Il était 20 h, la nuit était tombée. Elle marchait dans les rues de Venise en chantonnant « Que c’est triste Venise au temps des amours mortes » quand elle vit de jolies loupiottes accrochées aux grilles d’un jardin qu’elle avait à peine remarqué de jour. Elle s’arrêta pour observer les motifs dessinés par la lumière. Sans doute n’avait-elle pas arrêté de chantonner car quelqu’un derrière elle siffla la même ritournelle.
Elle se retourna et vit un type sans âge, en tongs, le cheveu hirsute et en retard de mille douches. Il lui dit ironique.
- Ouais, c’est triste Venise, c’est sûr, surtout quand on n’a pas de fric ! T’as pas cinq euros ?
Cinq euros ? Mais pourquoi s’adressait-il à elle alors qu’autour il y avait des gens partout ? Elle le détesta de l’obliger à se décider en un clin d’œil : donne, donne pas, et si je donne, je donne quoi ?
Elle fouilla dans ses poches, mais non, rien. Elle devrait ouvrir son sac. Lui, observait son manège d’un air amusé et il chantonna :
Que c´est triste Venise
Le soir sur la lagune
Quand on cherche une main
Que l´on ne vous tend pas
Contre toute attente elle lui dit.
- Ecoutez, si vous voulez, je vous invite à manger quelque chose. Tenez, là-bas par exemple, dit-elle en pointant la terrasse du café Rosso.
Le type acquiesça, et le couple improbable s’éloigna…
PS : photo prise par CV, à Venise, en novembre 2012.