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Presquevoix...
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18 juin 2010

Le déménagement

Il appelle sa femme, surpris par le va et vient chez les voisins :
- Viens voir, les voisins déménagent !
- Quoi ?
- Mais oui, il y a un camion de déménagement devant chez eux.
Maintenant ils observent le ballet des déménageurs derrière les rideaux. Les meubles défilent à une allure époustouflante. Le dernier à fermer le bal, c’est le piano, la fierté de leurs voisins, un piano sur lequel a joué un pianiste célèbre mais ils ne savent plus lequel.
- En tout cas, ils cachaient bien leur jeu, conclut-elle. Toujours à faire des ronds de jambes par-devant et ils partent sans nous prévenir ! C’était bien la peine !
Son mari se tait et regarde le camion qui démarre. Un joli camion blanc, tout neuf.
La journée s’écoule comme toutes leurs journées de retraités, lui devant la télé, elle au jardin. A 20 heures on sonne chez eux. Aucun des deux ne se lève pour répondre - ils n’attendent personne - mais la sonnette insiste et il finit par mettre la chaînette de sécurité avant d’ouvrir la porte. Dans l’entrebâillement, il découvre le visage défait des voisins :
- On a été cambriolé, bredouillent-t-ils, vous n’avez rien vu par hasard ?
       - Euh, aujourd’hui, eh bien, on n’était pas là, enfin pas tout le temps... réplique-t-il à grand peine.
- C’était qui, demande sa femme, il faut quand même pas être gêné pour sonner chez les gens à cette heure-ci !
Il répond catastrophé :
- C’était les voisins. On les a cambriolés.

17 juin 2010

L’urne

Il vient de la faire incinérer et son fils de 10 ans place l’urne à côté du conducteur, à la place où elle a l’habitude de s’asseoir. Ils reprennent la route et s’arrêtent «  Chez Jean-louis » , le café où il allait du temps où il était célibataire. Quand qu’il entre, le patron s’écrie
- Maurice, ma parole, c’est toi ? Eh les gars, regardez, c’est Maurice !
- Eh oui, c’est moi, sourit-il malgré la douleur.
- Et ça, c’est ton fils ?
- Oui.
- Et ta femme, elle est où ?
Il se retourne vers son fils et lui dit d’un ton las :
- Va chercher ta mère.
Le fils revient avec l’urne. Le père la lui prend des mains, la dépose sur le comptoir et dit au patron :
- Je te présente ma femme.
Les conversations cessent et il se fait un silence de mort...

16 juin 2010

A bicyclette...

Marie23Il n’y a jamais eu de vélo sans toi. Souvent, nos guidons se frôlaient  dans les virages et nos coeurs se blessaient  dans les orages.  Te rappelles-tu ta sonnette qui hurlait sans crier gare et affolait les passants sur les trottoirs ? Et cette chaîne, qui sur tes mains laissait le noir chemin de ton enfance ressassée, t’en souviens-tu  ?   
Je me rappelle aussi les prés qui abritaient nos corps fourbus et les herbes folles qui caressaient la moiteur de nos peaux brunies par le soleil...
Aujourd’hui ton vélo est au grenier  -  pourquoi l’aurais-je jeté ? -  et je  voyage seule sur le sable du temps* .

* Merci à Mariesondetre pour sa photo qui m’a inspirée ce texte et à Sable du temps, pour le titre de son blog...

15 juin 2010

Le lapin nain

Ce lapin nain, il ne pouvait plus le voir en peinture et il maudissait sa copine de le lui avoir imposé.
- Saloperie de bête, répétait-il sans arrêt.
Non seulement le lapin courait dans tous les coins mais en plus il passait son temps à s’exciter sur tout ce qui bougeait. La bestiole le dégoûtait.
Un beau matin, à bout de nerfs, il a jeté le lapin dans le lave-linge et a mis la machine en route.
- Ça va te faire baisser ton excitation, connard ! A-t-il ricané méchamment.
Quand la machine à laver s’est arrêtée avec un drôle de bruit de tambour, il n’était pas là. C’est sa copine qui a découvert la chose...

PS : texte écrit à partir d’un article lu dans Paris Normandie, aussi incroyable que cela puisse paraître. Pour lire l’article, c’est ici.

