqués par des inconnus, le cœur ouvert ?

Au premier pied posé, elle se sentit soulevée du sol. L’impression n’était pas désagréable. Elle continua à avancer, comme si deux ailes lui avaient poussé dans le dos. La bordure jaune devait servir de garde-fou ; se déplacer avec des ailes avait de quoi faire perdre la tête.

Combien de temps devrait-elle suivre le chemin ? On ne lui avait pas dit. Lui réservait-on une surprise ?

Le chemin n’en finissait pas, méandre après méandre : la forêt, les fleurs bleues et jaunes, les troncs lisses, le ciel, les nuages.

Elle arriva enfin.

Vous me direz sans doute : comment le sut-elle ? Et je vous répondrai très simplement : il n’y avait plus ni fleurs bleues ni fleurs jaunes, juste un large portail qu’elle ouvrit pour entrer dans un monde qui ne lui faisait plus peur.

 

PS : photo prêtée par Carole

8 mai 2015

Inspiration

cielAprès avoir jeté un coup d’œil satisfait à sa première photo de ciel,  elle lui dit.

-          Et pour atteindre le septième ciel, on fait comment ?

Il réfléchit un instant et répondit l’air inspiré.

-          Tu prends encore six photos comme ça, et c'est bon !

 

 

PS : photo prise par G.B.

4 mai 2015

La chevelure

20150416_142802Pourquoi avait-elle pris la photo de cette chevelure de branches dénudées ?

Sans doute parce que le sang des tulipes versé sur l’herbe lui rappelait un autre sang, celui de la méchante fée qu’elle avait fait disparaître au prix de mille subterfuges…

 

 

 

PS : photo prise par G.B.

 

10 avril 2015

Le sens de la vie

20150407_114729Il lui avait intimé « Ferme les yeux ! », et elle s’était laissée guider. Ils avaient marché 5 minutes main dans la main dans l’herbe encore humide et il lui avait dit : " Arrête-toi, mais garde les yeux fermés."

 Il la fit pivoter légèrement et lui murmura à l’oreille : " Tu peux les ouvrir ".  Elle sourit et toute mélancolie disparut de son visage ; maintenant, elle savait.

Vingt ans plus tard, le miracle opérait toujours. Quand elle fermait les yeux, les fleurs du magnolia se détachaient  sur le ciel bleu et elle entrevoyait le sens de la vie.

 

 

 PS : photo prise par Gballand.

27 mars 2015

La tête

20150322_142721Elle n’avait pas rêvé, juste au moment où elle allait prendre la photo une tête ensanglantée était apparue, à moitié cachée par la verdure. Elle en était d’autant plus sûre qu’une énorme main était passée au travers des barreaux pour jeter un papier qu’elle s’était empressée de ramasser. Elle l’avait déplié, fébrile. Un stylo mal assuré avait tracé ces mots  : « Sauvez-moi. On me retient là-haut depuis quinze jours. Je ne sais pas qui ils sont mais ils vont me tuer, ils me l’ont dit. »

Son amoureux piétinait, impatient ; lui détestait la photo et détestait attendre.

- Bon, on y va ? s’agaça-t-il.

- D'accord.

Et elle enfouit le papier dans sa poche avant de le rejoindre. De toute façon, il valait mieux ne rien lui dire, il ne la croirait pas. Il lui reprochait toujours d’inventer des histoires pour se rendre intéressante. Cette fois-ci, elle règlerait le problème toute seule…

 

PS : photo prise par Gballand, à Paris, passage Vivienne.

23 mars 2015

Si tu veux

20150322_142113Le premier lui avait dit : " Si tu veux je t’offrirai des bonbons, des fleurs et des oiseaux." Elle l’avait cru, mais ses bonbons étaient amers, ses fleurs se flétrissaient aussitôt disposées dans les vases et ses oiseaux – des bêtes voraces aux ailes noires – avaient déchiqueté son âme en lui volant son enfance.

Le deuxième aussi lui avait dit  « Si tu veux je t’offrirai… », mais elle l’avait interrompu en lui mettant un doigt sur la bouche. «  Je  veux juste que tu m’aimes. » Effrayé, il était parti sur le champ.

Maintenant, elle attendait le troisième : que lui dirait-il ?

 

PS : photo prise Gballand le 22/03/à Paris, dans le passage Vivienne.

11 mars 2015

L’anniversaire

20150305_100015Il lui avait dit : 58 ans, ça se fête ! Pourquoi, elle ne le savait pas, mais il en avait décidé ainsi. Et ils étaient partis dans la baie de Somme. Sur la digue, il lui avait ordonné.

-          Tiens, assieds-toi là, on va immortaliser.

Et elle s’était assise à l’endroit indiqué, pour immortaliser quoi au juste ? Elle n’en savait rien.

L’hôtel avait été méticuleusement choisi, le restaurant aussi ; une mise en scène finement orchestrée pour parfaire une chute qu'elle n'aurait pas même imaginée,  pourtant elle écrivait des histoires depuis plus de 20 ans.

Avant de la faire passer du statut d’être de chair et d’os à celui de personnage, il avait eu la courtoisie de lui expliquer :  Maintenant que ma nouvelle est achevée, tu dois mourir, désolé. Sois bien sûr que je te regretterai.

Et il la tua avec tact.

 PS : photo de G. B.  prise par C.V. le jeudi 5 mars 2015, à St Valéry sur Somme

21 février 2015

Le corps

20150102_145429Quand il avait vu le corps allongé sur les feuilles, son œil de peintre avait tout d’abord remarqué l’harmonie des couleurs ; l’instant d’ après il avait paniqué. Que faisait-elle là ? Etait-elle morte ? Certainement. Ce n’était nullement l’époque pour une sieste en pleine nature ; la température extérieure atteignait à peine quatre degrés.

Il décida de passer son chemin. Ne pas s’impliquer et prendre ses distances, comme à l’accoutumé.

Le lendemain matin, en prenant son café au bar des fleurs, ses yeux tombèrent sur le gros titre et la photo de Paris Normandie : « le corps d’une femme retrouvée dans la forêt du Rouvray ». Il avala sa gorgée de travers. Etait-elle encore vivante quand il l’avait vue ? Il se persuada que non.

En rentrant chez lui, il installa son chevalet, sa toile, ses pinceaux et il se mit au travail. Des teintes roses et marrons surgirent, deux troncs d’arbres émergèrent et sur le lit de feuilles mortes, le corps, allongé de tout son long…

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