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Presquevoix...

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21 février 2023

Constipation

A chaque fois qu’elles parlaient de leurs problèmes de santé – et c’était de plus en plus fréquent car elles avaient dépassé les soixante ans  – Marianne parlait de sa constipation. Ses deux amies souriaient et évoquaient en général différents « trucs » pour soulager ce « mal » qui était entré en elle.

Jusqu’au jour où est arrivée une troisième amie – Anne  - qui ne faisait pas partie du groupe mais qui avait été amenée par Catherine. Cette fois-là, quand Marianne a évoqué cette constipation fréquente, Anne, n’écoutant que la  psychologue clinicienne qu’elle avait été dans une vie antérieure, lui a dit.

-          Être constipée, c’est un peu comme ne rien céder, ne rien lâcher, non ?

Cette phrase a laissé un long silence jusqu’au moment ou Marianne a dit en souriant, après avoir fixé Anne dans les yeux.

-          Anne ma sœur Anne ne vois-tu rien venir ?

Et Anne a répondu astucieusement.

-          Je vois que le muscle de ton cerveau se relâchera et que tes intestins s’ouvriront ! J’espère que tu ne m’en veux pas, hein ? Défaut professionnel, comme on dit.

Et Marianne a répondu.

-          Chacun ses défauts, moi j’étais prof de littérature, alors je te dirais « Toute littérature est assaut contre la frontière.”, comme la psychologie, non ? Cette phrase est de Kafka.

Et Catherine – l’amoureuse des mots et de l’humour a conclu.

-          Bon, les filles, je vous propose bientôt une soirée sangria à volonté, car quand le vin est tiré, les esprits s’affutent, les mots fusent. Sachez que la lie, elle-même, peut créer des liens. Certains disent que le vin a un effet constipant, moi je dirais plutôt qu’il a  un effet lubrifiant, une sorte de vaseline cérébrale non ?

Rendez-vous avait donc été pris pour le mercredi soir à 19 h 30 chez Catherine. Une soirée sangria où le sang de la vie coulerait à flots !

PS : prochain texte, samedi.

 

17 février 2023

Les bouchons

Son ami était du genre vulgaire, voire grossier – disaient certains -   et tout un chacun s’étonnait que lui, l’intellectuel, maintienne une relation avec ce lointain copain d’enfance. Il répondait simplement que cet ami lui changeait les idées. Deux mondes différents, deux façons de voir la réalité, une vie de couple pour son ami et le vide abyssal pour lui ; raison pour laquelle, un soir, au bar à vin, son ami d’enfance lui a demandé.

-          Alors, qu’est-ce que tu te tapes en ce moment ?

Et curieusement, il lui avait répondu.

-          Des bouchons.

-          Merde, tu es devenu le roi de la picole ?

-          Pas encore mais ça va venir, qui sait ? Non, je parlais des embouteillages tous les matins pour aller au boulot. Je me demande si je ne vais pas y aller à vélo malgré les sept kilomètres.

-          Tu me rassures. En tout cas, pour la picole, pense à moi. Ah, et pour les femmes, je connais une fille qui pourrait te plaire.

-          Raconte.

-          La copine de la copine de ma femme. Pas ton genre, c’est vrai, mais bon, pas moche et peut-être qu’elle te déboucherait ce que tu sais.

-          Son travail ?

-          Coiffeuse.

-          Bon, pourquoi pas. Tu me diras, chauve comme je suis, la pauvre… Quel âge ?

-          Le tien ou presque : 40 ans.

-          Parfait.

-          Des enfants ?

-          Non, stérile.

-          Encore mieux.

-          Ah bon, pourquoi ?

-          Pas mon genre les gamins. Ceux de l’université me suffisent.

-          Des adultes, non ?

-          Certes, mais ils n’ont pas encore franchi le cap de l’enfance parfois. Toi non plus, d’ailleurs !

-          Ouais, mais moi j’en ai un de môme.

-          Et alors ?

-          Alors rien.

Puis son ami d’enfance avait curieusement conclu la conversation en lui disant.

-          Oublie-toi toi-même et tes burnes pourront sortir de l’urne où elles sont enfermées !