14 juin 2010

Le boucher-poète

ETANG__1Le lundi, la boucherie était fermée, alors parfois ils partaient à la campagne. Ce lundi-là, lui  contemplait le paysage et respirait la beauté des lieux alors que sa femme feuilletait Gala, assise sur son siège pliant en toile bleue et rouge. Pendant un long moment il resta silencieux et son regard vogua sur l’onde paisible ; soudain, mû par une veine lyrique, il déclama presque exalté :
- Je suis l’eau, le ciel, le baiser bleu-vert de l’herbe couchée, l’arbre gorgé de sève...
-  Arrête tes sornettes, je lis ! Répliqua sa femme énervée.
A chaque fois qu’il improvisait un poème,  elle l’humiliait. Comme si elle était dérangée de voir que derrière son tablier de boucher et ses mains rouges-sang il y avait aussi un poète ! Il faudrait pourtant qu’elle s’y habitue : dans sa vie, la viande et la poésie occupaient la même place.  Et si elle s’obstinait à ne voir que le boucher en lui, il ne faudrait pas qu’elle s’étonne si un jour, il lui plaçait la pointe de son couteau affûté  sous la gorge...

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Latil.

12 juin 2010

La coupe du monde

La patronne s’affaire, sert des bières et des vins blancs. L’ambiance est bonne enfant et les langues vont bon train.
- Eh les gars, dit un client à la cantonade, demain pour la coupe du monde on se déguise  en africain !
Quelqu’un lui répond :
- De toutes façons, pour toi, c'est facile, t’es toujours noir !
Rire général.

PS : une brève vraie de vraie

11 juin 2010

Le mariage

Elle devait se marier dans quatre jours mais il y avait cette extinction de voix qui n’en finissait pas. Allait-elle seulement pouvoir dire OUI ? Le curé l’entendrait-il ? Cette histoire l’inquiétait. Si son mariage commençait comme ça, n’allait-il pas  finir dans les cordes ? Qu’est-ce que sa voix cherchait à lui dire ? Pourtant, ce mari-là, elle l’avait  choisi avec soin ; pas comme le premier ni même comme le deuxième ou le troisième. Avec celui-ci, ce serait du solide, elle le sentait. Mais il y avait la voix, ou plutôt son absence...

PS : texte inspiré par Hélène

9 juin 2010

La gargouille

Encore un soir où le trio traînait son ennui, la bouteille de vodka à la main, quand soudain Kevin eut une idée :
- Et si on décapitait la gargouille ?
- C’est quoi une gargouille ? Répliqua Jordan
On lui répondit « Ta gueule ! » et il se tut. C’était toujours comme ça avec Jordan.
La gargouille était à l’entrée du cimetière. On l’avait abandonnée là après la grande tempête de 1999. Kevin et Romain, leur masse à la main, titubaient dangereusement sur le chemin à peine éclairée et Jordan les suivait. Une fois devant le monstre, Kevin frappa le premier mais ce fut Romain qui lui donna le coup de grâce en  hurlant un « Connasse ! » retentissant. Quant à Jordan, il s’agenouilla près du corps de la gargouille en sanglotant :
- Vous l’avez décapitée, vous l’avez décapitée....

8 juin 2010

Et toi ?

Hier j’ai entendu ce dialogue dans la rue. Ils avaient dix ans à peine, des garçons...
- T’as déjà roulé une pelle toi ?
- Non, jamais.
- Quoi ? T’as jamais roulé une pelle ?
- Non, ça sert à rien !

7 juin 2010

Se consumer...

Marie35Il n’y a pas de pétales heureux, même consumés de rosée. Moi, ce n’est pas la rosée qui me consume, c’est la haine. Quand sa « petite fleur d’amour » lui plantera un couteau dans le coeur, il aura beau appeler, je ne ferai pas un geste. Je le regarderai implorer, supplier, comme je l’ai supplié le jour où il a planté  son sale dard que mon corps a vomi. Il a tout essuyé, le vomi et les larmes, et il m’a bercé comme on berce les bébés en chuchotant :
- Là, c’est fini, c’est fini,  tu es la petite fleur d’amour de papa.
Combien de fois  depuis cette fois là ? Maintenant j’ai quinze ans et tous mes pétales sont tombés. Maman est partie hier, je l’ai entendu se disputer avec lui. Avant de claquer la porte elle a hurlé :
- Tu es malade, malade ! Comment tu as pu me faire une chose pareille, salaud ! Elle ne m’a même pas dit au revoir. Par la fenêtre de ma chambre  je l’ai regardée s’éloigner, son sac à la main, et quand j’ai crié « Maman ! » elle ne s’est pas retournée.
Ce soir, je sortirai le couteau que j’ai rangé dans mon coeur et dès qu’il s’approchera de moi je le tuerai. Moi, je n’ai jamais voulu être sa petite fleur d’amour.

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par  Mariesondêtre

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