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Presquevoix...

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15 avril 2016

La porte

20160320_135548Dans son rêve, la porte noire est toujours fermée. Elle essaie de la pousser, mais jamais elle ne cède. Jusqu’au jour où la porte noire du rêve se transforme en une porte fleurie aux somptueux tournesols. Elle ne tente pas de pousser les deux battants, elle se contente d'admirer cette végétation qui envahit l'espace.

Soudain la porte s'ouvre, une main gantée de blanc se tend et l'invite à entrer dans une cathédrale engloutie dont les vitraux reflètent des sirènes aux longues chevelures d'algues marines. Elle accepte la main tendue et entre dans  la nef sans même se demander si elle pourra ressortir...

 

 

PS : photo prise à Rouen lors de l’exposition « art et déchirure ».

13 avril 2016

Les tampons

Quand ils se disputent – ce qui arrive au moins une fois par jour  -  ils s’insultent en silence, à coup de tampons rageurs imprimés sur des feuilles qu’ils s’échangent. Lorsque les répliques sont vraiment fleuries, on peut lire.

-          Ennemi du genre humain !

-          Parasite !

-          Ringard !

-          Charogne !

-          Branleur !

-          Face de vulve !

-          Va t’acheter des couilles !

-          Connasse géante !

-          Mange merde !

-          Fais-toi stériliser !

Certains pourront s’étonner de leur stratégie mais tous deux ont des valeurs et tiennent absolument à élever leurs enfants dans la plus pure tradition de la haute bourgeoisie catholique dont ils sont issus.

 

PS : texte écrit après avoir visionné  cette vidéo qui présente Vincent Sardon, créateur de tampons.

 

11 avril 2016

Lundi noir

C’est un lundi noir qui fait suite à un dimanche noir, sans parler de la semaine précédente, elle-même d’une noirceur sans nom. Elle n’a plus  le choix qu’entre trois solutions :

1)      Se suicider en se jetant sous un train

2)      Se suicider en se jetant dans la Seine

3)      Se suicider en avalant trois boîtes de médicaments

Que choisir ? Elle marche dans la ville, au hasard. L’air est frais, le ciel bleu pâle et les visages fermés. Ses pas la conduisent vers la seule vraie librairie de la ville  et elle traîne son mal être entre les rayons. C’est au deuxième étage qu’elle découvre la perle rare : « Petits exercices d’art Thérapie ».

Elle s’installe dans l’un des fauteuils, feuillette le livre un moment puis décide de l’acheter.

Finalement, non, elle ne se tuera pas – à quoi bon ? -  mais elle transformera sa souffrance en une multitude d’œuvres qu’elle installera partout, dans les jardins et les rues, et jamais elle ne s’arrêtera, jamais…

9 avril 2016

La reconversion

Dans la salle des profs, quelqu’un lui avait dit que Paul, le prof des maths qui était parti du lycée l’année passée, était devenu agent de sécurité. A ce moment-là une voix perfide s’est élevée pour dire : « De toute façon, c’est le même boulot, non ? »

 

7 avril 2016

Duo d'avril 2016

Deuxième partie du Duo avec Caro du blog " les heures de coton". Aujourd'hui, voici mon texte, avec toujours la même photo comme point de départ.

 

defiLe « boy friend »

 

A son retour d’Angleterre, Juliette avait parlé de son nouveau petit copain comme d’un « trophée ». Elle l’appelait  « The boy friend » et vantait ses qualités ex-tra-or-di-naires.

Il est vrai que son séjour outre-manche l’avait  transformée : non seulement elle fumait – chose qu’elle détestait avant de partir à Londres – et parlait merveilleusement anglais,  mais elle avait changé de style.

Fatiguée d’entendre parler du « boy friend » sans jamais le voir, Léa lui a dit.

-          Alors, tu nous la présentes quand ta chimère ?

Juliette a piqué un fard et lui a répliqué que certaines aimeraient bien avoir des chimères comme la sienne !

Les semaines ont passé et la bonne humeur de Juliette a sensiblement fané. Certaines amies  bien intentionnées  disaient déjà que son «  boy friend »  ressemblait fort à un  paravent que l’on exhibe pour cacher la misère !

