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Presquevoix...
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21 octobre 2010

L'interdit

Elle freina devant la pancarte. « Interdit aux femmes à vélo », c'était écrit en gros. Elle décida de braver l’interdit. Sur son vélo bleu, elle pédalait de toute son âme, insensible au froid et à l'humidité. Elle allait leur montrer de quel bois elle se chauffait, elle, la fille au vélo.  Soudain, elle entendit  un hululement, puis un autre et encore un autre, mais elle continua à pédaler comme si de rien n'était, elle irait jusqu’au bout, elle se l’était promis...
Le lendemain, on la retrouva morte à la lisière du bois, juste sous la pancarte. On lui avait accroché sa chaîne de vélo autour du cou.

20 octobre 2010

Se saluer

Tous les jours, sauf le dimanche, il est assis dans le même café, à la même table, et on le salue. Passablement énervé il me dit :
- Il y en a qui ont les mains moites et dégueulasses dès le matin.  Pourquoi ils veulent tous me serrer la main ?
Lui, son idéal, ce serait qu’on le salue sans lui serrer la main, mais il a peur de se faire mal voir s’il refuse les mains tendues. Il est sûr qu’il y en a qui le traiteraient de racistes…

16 octobre 2010

La grève

Mon ancien cerveau me manque. La dernière fois que  j’ai essayé d'aller le récupérer, ils ont bloqué les portes automatiques. J’ai eu beau frapper comme un fou, ils n’ont pas cédé.  Une voix m’a dit :
- On est en grève !
J’ai crié :
- Mais merde, vous pouvez bien faire une exception !
Et j’ai entendu le slogan suivant, en boucle, répété par un chœur de salariés : « La précarité, y’en a marre ! Les licenciements, y’en a marre ! Les salaires de merde, y’en a marre ! Les chefs et les patrons, y’en a marre ! Les inégalités, l’exploitation, le capitalisme… y’en a marre !»
Je me suis énervé :
- Et les clients ?
Et le chœur m’a répondu : « Lutte de classe contre le patronat ! Luttes sociales contre le Capital ! »
J’ai hurlé que je n’étais pas patron mais client. On m’a juste rétorqué :
- Tu te comportes comme un patron ! Et le rideau de fer est tombé.

15 octobre 2010

Le jeu

Elle lui avait dit l’air mutin :
- Tu te tais et tu obéis à mes ordres, c’est un jeu pour les hommes qui ne sont pas très sages.
Il imaginait déjà un jeu sexuel, dieu que les hommes sont naïfs. Le premier ordre qu’elle lui donna fut simple :
- Enlève ton pantalon !
Il s’exécuta, trop heureux. Puis elle ajouta :
- Va chercher la table à repasser !
- Où ? Demanda-t-il.
- A la cave !
Il faillit lui dire que faire l’amour sur la table à repasser n’était peut-être pas de la plus grande commodité mais pourquoi pas après tout ? Quand il remonta avec la table, elle avait le fer à repasser dans la main droite et la vapeur commençait déjà à fumer. Elle lui désigna un tas de linge qui attendait dans la corbeille en osier et elle conclut :
- Vas-y, tu as deux heures pour repasser tout ça !

14 octobre 2010

Les tennis

Au bord de la falaise elle avait d'abord jeté ses tennis, juste pour voir.  Rassurée sur leur sort, elle avait compté jusqu’à trois puis  s'était jetée dans le vide.
Personne n’a jamais retrouvé son corps ; mais en avait-elle un ?

PS : texte écrit dans le cadre des "impromptus littéraires"

13 octobre 2010

Les coups

Il la frappe régulièrement parce qu’elle l’énerve, oui, c’est ce qu’il a dit au juge quand celui-ci l’a interrogé. Mais la dernière fois, il l’a frappée plus fort et elle s’est évanouie, il faut dire qu’elle était allée trop loin, c’est tout au moins ce qu’il a crié.
- Trop loin ? Lui  fait préciser le juge.
- Oui, trop loin ! Elle voulait pas me donner d’argent pour les courses.
- Pas d’argent pour boire ? Vous voulez dire, répond le juge.
Et le type rétorque sans sourciller :
- Et alors, j’ai pas droit à une récompense après les courses ?
Un murmure parcourt la salle d'audience.

12 octobre 2010

Politique fiction ?

Ils étaient installés au comptoir d’un bar du 18ème arrondissement et sirotaient leur café de bon matin. Tous très bruns, trop bruns peut-être. Le plus jeune d’entre eux s’exclama :

- Moi, je te foutrais une bombe à l’Elysée et on n’en entendrait plus parler de ce connard !

Le plus âgé, à l’accent prononcé, ajouta :

- Et moi je m’occupe de sa veuve !

Le troisième conclut en rigolant :

- Allez Mohamed, va la poser ta bombe et on se retrouve au chantier.

Le lendemain, la police se présentait chez chacun d’entre eux à six heures tapantes…

11 octobre 2010

Le satyre puant

Elle s'était accroupie dans les fougères pour l’observer de plus près ; depuis combien de temps n'en avait-elle pas vu ? Des mouches s’agglutinaient sur la calotte et l’odeur de soufre et de gaz provoquèrent chez elle une grimace de dégoût. Elle voulut se relever mais remarqua deux pieds d'homme chaussés de bottes, à deux pas du satyre puant. Elle vit aussi une troisième jambe, un gros bâton renflé à l’extrémité. Elle était paralysée.
- La nature nous surprend toujours, entendit-elle. Un beau spécimen, hein ? Ajouta l’homme admiratif.
Elle rougit, se releva rapidement, grommela deux trois banalités et partit en courant.
Il la regarda s’éloigner, interdit, se demandant bien ce qu’il avait pu lui dire pour qu’elle le fuie ainsi...

8 octobre 2010

Le pervers encagoulé

Dans Paris Normandie, j’ai lu le fait divers suivant : 

« Le pervers, encagoulé, s'en prenait aux jeunes filles seules, depuis la rentrée, dans l'escalier Beasley »

Il faut dire qu’un escalier avec un nom pareil  - " Beasley" - ça doit finir par donner des idées  ! Enfin, peut-être ne le prononcez-vous pas comme moi...
J’aime assez le rythme haché de la phrase dû aux virgules obsessionnelles, sans doute aussi obsessionnelles que le pervers encagoulé ! Le journaliste - est-il pervers ? -  nous oblige  à  lire  la phrase de façon saccadée, comme si nous courions  nous aussi avec  toutes ces jeunes filles seules qui essaient d'échapper à ce malade encagoulé.
Quelle "petite merveille" de style, ce n’est pas facile d’allier le fond et la forme...

7 octobre 2010

Le député

Il prépare sa séance du lendemain au café de l’époque quand un type de rien du tout s’approche de sa table, le salue avec déférence et lui demande s’il peut lui accorder quelques minutes de son temps précieux. Le député hoche la tête et l’écoute l’air bienveillant. Comme l’inconnu se répand en détails fastidieux, il lui précise que son temps est compté, lui promet qu’il fera de son mieux pour l’aider et, en gage de sa bonne foi, lui demande de noter son nom et son numéro de téléphone sur un bout de papier. L’inconnu s’exécute, remercie chaleureusement et part. La scène a duré cinq minutes
Une fois l’homme parti, le député transforme le bout de papier avec le numéro de téléphone en boulette qu’il lance dans le cendrier.
- Bien joué, dit son assistant, pile dedans.
Le député sourit et rouvre son dossier.

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