Il s’était demandé comment son ami avait pu le mener, non sur la voie du saint Esprit, mais sur celle de sa frustration intérieure ! Oui, s’était-il dit le soir en mettant sa liseuse sur sa table de chevet : « Ce connard est sacrément fort. Il a raison, plutôt une coiffeuse qu’une liseuse ! »

 

PS : prochain texte, mardi.

14 février 2023

L’EHPAD

Tiens, lui a dit son père vendredi, quand elle est arrivée dans la chambre de l’EHPAD privé quatre étoiles où il résidait, 5, 4 % d’augmentation pour 2023 ! Elle a préféré ne pas commenter afin de ne pas accroitre son irritation, mais en arrivant chez elle, elle a écrit : « La malnutrition, meilleure arme pour la gloutonnerie des actionnaires ! » Oui, bientôt soufflerait le vent de la colère et elle passerait à l’action.

Mais, ce vendredi-là, elle avait tout de même réussi à sourire quand sa mère, parlant de la nourriture « de la cantine » - comme elle appelait le restaurant de cet EHPAD quatre étoiles - avait souligné.

-          J’ai dit à l’aide-soignante qu’à la campagne, dans le temps, on avait un cochon que l’on nourrissait avec les restes des repas. J’ai même ajouté qu’ici, ils pourraient en avoir trois, vu ce qui reste dans les assiettes !

Si sa mère se mettait de la partie, oui, on pourrait aller loin…

 

PS : prochain texte, vendredi.

10 février 2023

L’HP

Tous deux s’étaient rencontrés à l’hôpital psychiatrique pour des raisons qu’ils disaient ignorer. Elle y était depuis un mois, lui deux. Parfois ils discutaient, rarement, mais tout de même plus souvent que l’ensemble des malades qui vivaient au même étage qu’eux. La veille, il lui avait dit.

-          Bientôt le Carnaval, pourquoi tu ne mets pas un costume de nonne pour t’élever vers Dieu ?

-          J’attends mon casse-croûte médical, alors j’ai pas le temps.

-          AH AH AH, t’es drôle. Tu les mets où tes blagues ?

-          Dans un tiroir à bordel. T’en as un, toi ?

-          J’en avais un, avant, et c’est pour ça qu’on m’a mis à l’hôpital quatre étoiles.

-          T’y mettais quoi dans ce tiroir ? Des blagues aussi ?

-          Non, mes trous noirs.

-          Etrange ça, non ?  Moi, j’ai pas de trous noirs, mais parfois, je suis tellement pareille à moi-même que je me mélange trop et ça me fatigue.

Soudain, une voix grave a résonné au bout du couloir.

-          Solène, c’est l’heure de ta consultation, tu viens

Jérémy a répondu.

-          Tu vois, il va te donner la solution, lui, mais pas la solution finale j’espère.

-          AH, Ah, Ah. Toi t’es pas drôle, t’es cynique et tu me fous le bourdon.

Puis Solène est partie lentement. Le psychiatre l’attendait à la porte. Il l’a regardée en souriant puis lui a dit.

-          Bonjour Solène, entre. Comment tu vas ?

-          Je vais sur deux ondes et il y en a une qui n’est pas bonne du tout.

-          Assieds-toi, je t’en prie, et, si tu veux, tu peux en parler de cette onde qui n'est pas bonne…

 

PS : prochain texte,  mardi.

 

5 février 2023

L’histoire des bas

Quand l’été venait, elle se plaignait toujours qu’elle avait mal aux jambes. Son leitmotiv était exactement.

-          J’ai les jambes lourdes.

-          Mets des bas de contention, disait alors son conjoint, énervé.

Elle ne répondait rien à cette remarque. Les bas de contention, comme il les appelait lui donnait une silhouette de personne âgée ; certes, elle avait soixante ans, mais elle se disait qu’elle ne les faisait pas.

Jusqu’au jour où elle lui a répondu en essayant l’humour, qui jusque-là était un territoire que ni elle ni son conjoint n’arpentait.

-          Non, je ne vais pas mettre des bas de contention mais toi, tu devrais peut-être mettre des bas de contentement, et ça, ça changerait notre vie.