Et puis la nouvelle que tout le monde pressentait est arrivée trois mois plus tard : Juliette a annoncé qu’entre son « boy friend » et elle, ce n’était plus ça. Elle exhibait  une  tête de six pieds partout où elle allait, se plaignant des hommes et de leur égoïsme.

Lors d’une fête entre copines, après avoir avalé quelques Margarita bien corsées, elle a crié  : « The END ! Don’t ask me any more question about this fucking asshole*. »

Marie lui  a demandé.

-          Mais dis-moi, il existe ou non ce mec ?

Juliette a fouillé dans son sac et en a ressorti une photo chiffonnée qu’elle a lissée avec le plat de sa main.

-          C’était lui.

-          OK, c’était lui, mais tu as eu une relation avec lui, oui ou non ? a repris Marie

-          En partie, a-t-elle concédé.

-          Comment ça en partie ? Tu veux dire que ce type, c’est du virtuel ?

-          Qu’est-ce que ça peut faire ! De toute façon, ce salop s’est foutu de moi et maintenant  je compense en bouffant parce que j’ai arrêté la clope. Il me reste plus qu’à boire. Quel enfoiré, quand je pense à tout ce que j’ai fait pour lui…

Décidant de couper court à ses jérémiades, Marie a conclu.

-          Ecoute Juliette,  à ta place j’essaierais de rencontrer un type en chair et en os. Je me demande si c’est pas ça qui te manque. Il te faut du concret, tu comprends, du concret. Un type qui ressemble à autre chose qu’à un rêve à la con.

Juliette n’a rien répondu. Elle était déjà sur son cheval blanc,  traversant des steppes noyées de nuages de Margarita, et elle galopait vers un paradis qui n’existait pas…

 

*Ne me posez plus de questions sur cet enculé. Il m’a laissée tomber

 

 

5 avril 2016

Duo avril 2016

Nouveau Duo avec Caro du blog " les heures de coton". Cette fois, une photo comme point de départ. Aujourd'hui place au texte de Caro, le mien sera publié jeudi prochain.

 

Duo avril 2016

 

defi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On n’imagine pas qu’un retard peut dévier le cours d’une vie déjà peu tranquille.

On n’imagine pas qu’un SMS puisse vous faire bifurquer là où vous ne pensiez pas aller.

Et, comme dans les mauvais films, ne pas sous-estimer le rôle d’une clope

Bref, la ligne du destin zigzague sans remords au lieu de n’être qu’un hypothétique fil droit tendu par les Parques. Où, maladroite que je suis, je me suis pris les pieds dedans.

 

J’étais en retard, ce qui a fait que j’ai oublié d’appuyer sur le bouton, me suis retrouvée au 18ème et ai foncé dans Paul en sortant. Le temps que l’ascenseur descende et remonte, je savais que je pouvais remiser mon sac de sport jusqu’à la prochaine séance. C’est comme cela que mon collègue qui venait de recevoir un SMS pour une rooftop party secrète m’a attrapé par le bras direction M° Richelieu- Drouot. Un passage express dans un bar à beauté, deux ou trois sautoirs et bracelets bling-bling achetés dans le métro, Paul avait joliment ajouté un œillet rouge à sa boutonnière, nous étions beaux, nous étions prêts.

 

La soirée était irréprochable. Je suis allée admirer la vue sur les lumières de la ville, tu étais là, tu m’as offert une clope et tu m’as fait le coup du French Kiss assumé. À ce jeu-là, tu n’étais pas vraiment mauvais.

 

Un été humide et collant, au point que, à force de t’attendre à une terrasse intenable, je voyais se dessiner la fin de cette intermède amoureux. J’ai posé ma clope en voyant mon portable s’allumer. Tu partais quinze jours vers le sud, besoin de respirer. Je décidais d’arrêter de fumer et de passer à la case amitié tout en écrasant le dernier mégot dans le cendrier. Il y a un jour dans la vie où il faut suivre les résolutions que l’on a décidé de prendre. Surtout passé 40 ans.

