Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Presquevoix...

Archives
7 septembre 2020

Le rapport

Il a mordu l’oreille de son voisin jusqu’au cartilage. Quand le policier  lui a demandé pourquoi, il lui a répondu qu’il en avait envie depuis longtemps ; " 2 ans d'ailleurs ", a-t-il ajouté.

-          Je ne vous demande pas le nombre d’années où vous en avez eu envie, mais la raison de votre geste, a répondu le policier.

L’homme l’a regardé en silence et a fini par dire.

-          C’était l’amant de ma femme. Alors, moi aussi j’ai décidé d’avoir un petit plaisir après 2 ans d’abstinence.

Le policier n’a rien répondu et a commencé à taper son rapport…

5 septembre 2020

C _ _ _ ARD !

Lorsqu’elle avait voulu entrer dans sa petite salle de classe – salle occupée depuis des années et décorées par ses bons soins pour en faire une salle où l’on peut lire, parler, réfléchir, rêver et dormir, son collègue lui avait dit.

-         C’est moi dans cette salle.

-         Quoi, c’est moi ? avait-elle répondu d’un ton agressif.

-         Eh bien c’est dans mon emploi du temps.

-         Désolée, c’est une erreur du proviseur. Je lui ai demandé cette salle en juin car j’y ai tout mon matériel et ce, depuis 15 ans. Par ailleurs, je sais que la salle d’à côté est libre. J’imagine que les citations en portugais sur les murs ne sont pas adaptées pour l’anglais et tu pourras parfaitement  mettre les tiennes dans la salle d’à côté si tu le souhaites. Tu pourras même y afficher des grossièretés en anglais comme « fuck you », par exemple, ça fera rire les élèves et améliorera leur connaissance de la langue.

Une fois le collègue sorti, elle a enlevé son masque et a répété  « connard » plusieurs fois. Il faut dire que depuis son traumatisme crânien et la désinhibition « extraordinaire » qui avait occupé son esprit et son corps, « connard » était devenu son cheval de course. Et quel bonheur ! Elle avait d’ailleurs fait quelques adeptes depuis, mais n’avait pas encore créé l’ ALCC ( Association de Lutte Contre les Connards ». Elle se demandait tout de même si elle n'allait pas sauter le pas…

 

PS : je recommence la parution de mes textes tous les deux jours. Bonne journée à vous !

3 septembre 2020

Masque noir

Pour la rentrée scolaire, elle avait choisi non seulement un masque noir, mais un léger voile noir qui couvrirait ses épaules, et une robe noire. Elle se disait qu’avec le « risque terroriste », la « menace endogène », et « l’ensauvagement »  de la société – points phares du discours du ministre de l’intérieur – elle échapperait peut-être à ses premières heures de cours du jeudi après-midi ; d'autant plus qu'elle n'avait pas cours le vendredi,  elle serait donc libérée de la première semaine. Duel soulagement !

 

29 août 2020

Le discours imaginaire de rentrée scolaire 2020

Un bourdonnement couvre la voix du Proviseur, comme d’habitude, mais cette année, on a des masques. Au programme, les résultats du bac – excellents, pour une fois, car c’était un bac COVID et il y a eu 99, 99 % de réussite alors que d’habitude on touche les 70 % – les classes à 35 élèves, 36 parfois, les premières et terminales versus réforme Blanquer, les consignes de rentrée du rectorat etc. L’ennui aidant, je me concentre sur les « éléments de langage », c’est tout de même plus drôle.

Ce nouveau Proviseur fait de son mieux pour mettre en application les mots clefs de la « novlangue ». Il commence d’entrée avec le « protocole sanitaire » - port de masques, gel, gestes barrières, brassage etc. - il « balaie le conducteur », avant d’« impacter » » et « d’élargir le périmètre » parle de « bienveillance » – forcément – et soudain surgit le « retour sur investissement », suivi des « cohortes d’élèves »  qui  me terrifient et m’évoquent les troupes d’invasion de Gengis Khan.

Au bout de 40 minutes, le bourdonnement s’accentue et, avec les masques on ne comprend plus rien.  Certains professeurs, distraits, auront raté – tant pis pour eux - les plus belles envolées poétiques du discours, avec « le travail en distanciel », le « décalage temporel », « la mouvance ». Emue, j’ai presque eu envie d’applaudir, voire de pleurer, l’émotion de la rentrée sous le regard du COVID 19.

Une année scolaire qui s’annonce sans doute aussi atypique que la précédente, mais ce n’est pas grave, l’essentiel c’est d’innover et de participer, encore et toujours.  D’ailleurs, question participation, nous sommes les meilleurs, c’est certain, car l’année dernière nous avons tellement participé que nous avons travaillé en distanciel et en présence pour le même salaire. Qui dit mieux ?

 

PS : prochain texte mercredi matin.

24 août 2020

Otage ou professeur ?