A ce moment-là, ils étaient à table et son mari finissait son plat de viande. Soudain, il s’est mis à tousser. S’étranglait-il ?  Elle n’a rien dit, n’a rien fait mais a fini par penser que sa dernière heure était peut-être arrivée.  C’est à ce moment que sa fille est arrivée dans la cuisine et a dit, terrifiée.

-          Mais maman, tu ne fais rien ?

-          Mais non, il n’y a plus rien à faire puisqu’il tousse.

C’est dans le camion des pompiers que son mari est mort. Lorsqu’on lui a annoncé son décès, elle s’est tout de même demandée si l’histoire des bas n’avait pas joué un rôle important. Finalement, a-telle conclu, peut-être qu’il avait raison et que ses bas m’iraient comme un gant.

PS : prochain texte, vendredi.

31 janvier 2023

La SNCF

Vendredi, voyage en train vers Paris. A l’allée pas de problème particuliers – mis à part ceux liés au passage des contrôleurs. Et, je me permets de rêver d’un pays où les billets seraient gratuits. Evidemment, avec la mise en place de la privatisation progressive des services publics, cela ne risque pas d’arriver.

Ensuite, retour en fin d’après-midi et, le trajet en train s’avère problématique. J’arrive à sauter dans le train de 17 h 12. Parfait. Mais, en arrivant à la gare de Mantes la Jolie, le « chef contrôleur » nous signale que nous ne partirons pas en raison d’actes de vandalisme commis à Oissel par des « jeunes ».  Donc, il faut que des techniciens se déplacent pour vérifier les voies et le matériel sur ces voies. Dix minutes plus tard, on nous propose de nous dégourdir les jambes sur le quai, ce que je ne fais pas, en continuant ma lecture. Un certain fatalisme semble régner chez les voyageurs qui se contentent, sans colère aucune, de prendre leur téléphone pour signaler les retards. Environ 10 minutes plus tard, ceux qui sont descendus sont appelés à remonter dans le train. J’espère d’ailleurs que tout le monde a entendu l’appel, sinon, ceux qui ne sont pas remontés risquent fort de se suicider sur les voies – par désespoir - et de bloquer les trains qui nous suivent. Excusez ce cynisme.

5 minutes après on nous dit que le train va partir et, le contrôleur souligne que nous irons au moins jusqu’à Vernon. Arrivés à Vernon, il nous est précisé que nous resterons en gare car le personnel de service n’est toujours pas arrivé à Oissel – est-il déjà parti en week-end ? -  donc, nous ne pouvons partir pour Gaillon. On nous encourage à nouveau à nous dégourdir les jambes sur le quai.  Je remarque qu’à la SNCF, on pense beaucoup aux personnes qui ont les jambes lourdes, et j’en suis presque émue, mais les autres, y pense-t-on ?

10 minutes plus tard, le contrôleur conseille aux voyageurs de remonter dans le train et, avec un humour léger, souligne que nous atteindrons bientôt Oissel.

Durant le trajet Gaillon – Oissel – Rouen, je me suis demandée si je n’allais pas écrire au Directeur de la SNCF afin de lui souligner que la SNCF pourrait diminuer les tarifs d’abonnement des habitués du Paris-Rouen, mais aussi, leur fournir gratuitement des antidépresseurs lors de l’abonnement, étant donné les problèmes fréquents sur cette ligne. Pour les non-habitués, un remboursement du prix de transport suffirait sans doute.

Oui, le sigle de la SNCF n’a pas changé, mais pour moi, maintenant, la SNCF est devenue le Supplice National des Chemins de fer français !

 

PS : prochain texte, dimanche

26 janvier 2023

Vulnérables

 Après avoir été puéricultrice pendant deux ans, elle travaillait dans un EHPAD privé, le week-end, en tant qu’aide-soignante. Au départ, elle avait cru que passer du premier âge au quatrième âge ce serait moins fatigant, surtout deux heures par semaine ; grave erreur !

Les Vulnérables, disaient-ils sur les ondes depuis le premier confinement. Il faut protéger  les vulnérables, s’occuper d’eux, être attentifs, bienveillants, les écouter.