 

28 septembre. On s’est donné RV près de Beaubourg. Tu es arrivé à l’heure, tranquille, tu as même posé un paquet avec un nœud ridicule sur la table. Ces dernières semaines, à part se croiser à deux vernissages et à un concert sur une péniche, on a échangé plus de mots via nos portables qu’en face à face. Je t’ai envoyé cette photo, je crois que ce sera mieux qu’une parlotte entre nous. Je plonge dans le forum, mon sac de sport sur l’épaule, séance de fitness et ensuite prendre un verre, avec Paul justement.

3 avril 2016

Le fauteuil roulant

cvTous les jours, à 14 h, Paulo garait son fauteuil devant le bar St Gervais, on l’éjectait à l’intérieur et il éclusait ses bières jusqu’à 18 h, heure à laquelle on le remettait dans son fauteuil, direction son appartement à la saleté repoussante où il coulait des jours cotonneux.

Personne ne savait vraiment qui il était, ni quelle avait été sa vie. On lui avait bien posé des questions, mais son état comateux ne favorisait pas les dialogues avec les piliers du bar.

Pourtant,  un jour  ils surent.

C’était une après-midi de début de printemps, l’une de ces après-midi où le ciel a des velléités d’été et où les cœurs s’ouvrent après un long hiver qui les a maintenus enserrés dans les mailles de leur camisole d’émotions. A 15 h 30, la porte s’est ouverte et une jolie jeune fille brune revêtue d’un jean assorti d’un pull bleu a passé le seuil en adressant un sourire aux habitués. Ils se sont immobilisés, le verre à la main. L’arrivée de la vierge n’aurait pas produit un effet différent.

D’un pas sûr, elle s’est dirigée vers la table où on avait installé Paulo, déjà dans un piteux état. Ils l’ont entendue prononcer « Papa ? », et tous se sont interrogés. Comment cette loque de Paulo avait-elle fait pour produire une si jolie pervenche ?

Mais Paulo ne répondait pas, déjà dans les vapeurs de la bière blonde qui l’anesthésiait chaque après-midi.

Les gars se sont mis de la partie et ont entonné : « Paulo, c’est ta fille ! ». Paulo a redressé péniblement sa tête, l’air hagard et la jeune fille a dit à nouveau : « C’est moi papa. »

-          Toi ? a-t-il dit en essayant de la fixer derrière le brouillard de ses yeux. Toi qui ?

-          Linda, papa.

-          Linda, a-t-il ânonné, et il lui a souri.  Sa tête est retombée sur la table avant qu’il n’ai pu rajouter quoi que ce soit.

La jeune fille est revenue vers le comptoir et a donné au patron une enveloppe blanche.

-          C’est pour mon père. Vous savez où il habite ?

L’un des habitués a fait un geste vague et la jeune fille  a hoché la tête.

Après son départ, ils se sont consultés du regard, ont observé la tête inerte de Paulo, et ils ont ouvert l’enveloppe d’un commun accord. Le mot était simple et les lettres arrondies ressemblaient à cette adolescente  à peine sortie de l’enfance.

« Cher papa,

Je suis venue prendre de tes nouvelles. Maman ne sait rien. J’ai su que tu étais au café par un copain de maman qui t’a déjà vu là. Il dit que tu y vas tous les après-midi pour te démolir la tête. Maman me dit que tu es un ivrogne. Moi je voudrais te rencontrer. Je reviendrai te voir au café samedi après-midi. Je pense à toi. Linda. »

Le patron a hoché la tête, remis la lettre dans l’enveloppe et il est allé secouer Paulo. La lettre de Linda a été glissée dans son sac, on l’a replacé dans son fauteuil et on l’a poussé jusque chez lui.

Le lendemain, Paulo n’est pas venu, on s’est s’inquiété et on a sonné à sa porte. Rien. Le surlendemain, le fauteuil roulant n’a pas pilé devant le bar. Les copains ont refait le trajet vers son appartement. Personne. Lassés, ils ont laissé tomber l’affaire.

Mais le samedi,  à  14 heures,  ils ont eu la surprise de voir le fauteuil roulant s’arrêter et dedans, leur Paulo, méconnaissable.