Encore une année et demi, ou peut-être deux, de travail avant la retraite. Il est vrai que le temps passe vite, même avec un masque, mais dix-huit longs mois ou plus, ce n’est pas rien, raison pour laquelle elle se demandait tout de même si, aux prochaines vacances de la Toussaint, elle n’irait pas à Niamey, son lieu de naissance.

Tout le monde ne revient-il pas sur les lieux de son enfance afin de cueillir à pleines brassées de merveilleux souvenirs ? Certes, elle en était partie à l’âge de neuf mois et n’en avait aucun souvenir mais n’était-ce pas ce Niger natal qui l’avait conduite, dès son adolescence, à écouter toutes les musiques africaines possibles et imaginables ?

L’enfance, la musique, les voix du désert, le voyage parfait. Et si, au cours de son voyage au Niger, elle était prise en otage – situation périlleuse s’il en est car elle risquait de passer de la vie à la mort, mais ne mourrait-on pas tous un jour ?  -  elle  pourrait ainsi passer du statut d’otage à celui  de retraitée en évitant de passer de longs mois par la case professeur !

 

PS : prochain texte samedi 29 aout !

 

10 août 2020

Lieu saint

Elle avait lu dans un article que Lourdes attendait l'aide financière des pèlerins, pandémie oblige.  Généreuse – elle avait fait un don important pour l’événement baptisé « Lourdes United » -  elle avait ensuite souhaité  aller jusqu'au lieu saint, en blablacar. Certes, il ne s’agissait point pour elle de prier afin de lutter contre la pandémie, mais dans l’espoir que son jardin et ceux de sa région - aussi secs que ceux du Mali -  puissent recevoir les pluies du ciel.

En arrivant à Lourdes, elle fut surprise par le silence qui régnait sur ce lieu saint. Pour l’occasion, elle s’était acheté un ex-voto – celui en forme de cœur – et elle s’était mise à genoux dans l’un des cercles prévus pour assister au télé-pèlerinage organisée par la très sainte ville.

Hélas, au bout d’une demi-heure sous une température de 38 degrés, elle s’était évanouie sur le béton noir.

Au moment où ses yeux s'étaient ouverts, dans un état de semi-conscience, elle s'était demandée si la vierge l’avait abandonnée parce qu’elle s’intéressait plus à son jardin qu’à la pandémie ou  parce qu’elle aurait dû aller voir son père en maison de retraite plutôt que d'aller à Lourdes ? Ne recevant aucune réponse, elle avait fermé les yeux et attendu patiemment que l'on décide de son sort...

 

PS : prochain texte après le 23 aout, si je reviens vivante après mon pèlerinage sur un lieu de villégiature !

 

2 août 2020

Les roses blanches

C’était son anniversaire - impossible d’y couper cela revenait à date fixe -  et il fallait lui offrir quelque chose, traditions obligent. S’il n’offrait rien, ce ne serait que regards en coin et mine patibulaire lors du cérémonial du repas. Il décida donc de lui offrir des roses, mais des roses spéciales, des roses qui ne dureraient qu’une journée et se faneraient aussitôt. Elles coutaient bien moins cher et avaient l’inestimable avantage de ne pas faire durer le plaisir que l’on avait à les regarder. Pourquoi lui ferait-il plaisir ? Lui avait-elle fait plaisir, elle, en le mettant au monde cinquante ans plus tôt ?

Quand, le lendemain de son anniversaire, elle remarqua que les roses avaient flétri, elle ne mâcha pas ses mots quand il revint chez elle.

-          J’en étais sûre. Quel radin tu fais. Les roses ont flétri du jour au lendemain. Ça m’étonnait aussi ces 6 roses blanches.

Il aurait dû lui dire que jamais rien ne la satisfaisait, mais il n’osa pas, jamais il n'avait osé. Alors, il se contenta de répondre.

-          Le blanc c’est la pureté, mais c’est aussi le vide et l’absence.

-          Tu es bien comme ton père, dit-elle énervée. Sauf que lui, il est mort.

Il décida de descendre au jardin, seul endroit où l’air était respirable lorsqu’il se trouvait chez sa mère. N’était-ce pas en raison de cet air toxique que son père était mort si tôt ?

Maintenant, lui-même était seul – sa femme l’avait quitté – et il se demandait si elle n’était pas partie non à cause de lui, mais à cause de cette mère qui l’étouffait et le ferait peut-être disparaître, tout comme son père, à cinquante-cinq ans.

 

PS : prochain texte, après le 9 aout...

 

29 juillet 2020

Voyages…

22 V'LA GHISLAINE

 

Il lui avait dit.

- C'est comme ça que tu t'appelles ?

- Oui. Tu trouves pas que c’est moche, Ghislaine ?

- C’est vrai, c'est moche, avait-il ajouté sans hésiter. Moi c’est Théo.

- C’est beau Théo.

- Non, c’est moche aussi, comme Ghislaine.

L'harmonie, ou presque, d'une rencontre entre deux jeunes enfants. Elle habitait au numéro 22, lui au numéro 20. Un beau début sur cette terre qui éloignait tant de gens.

