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Presquevoix...

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23 juillet 2016

L’annonce (3)

17.45. Par prudence elle attend  à l’extérieur du café de la gare en observant les allées et venues. Aucun homme ne ressemble à la description que son correspondant a fait de lui.

18 05. Elle entre d'un pas tranquille et regarde autour d’elle.  Il ne lui semble voir aucun homme chauve à lunettes. Le type lui a-t-il posé un lapin ou s'est-il décrit autrement qu'il n'était ? Elle s'évente avec l'humanité ; ses bouffées de chaleur ont tendance à s'accentuer dans les moments de stress.

Elle voit son reflet dans le miroir situé derrière le comptoir. "Ordinaire" ?, non pense-t'elle en son for intérieur. Cette nouvelle coupe lui donne un air presque juvénile. "Presque",  s’amuse-t-elle en se rappelant la remarque de son médecin : « Vous savez, à 50 ans, on est plus proche de la tombe que du berceau. »

Elle choisit une table non loin de l’entrée et elle ouvre l’humanité qui occupe toute la largeur de la table.

21 juillet 2016

L’annonce (2)

Elle n’avait eu qu’une réponse à son annonce. Le courrier disait : 

« J’ai 55 ans, je suis moyennement intelligent et mon salaire est loin d’être confortable. Vu le texte de votre annonce, je serais surpris que vous trouviez mieux. Si vous souhaitez me rencontrer, je vous attendrai le 22 juillet à 18 h au café de la gare. Pour me trouver vous n’aurez aucun problème : je suis petit, chauve et je porte des lunettes.

J’imagine que cette description vous rebute déjà un peu, mais je préfère annoncer la couleur. J’ai compris, en lisant votre annonce, que vous étiez une femme franche.

Vous vous êtes peu décrite et c’est mieux ainsi ; le physique m’importe peu. Il suffit de fermer les yeux pour voyager…

Une dernière chose - et ce, au cas où vous ne m’identifieriez-pas - pourriez-vous avoir « l’humanité » à la main ?

A vendredi,

 René 

PS : je pensais arrêter un temps l’écriture – un petit « spleen » passager – mais je reprends le fil du blog car l’exercice est sain et  votre humour me manquait déjà…

 

19 juillet 2016

L’annonce

Elle rédigea ainsi son annonce :

« Femme 50 ans, physique et intelligence ordinaires, petit salaire, cherche homme même âge,  intelligent, avec salaire confortable. »

Elle se demanda combien de réponses elle aurait…

 

PS : prochain texte à une date indéterminée ;)

18 juillet 2016

Il y a quelqu’un…

Ce matin, j'ai téléphoné chez moi par erreur et au moment où j'allais raccrocher quelqu'un a décroché et a dit

- Allô !

Sur le moment je n'ai rien répondu, l'effet de surprise, sans doute. Puis j'ai fini par dire.

- Qui êtes-vous ?

- C’est plutôt à moi de vous le demander ! A enchaîné cette voix que je ne connaissais pas.

- Qu’est-ce que vous faites chez moi ?

- Ecoutez, j’ai autre chose à faire qu’écouter des hystériques…

J'ai raccroché le combiné d’une main tremblante. Puis, j'ai appelé mon mari, au comble de l’inquiétude. Je lui ai dit  « Téléphone tout de suite à la maison. » Il m’a rétorqué « A quoi ça sert puisque nous  sommes chez tes parents et qu'il n'y a personne chez nous ! ». Je lui ai dit « Cesse de raisonner et prends le téléphone, tu verras ! » Comprenant que rien ne pourrait me calmer, il a composé notre numéro de téléphone. Manifestement personne ne répondait. Il a raccroché en disant un « Tu vois ! », triomphant. Je déteste ce ton qu’il n’utilise qu’avec moi. Je lui ai rétorqué.

-          Téléphone à nouveau !

-          Qu’est-ce qu’il te prend ? Tu es devenue folle ?

-          Vas y, je te dis !

Il sait très bien que lorsque j’ai une idée en tête, je ne cède pas, alors il a refait notre numéro. A la pâleur de son visage j’ai compris qu’il se passait quelque chose, on avait dû décrocher de l’autre côté. Je l’ai entendu dire « Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? », à plusieurs reprises, puis il est devenu livide. Il a bien essayé d’ajouter quelque chose mais rien ne sortait, et ensuite il s’est effondré.