Mais le discours ambiant était si loin de ce qu’elle vivait le week-end à l'EHPAD qu’elle en riait au travail, parfois.

-          Ouais, avait-elle dit à Amina, sa collègue aide-soignante, je crois que les vulnérables on s’en fout, non ? On leur crie dans les oreilles parce qu’on pense qu’ils sont tous sourds, on attend pour répondre à leurs appels, parce que de toute façon, ils ont bien le temps d’attendre, on fait semblant qu’on a compris ce qu’ils disent mais on ne répond pas à leurs questions par manque de temps et en plus, ici, on leur fait payer le prix fort !

Amina avait juste répondu.

-          T’exagères. Moi je suis pas comme ça.

-          Peut-être. Tu vois, Monsieur Duval il me dit souvent « Au moins vous, vous ne me parlez pas comme si j’étais sourd comme un pot ! »

-          Quand on n’a pas le temps on n’a pas le temps, avait conclu Amina, c’est pour ça qu’on parle fort.

-          Tu me diras qu’il faut avoir de la patience avec les personnes âgées, c’est vrai. Regarde Madame Dumont par exemple, elle te parle d’un truc insignifiant et elle le dilue à l’infini.

-          Je comprends pas ce que tu veux dire.

-          Je veux dire qu’elle répète toujours la même chose et la même chose.

-          Ça, c’est vrai. Bon, j’y vais.

 Et elle était partie dans la chambre de Madame Ronchon – son surnom – pour lui faire sa toilette en vitesse, alors qu’elle, elle était partie chez Madame Malan, pour voir si elle avait besoin d’aide pour la douche. En même temps qu’elle marchait jusqu’à la chambre 27 qui se trouvait au bout du couloir elle répétait : « Des EHPAD médicalisés, mon cul oui, pas de médecin le jour, et la nuit, pas d’infirmière, que des aide- soignantes et on écrit que c’est médicalisé ! Je me demande vraiment si on ne se fiche pas des vulnérables ! ». C’est à ce moment-là qu’elle avait rencontré Madame Dumont qui faisait chaque matin trois aller et retour le long du couloir pour faire travailler ses jambes. Après le « Comment-allez-vous » traditionnel, celle-ci lui a répondu.

-          Je vais mal, comment je pourrais aller bien avec tous ces vieux dans des fauteuils roulants. D’ailleurs je suis sûre que Monsieur Paul est mort. Je le vois plus.

-          Pourquoi voulez-vous qu’il soit mort.

-          Parce qu’ici, on  nous parle pas des morts.

-          Peut-être mais bon, c’est pas une raison pour tous les croire morts, hein, avait -elle conclu en souriant. Je vous assure qu’il est vivant Monsieur Paul. Allez frapper à la porte de sa chambre et vous verrez.

Madame Dumont avait continué sa marche, et elle, elle était partie voir Madame Malan tout en se disant qu’elle ne resterait pas plus d’un an dans cet EHPAD. Trop dur et trop déprimant de s’accrocher un sourire à chaque étage tous les week-ends. Par ailleurs, elle se demandait si elle-même ne devenait pas sourde, à force...

 

PS : prochain texte, mardi.

 

21 janvier 2023

Le ministre

Le nouveau ministre de l’Education Nationale avait eu une idée étonnante, mais combien intéressante, disaient certains parents d’élèves : faire entrer dans les classes dites difficiles des chiens d’accompagnement scolaire pour les élèves en décrochage.

Ces chiens – spécialement dressés – étaient censés, par leur présence, apaiser les élèves et contribuer à leurs apprentissages. Car, disait le ministre, si les élèves sont agités les chiens vont l’être aussi, donc cela obligera les élèves à ne pas l’être.

Il faut dire que le ministre, avant d’être ministre, avait élevé dans sa propriété – en dehors de son activité professionnelle qui l’avait mené dans les hautes sphères de l’administration - une meute de chiens.