-          Eh ben mon gars, lui a dit le patron en s’avançant sur le seuil. C’est plus toi !

Les autres ont renchéri, ils lui ont même dit qu’il avait fière allure, et ils l’ont assis à sa table habituelle.

-          Alors, un demi ? a demandé le patron.

-          Non, une San Pellegrino.

Le chœur a lancé un « Putain » de surprise.

-          J’attends ma fille, ça fait 10 ans que je l’ai pas vue.

-          Dix ans ! a dit le chœur.

-          Ouais, depuis l’accident.

-          L’accident ?

Paulo ne semblait pas vouloir parler, mais il a fini par dire d’une voix monocorde.

-          J’ai voulu tuer ma femme. Mais c’est elle qui m’a fichu deux balles dans le corps, et bien placées. Elle était flic, avant…

Au comptoir personne n’a pipé. Et il a continué.

-          Voilà, c’est tout, continuez à boire les gars. Moi, j’attends ma fille…

 

PS : photo prise par C. V. à Rouen

 

1 avril 2016

Le toit

Elle s’était fait refaire son toit et elle y avait mis le prix. Lorsque les travaux ont été achevés, elle a dit au charpentier.

-         Bon, j’espère qu’il va me faire longtemps celui-ci.

-         Ne vous en faites pas, répliqua-t-il, vous serez morte avant votre toit.

Elle  a souri, pour la forme, mais avait-elle envie qu’un toit lui rappelle la condition de mortelle de son moi ?

30 mars 2016

Le tableau

 

20160320_130923-          Et  là, c’est qui sur ce tableau ?

-          C’est la petite fille que sa vilaine sorcière de mère a enveloppée dans le noir de ses pensées.

Sans hésitation, les bouches des mères qui faisaient corps autour du tableau s’étaient écriées de toute la force de leur bonne foi blessée.

-          Hein ? Quoi ? Tu plaisantes j’espère !

Elle, elle en aurait pleuré de désespoir. Ces bien-pensantes se plaisaient à croire que les mères ne voulaient que le bien de leurs filles. Amusante bluette. Et blanche Neige ? Et la belle au bois dormant ?

Pauvres petites âmes prisonnières de leurs corps. Bien évidemment, elle ne dit rien et continua d’observer le liquide qui baignait dans le fond de son verre. Un rhum au liquide amniotique, pensa-t-elle en souriant. Il faudrait qu’elle en boive encore beaucoup, de ce liquide amniotique, pour ne pas passer une soirée abominable.

Après avoir fini son verre, elle en reprit un deuxième, plein à ras bord,  suscitant la réprobation de son mari.

-          Franchement, tu ne crois pas que tu as assez bu !

Elle le moucha vertement. De quoi se mêlait-il ? Si en plus de ne pas être comprise par l’assemblée, elle ne pouvait pas boire ! Ce vernissage, tout de même, c’était le sien oui ou non ?

 

PS : texte imaginé à partir de cette œuvre de M. J. Faravel, vue lors du Festival Art et déchirure à Rouen

 

28 mars 2016

« De quoi n’êtes-vous pas conscient ? »

Ce matin, elle a trouvé Hortense effondrée  en train de sangloter devant la machine à café. Elle a attendu quelques instants avant de lui demander.

-          Qu’est-ce qui ne va pas ?

-          Tu vois, j’étais toujours dans la nostalgie d’un paradis perdu.

-          Oui, et alors…

-          Tu sais ce qu’il y a de pire que de perdre un paradis ?

Elle fit non de la tête.

-          C’est de perdre un paradis qui n’a jamais existé. Parce que là, c’est une double perte, et ses pleurs redoublèrent.

Elle lui mit doucement une main sur l’épaule et conclut.

-          Allez, ce soir je t’invite à la maison. Et tu sais ce que je te ferai comme dessert ?

-          Non.

-          Un gâteau du paradis. Tu vois, tu n’auras pas tout perdu.

Hortense fit un pauvre sourire en guise d’assentiment et conclut.

-          Merci, c’est gentil, et elle se dirigea vers le bureau du chef, comme si elle allait à l’abattoir…

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