Maintenant je suis à l’hôpital, j’attends qu’il reprenne connaissance. On m’a juste dit qu’il avait eu un choc émotionnel et qu’il devrait se réveiller d’un moment à l’autre, seulement le moment s’éternise et je regrette amèrement d’avoir insisté pour qu’il retéléphone.  Maintenant j'attends. J’ai peur…

 

 

15 juillet 2016

L’arbre

20160515_192051L’arbre avait toujours été là  mais  il les encombrait. C’était surtout un témoin gênant : comment se donner l’illusion qu’il ne s’était rien passé sous son regard ? Il fallait prendre une décision, mais comme à chaque fois qu’une décision était à prendre, ils ne la prenaient pas.

S’il n’y avait pas eu l’enfant, rien ne serait arrivé. C’est l’enfant qui avait tout gâché. L’enfant avec ses rires et ses pleurs ; surtout ses pleurs qui surgissaient à tout moment sans que personne ne pût les tarir. Il les avait usés et un jour, ils avaient dû choisir : lui ou eux.

Oui, il fallait supprimer l'arbre. Mais si les pleurs de l’enfant reprenaient ?

 

PS : prochain texte lundi 18 juillet

13 juillet 2016

Duo de juillet

Sur une photo proposée par Corinne - du blog les heures de coton -  voici la deuxième partie de notre Duo de juillet avec la publication de mon texte.

pensive

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment les idées viennent aux filles 

 

Sa mère aimait les petites filles modèles, celles qui ne se salissent pas, celles qui ne bougent pas,  celles dont les yeux papillons rêvent de contes de fées, celles qui jamais ne butineraient le moindre pollen défendu.

Seulement sa mère n’était plus et les portes de la prison s’étaient ouvertes, offrant à ses yeux le vaste monde qu’elle avait embrassé avec fougue malgré la réprobation familiale.

Un frère de la disparue  – sans doute délégué par la famille -  lui avait dit.

-          Tu n’en as pas marre de changer de type tous les deux jours ?

-          Tu me trouves trop  gourmande ?

-          Je trouve juste que tu vas trop loin, d’ailleurs même ton père...

Elle lui avait rétorqué sèchement de laisser son père là où il était et de se mêler de ses affaires ! Son oncle était parti fâché et jamais plus elle ne l’avait revu, sauf le jour de son enterrement, 15 ans plus tard, allongé dans un cercueil de bois sombre.

Après  la cérémonie religieuse au terme de laquelle on lui avait décerné le "label" du  meilleur époux et du meilleur père, les questions avait fusé de toute part, tous voulaient savoir : Mais que deviens-tu ? Que fais-tu ? Où vis-tu ?

Satisfaire leur curiosité vorace ne l’enchantait guère mais elle avait fini par leur dire qu’elle vivait seule, qu’elle  n’avait pas d’enfants et qu’elle habitait à l’étranger.

Une cousine  – mais laquelle précisément ?  – avait conclu avec férocité : « C’est étrange, certains parents vous dégoûtent tellement de la vie de famille que le couple et la « reproduction » vous sont barrés à jamais… »

Elle n’aurait pas mieux dit.

11 juillet 2016

Duo de juillet

Sur une photo proposée par Corinne - du blog les heures de coton -  voici notre Duo de juillet. Aujourd'hui vous pouvez lire le texte de Corinne, le mien sera publié mercredi 13 juillet.

pensive

 

 

 

 

 

 

 

 

Une photographie

Elsa posa les deux cadres qu’elle venait d’acheter à la brocante : la photographie de l’enfant aux papillons et son encadrement en plastique rose fluo et la gouache d’un artiste de famille. « Une grand-tante », avait précisé la femme du stand. Artiste ratée ou portée aux nues, Elsa n’en saurait jamais rien. Attirée par le portrait de l’enfant aux papillons, son attention s’était détournée alors que la vendeuse avait déroulé l’histoire familiale. Elle aurait voulu qu’elle se taise, car en regardant le délicat cliché, elle percevait une musique familière. Quelque chose se dégageait des tons nacrés, une impression de joie et de bonheur passée.

En soulevant le verre qui protégeait le tirage, elle put lire un nom. Le, la photographe ? Elle contempla longuement les longues crolles de la fillette, les boucles fragiles. À nouveau, une mélodie heurtait sa mémoire et l’enfant devenait un souvenir qui s’échappait aussitôt.

La gouache était partie à la poubelle, décidément trop laide. Elsa avait utilisé le cadre au bois finement poli pour protéger le portrait. Elle s’était demandé si elle la laisserait là dans cette maison vide. Alex avait filé la semaine précédente. « Je crois qu’il est nécessaire de faire un break ». Elsa lui avait été reconnaissante de ne pas ajouter un « Tu comprends » cynique ou un « nous » racoleur. Après tout, elle savait lire entre les lignes, c’était son métier. Un point d’orgue, aurait-elle plutôt dit, qu’il aurait dessiné à la hâte sur leur partition.

