QI
Il avait été recalé au test d’intelligence mis en place par l’ambassade du pays où il souhaitait émigrer. Condamné à la misère dans son propre pays, il se suicida.
Il avait été recalé au test d’intelligence mis en place par l’ambassade du pays où il souhaitait émigrer. Condamné à la misère dans son propre pays, il se suicida.
Je suis née dans un aquarium. Ma mère a toujours eu de drôles d’idées, même avant ma naissance. Quand j’ai ouvert les yeux, je me suis trouvée nez à nez avec un gros poisson triste qui tournait en rond dans une eau trouble. De sa voix sans voix il m’a chuchoté.
- Tu vois, c’est ça la vie ! Et puis il a disparu.
Il m’a fait si peur que j’ai voulu retourner dans le ventre de ma mère, mais il était trop tard. Elle avait fermé sa porte à clef, sans état d’âme.
Aujourd’hui, j’attends qu’on m’ouvre l’autre porte…
Il lui avait dit.
- Ce soir, si tu siffles les premières notes de notre chanson, ça voudra dire que tu m'aimes.
Elle n’avait pas sifflé et il était parti. Longtemps elle l’avait attendu, blottie dans le silence de ses rêves, flottant au gré d’une partition inachevée.
Quand elle le revit par hasard, quinze ans plus tard, le pas énervé et la voix tranchante, elle remercia le ciel de ne lui avoir jamais appris à siffler.
Encore un soir où le trio traînait son ennui, la bouteille de vodka à la main, quand soudain Kevin eut une idée.
- Et si on décapitait la gargouille ?
- C’est quoi une gargouille ? répliqua Jordan
On lui répondit « Ta gueule ! » et il se tut. C’était toujours comme ça avec Jordan.
La gargouille était à l’entrée du cimetière. On l’avait abandonnée là après la grande tempête de 1999.
Kevin et Romain, leur masse à la main, titubaient sur le chemin à peine éclairée et Jordan les suivait. Une fois devant le monstre, Kevin frappa le premier mais ce fut Romain qui lui donna le coup de grâce en hurlant un « Connasse ! » retentissant.
Quant à Jordan, il s’agenouilla près du corps de la gargouille en sanglotant.
- Vous l’avez décapitée, vous l’avez décapitée....
Il paraît que lorsque l’on diffuse de la musique classique dans les cantines d’écoles, les enfants parlent moins fort et sont plus respectueux des règles. Mais quelle bonne nouvelle !
Dès le premier cours de l’année scolaire prochaine – et il sera sans doute tardif pour moi, aphasie oblige - j’accueillerai les élèves avec Mozart : l’extase !
Après, j’essaierai Eric Satie, puis Schubert et peut-être Brahms... Voilà qui va changer ma vie, la leur, et nous permettra de passer une année où nous pratiquerons le respect et l'écoute des autres.
Que ne l’ai-je su plus tôt ?
Le soir tombait et vous buviez, comme vous le faisiez probablement toute la journée.
Les vitres dégoulinaient et vous aussi ; vous dégouliniez de cette mélancolie qui colle à la peau et au goulot.
Vous sanglotiez à perdre l’âme, assis sous un abribus, seul. Et de temps à autre, vous maudissiez « ces cons » qui passaient sans vous voir, vous qui brandissiez votre litron.
Moi aussi j’ai fait semblant de ne pas vous voir, alors que pourtant…
Elle n'aurait jamais dû s'asseoir sur un cheval pareil, surtout à son âge ; mais elle voulait voyager, voir le soleil et la mer.
Son mari bien sûr le lui avait interdit, mais écouter les hommes et leurs conseils systématiques, était-ce possible ?
Pour elle, non, et elle en était morte, juste au pied du manège, par un matin de juillet.
Le cheval ne s'était nullement soucié de cette femme imprudente qui était si vite passée de vie à trépas.
Quant au mari, il avait changé de femme, persuadé que ce nouveau mariage donnerait à sa vie les couleurs du soleil levant…
A chaque fois qu’il me demandait de mes nouvelles, il n’attendait jamais ma réponse et me donnait des siennes. Souvent elles étaient mauvaises, forcément. Un jour, je n’ai pu m’empêcher de le lui faire remarquer. Il m'a répondu aussitôt.
- Tu veux dire que depuis cinq ans que je te connais, je ne sais toujours pas comment tu vas ?
- Eh oui, ai-je soupiré.
Il m’a observé longuement, a hoché la tête et m’a dit.
- Ma foi, tu as l’air d’aller bien ?
- Eh bien non, je vais mal, j’ai eu un accident de vélo.
- Non, pas possible. Pourtant tu as vraiment l’air d'aller bien !
- Non, tu te trompes, j’ai passé trois semaines à l’hôpital et je vais voir une orthophoniste trois fois par semaine.
- Une orthophoniste ? Je connais ! Moi aussi j’y suis allé il y a deux ans…
Lassée, elle a préféré lui dire qu’elle avait justement rendez-vous avec son orthophoniste et qu’ils pourraient en parler la prochaine fois qu’ils se rencontreraient…
En revenant de chez sa mère, tout le long du voyage en bus, il se dit que non, ce n’était plus possible. Il ne supporterait certainement plus d’aller la voir encore une fois par semaine les prochaines années à venir.
Ses visites le rendaient déjà malade ; si malade que - dans le lycée où il enseignait péniblement ses cours de physique à l'âge de 60 ans - il ne pouvait plus enseigner aucun cours sans bafouiller.
Certains élèves n'hésitaient pas à lui dire qu'à l'âge qui était le sien, tout le monde partait à la retraite pour ne pas passer l'arme à gauche. D'autres hurlaient même que ses cours étaient nuls, et qu'à cause de lui, ils n'auraient pas leur bac. Sans doute n'avaient-ils pas tort ?
Que faire alors ? Tuer sa mère pour ne plus lui rendre visite ? L' idée était certes pertinente, mais qui pourrait le faire ? A quel prix ? Et comment ?
- « Le Crépuscule » est un joli nom, décréta le vendeur au regard souriant.
- Ce nom me fait peur – lui dit-elle - il me rappelle quelque chose mais je ne sais pas quoi.
- Ici, c’est juste un nom de maison, ajouta l’homme au costume bleu.
- Je ne veux aucune maison avec ce nom-là, conclut-t-elle la voix tremblante.
Le vendeur ne répondit rien. Encore une folle, pensa-t-il, ce n’était certes pas la première, mais celle-ci semblait gravement perturbée. Les femmes l’avaient toujours ennuyé, pourquoi étaient-elles si complexes ?
- Eh bien, je crois que je ne peux rien faire pour vous madame. Sans doute souhaitez-vous notre catalogue ?
La dame répondit qu’un catalogue avec de tels noms de maison la ferait pleurer, et elle sortit de l’agence sans même lui dire au revoir.