Le corps enseignant avait réagi immédiatement par nombre de remarques acerbes. Sur twitter, des professeurs étaient intervenus en disant :

« Et pourquoi pas un Rottweiler derrière chaque élève en décrochage ? » -  « A quand un ministre de race canine ? » - « Oui aux profs bouledogues qui favorisent les apprentissages » - « Aboyer plutôt que parler améliore la compréhension des élèves » « Aboyer ou l’écoute active en cours » - « Je m’épanouie en aboyant en cours » etc. etc.

Suite aux réactions des enseignants, le ministre avait rapidement abandonné cette « saine » innovation tout en disant à son fidèle collaborateur : « les enseignants se plaignent, les parents se plaignent, les inspecteurs font grise mine ; franchement, quand je travaillais avec ma meute de chiens, les choses étaient beaucoup plus simples ! »

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

 

18 janvier 2023

Un métier de chien

La dernière fois que la femme agressive au labrador noir était venue la voir, elle avait terminé la consultation vétérinaire en répétant tout bas « Pauvre bête, pauvre bête, pauvre bête… » Et, le soir, en rentrant chez elle, elle avait dit à son compagnon.

-          Quel métier de chien, il y a des maîtres qui leur mènent la vie dure à ces pauvres bêtes ! Ces maîtres débiles, j’aurais presque envie de les flinguer.

Lui n’avait pas répondu et elle avait continué.

-          C’est comme les parents, d’ailleurs, j’aurais envie de les flinguer quand ils mènent la vie dure à leurs enfants. C’est peut-être pour ça que je n’ai pas voulu d’enfants, ni de conjoint, j’ai trop souffert enfant.

Là, son épagneul avait répondu en aboyant, ce qui était rare.

-          Je comprends que tu aboies Syrus, mais tu sais moi, au moins, quand j’étais enfant, je pouvais parler alors que le pauvre labrador noir, lui, il ne peut rien dire à sa maîtresse sadique. Toi non plus d’ailleurs, mais toi et moi, c’est autre chose, non ?

Et l’épagneul était immédiatement venu s’allonger à ses pieds.

 

PS : prochain texte, samedi.

14 janvier 2023

Le contrôleur

Mathieu Lemaire était contrôleur à la SNCF. Il dormait peu car il découchait souvent en raison de son poste de travail sur les TGV grandes distances. Sa femme s’en plaignait parfois en souriant et il lui répondait.

-          Si je découche, plains-toi à la SNCF.

-          La SNCF a bon dos, disait-elle, mais dès demain j’appelle le directeur.

-          Si tu l’as au téléphone, tu auras de la chance. Nous, on le voit pas, on l’entend pas. On se demande même s’il existe ce crétin !

Sa vie sociale s’effritait petit à petit et ses amis l’oubliaient. Restait sa femme.

Avant d’être contrôleur, il avait été professeur des écoles remplaçant. Il avait vite arrêté, les enfants l’insupportaient. Mais, au bout de douze mois à la SNCF, les voyageurs aussi l’insupportaient. Souvent il parlait d’eux en disant les RFI : Râleurs, Fraudeurs, Insatisfaits. Parfois, il rêvait d’une autre vie, une vie qui aurait un sens, une vie où il aurait l’impression d’être utile. Quand il en parlait à sa femme, celle-ci répondait.

-          Ouais. Ben deviens aide-soignant ou infirmier, comme moi ! Je ne te donne pas quatre mois pour en avoir marre aussi de soigner. Et question salaire…

Il avait envie de lui dire : Alors, qu’est-ce qui me reste ? Oui, que lui restait-il sinon accepter encore et toujours cette « Putain de vie ! » avec une retraite au bout de 43 ans de services rendus, comme ils disaient aux informations, puisqu’il était né en 1980.   

A moins qu’un jour, il ne se jette sur les rails de sa propre vie et devienne « liseur de visages » - une nouvelle profession sur le marché du travail - car, quand il observait son visage dans la glace, il se rendait compte que la vie laissait des traces qui en disaient long sur soi et son rapport aux autres. C’est ce qu’il s’était dit aussi en observant le visage du président de la république : des rides, un visage anguleux, des traits tirés... il était temps qu'il s'arrête, ou alors...

PS : prochain texte, mercredi.

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