La fillette aux papillons l’accompagnait alors qu’elle se rendait au cabinet pour le premier rendez-vous de la journée. L’après-midi, elle la laisserait seule sur le bureau tandis qu’elle se rendrait à des consultations extérieures, dans des instituts ou des lieux d’accueil d’urgence. La jeune femme poussa la porte du café square Rameau et s’assit au comptoir. Le patron posa devant elle un allongé. Elle sortit le cadre de son sac.

« C’est votre sœur ? » Le patron la regardait en essuyant un verre. Elsa avait deux frères, l’un dans la marine, le deuxième à la vie incertaine. Au regard posé sur sa main sans alliance, elle précisa que ce n’était pas sa fille. Une voix à sa gauche, Lauréliane, une habituée du lieu et de la rue. « C’est peut-être toi bichette. » Elsa scruta une nouvelle fois la photo. Elle entendit à nouveau la mélodie un peu désuète qui revenait en boucle.

« C’est vous sur la photo. » L’homme lui souriait. « C’est ma mère qui vous a prise en photo. » L’horloge indiquait 8 h 45. Il fallait partir ; deux minutes encore et elle ne serait plus prête pour le premier patient. L’homme sourit. « Ne vous inquiétez pas, j’ai rendez-vous dans quinze minutes avec nous. » Elsa le regarda avec attention. L’homme chantonnait et elle reconnut l’enfant qui jouait avec elle au milieu des papillons du jardin, et des miroirs et des malles du grenier. L’enfant qui était revenu jouer avec elle dans ses rêves, longtemps, et dont elle n’avait jamais parlé à personne.

 

9 juillet 2016

Une vie de chien

Hier, ma mère a encadré une photo de son chien et elle l’a mise sur la cheminée ; ça m’a fait un choc,  parce que sur la cheminée, il n’y a aucune photo de moi.

Moi, son chien, je ne peux pas l’encadrer. Enfin si je ne peux pas l’encadrer, ce n’est pas à cause de lui – pauvre bête ! - c’est à cause d’elle. Si j’étais le chien de ma mère, je l’aurais déjà mordue jusqu'au sang et elle m’aurait collé une muselière ou elle m’aurait renvoyée à la case SPA, sans état d’âme.

Enfin, un à qui le chien a rendu service, c’est  mon père. Avant elle le traitait comme un chien et j’ai presque eu peur, au train où c’était parti, qu’il ne finisse à la SPA. Il faut dire que le grand tort qu’il a, mon père, c’est qu’il parle et ça,  elle ne le supporte pas.

Souvent, en s’adressant à son chien,  ma mère dit.
- Pauvre bébé, si je t’avais pas pris, tu serais encore à la SPA !

Je dois me retenir de ne pas lui dire qu’à la SPA, au moins, il aurait une vie de chien, une vie normale quoi, parce qu’avec elle, sa vie ne ressemble à rien.

Non, vraiment, plus je vois le chien de ma mère, plus je le plains, et plus je me plains ; parce que quand j’étais enfant, si ça se trouve, elle me traitait comme un chien …

7 juillet 2016

L’espoir

20160630_110805Elle était tombée sur ce "couple" par hasard et ce spectacle lui avait redonné foi en l’humanité.

L’entraide n’était pas un vain mot chez le peuple des singes ; il suffisait sans doute de suivre leur exemple pour atteindre une civilisation supérieure…

 

PS : photo prise au parc de la pépinière à Nancy

5 juillet 2016

L’entretien

Il allait accueillir un nouveau « client » et la nouveauté le mettait toujours dans un certain état de fébrilité. Comment était-il ? Pourquoi venait-il ? Pourrait-il le conduire vers une issue positive ?

Quand il ouvrit la porte de la salle d’attente, il vit un homme d’une trentaine d’année au physique banal mais à l’apparence soignée. Il le fit entrer dans son cabinet et lui posa la question habituelle : Qu’est-ce qui vous amène… ?

Le jeune homme répondit aussitôt.

–        Vous allez peut-être me trouver ridicule, mais je viens parce que je suis trop heureux.

C’était bien la première fois qu’un « client » commençait ainsi.

-          Pourriez-vous m’en dire un peu plus ?

Le jeune homme resta silencieux. Le psychologue attendit mais l’homme restait muet. Au bout de deux bonnes minutes, il finit par ajouter.

-          Sans doute  ce bonheur vous coupe-t-il la parole ?

Le jeune-homme sourit, puis conclut.

-          Il est vrai que je ne vous ai pas dit pourquoi j'étais heureux : je viens de tuer mon père !

Le psychothérapeute déglutit avec peine. Maintenant, qu’allait-il faire de ça ?

 

 

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