Le lendemain, elle l'attendait, assise sous l'auvent du 22 et il arriva du 20 à la même heure.

Il lui dit.

- Tu es prête ?

- Oui, mais à quoi ?

- A voyager. Je connais un endroit ou même les Ghislaine sont belles.

- Je te crois pas.

- Suis moi, tu verras.

Et elle le suivit, du CM2 jusqu'en terminale, mais là, il partit pour un nouveau voyage qui racontait une histoire où son personnage à elle n'existait pas. Elle pleura, un peu, beaucoup, passionnément. Puis un jour, elle sourit à nouveau et partit pour un nouveau voyage, mais là, elle avait 20 ans et non pas 9, comme la première fois.

Le héros, quant à lui, portait un prénom que jamais elle n’avait entendu, Noah, et il était beau comme le jour, alors qu’elle sortait de la nuit. Puis les voyages suivirent aux voyages et, aujourd'hui, elle est vieille, très vieille, mais le numéro 22 existe toujours, elle aussi...

 

PS : photo qui m'a été envoyée par Patrick Cassagnes. Merci à lui, car j'avais oublié que ce prénom, d'autres le portaient ;)

 

Prochain texte le 2 aout.

25 juillet 2020

Le père

Moi, je me regarde souvent dans la glace, et jamais je me reconnais. Parfois je ressemble à un robot - l’un de ces robots que nous promet l’intelligence artificielle - ou à un berger allemand, ou alors à mon père, et ça, c’est peut-être le pire. Y a-t-il quelque chose de pire que de ressembler à son père, surtout quand on l’a jamais vu pour de vrai ?

Ce n’est pas que mon père n’existe pas, mais il n’a jamais vécu avec ma mère et il n’a jamais cherché à me connaître, ni à me reconnaître. C’est ce qu’on appelle un père-absent, ou presque, car j’ai toujours vu sa photo trôner dans la chambre de ma mère.

J’ai un petit frère – il a 19 ans et moi 26 - qui lui non plus n’a pas connu son père, mais on n’a pas le même père.

 Les photos de nos pères sont sur le mur en face du lit de ma mère ; celle de mon père à gauche – il paraît qu’il était communiste – et celle du père de mon frère à droite - il paraît qu’il était UMP.

Ma mère dit souvent.

-           A quoi ça sert de connaître son père si on a une mère ?

Je ne lui réponds jamais rien, mais je sais que ça fait mal car l’absence est à l’intérieur de mon cœur et elle ne partira jamais.

Dimanche dernier, avant d’aller à la messe, mon frère – qui veut être curé - lui a dit cette phrase qui est en moi jour et nuit.

-          Tu te prends peut-être pour Marie madeleine, mais tu n’es rien de rien, et nous non plus nous ne sommes rien, rien du tout, que des enfants perdus qui cherchent un chemin dans l’ombre…

 

PS : prochain texte, mercredi 29 juillet

 

 

22 juillet 2020

Premier roman

 

20200620_145140

 

Pour l’été, il avait loué cette cabane sur la plage. Le petit rideau blanc et la couleur orange l’avait séduit. Cette couleur était liée à la créativité, le plaisir, l’optimisme, tout ce qui lui était étranger. Mais pouvait-on changer en passant plusieurs jours dans une cabane orange ?

Il l’avait louée pour un mois et il comptait bien s’atteler à la tâche le plus vite possible. L’intérieur était propret, il ne lui restait juste qu’à installer une petite table et un siège, le reste suivrait. Deux jours plus tard, tout était au rendez-vous, sauf le temps.

Il arrivait dès 9 heures, comme au travail – il était technicien en laboratoire - et il laissait la porte ouverte pour observer les familles qui arrivaient à la plage, les jours où le temps le permettait.

Ce vendredi-là, il avait laissé la porte fermée - il pleuvait – et, alors qu’il était arrivé péniblement à la fin de la première page de son premier roman, quelqu’un avait frappé.

Etonné il avait légèrement entrouvert le rideau et avait découvert une jeune femme aux cheveux roux et à la peau très blanche. Dans ces mains une pancarte tournée vers lui disait : « Je suis la propriétaire de la cabine, pouvez-vous ouvrir la porte SVP, j’ai quelque chose d’important à vous dire. »

Il accepta aussitôt – que risquait-il ? Si ce qu’elle lui dit l’effraya et transforma son visage en masque de cire, il passa de la première page de son roman au dernier chapitre à la vitesse de l’éclair.

L’histoire de la jeune femme aux cheveux roux commençait ainsi - « J’ai tué mon frère un soir de pleine lune. Les loups hurlaient en meute et mon esprit est entré en eux. Je suis moi- même devenue louve, mais de celles qui font disparaître ce qui les hante ... ». Elle termina ainsi son histoire « Maintenant je suis vivante. ». Mais lui, quand serait-il vivant ?

 

PS : photo prise sur la plage de Cabourg en juin 2020.

Prochain texte : samedi 25 juillet

Presquevoix...
Newsletter
8 abonnés