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Presquevoix...

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20 novembre 2020

L’enterrement

Il était mort d’avoir eu peur. Triste destin. D’autant plus que ses funérailles eurent lieu dans la grisaille du Covid. Grand fut le vide ce jour-là, car ses amis ne se déplacèrent pas. Seuls sa femme et son fils étaient présents, mais l’un et l’autre ne se parlaient plus depuis longtemps.

Dans l’église, lorsque le curé eut fini son homélie, les pleurs de la mère entonnèrent un chant violent. Le curé trembla, sans parler du Christ qui tomba de sa croix.

Le fils, lui, avait l’habitude de ces débordements et il ne dit rien. Mais au cimetière, debout près de sa mère, il lui dit à l’oreille.

-          Je crois que père sera heureux, la mort parfois libère.

Sa mère le gifla et le curé fit semblant de ne rien voir, comme il l’avait fait tant et tant de fois avec tant de paroissiens, pardon oblige…

 

PS : prochain texte lundi prochain

 

18 novembre 2020

L’élève et le professeur

Il avait dit à son professeur, à la fin du cours.

-          J’ai trop de problèmes dans ma tête, même un prof de maths ne pourrait pas les résoudre

Et le professeur avait répondu.

-          Essaie d’abord de résoudre les équations, c’est beaucoup plus facile que de résoudre ses problèmes personnels. Moi, les miens, je t’avoue que je ne les ai pas encore tous résolus, et tu imagines l’âge que j’ai avec mes cheveux blancs, alors…

L’élève sourit, mais aussitôt il eut dans sa tête la maison familiale, son père, sa mère, son frère, les disputes, la peur, les silences. Il conclut tout de même.

-          Oui, vous avez raison, je vais essayer de résoudre les équations.

-          Voilà, parfait, répondit le professeur. Résoudre une équation du second degré, ça remet les neurones en place. C’est le professionnel qui te le dit.

Une fois l’élève parti, le professeur repensa avec émotion que oui, les mathématiques pouvaient sauver la vie, ou presque. Que serait-il devenu sans elles ?

 

PS : prochain texte, vendredi prochain.

16 novembre 2020

On line

Depuis qu’ils faisaient l’amour ensemble « on line », par ordinateurs interposés - lui dans sa chambre, elle dans la sienne - tout allait pour le mieux. Mais cela allait-il durer ?

 PS : prochain texte, mercredi prochain

12 novembre 2020

Du coup, pas de souci ?

Il lui avait dit que le totalitarisme sanitaire* menait le monde.

-          C’est simple, on nous drogue au confinement et on nous fait enduire notre corps de gel hydro alcoolique. Du coup, on masse nos cerveaux avec des émotions en médiatisant la pandémie et pas de souci, le mimétisme* part au galop. Du coup on fait déraper l’économie, la culture et l’éducation, et pas de souci le monde déraille* et seuls survivent les plus friqués.

Enervée par ses « du coup » et « pas de souci », je n’avais pas vraiment compris son discours. Il s’en est aperçu aussitôt et a ajouté.

-          Bon, tu ne me comprends pas ? Pas de souci, tu vas continuer à te droguer aux attestations de sortie et tu vas y perdre ta santé mentale, crois-moi !

-          Eh bien, euh... Bon, je vais réfléchir à tout ça. Allez, salut.

Deux jours plus tard, je lui ai téléphoné en lui disant.

-          J’ai réfléchi Victor. Ouais, tu as raison, la psychose nous tue. Du coup, il faut lutter contre la psychose, non ?

C’est après que je me suis rendue compte que le « du coup » était rentré dans mon cerveau, comme toutes ces attestations et tous ces protocoles sanitaires dont on nous abreuvait en faisant défiler au journal de vingt heures des hôpitaux asphyxiés par la covid 19 qui, elle, n’en demandait pas tant !

Soudain, cette question a envahi mon cerveau : Et si on cherchait à nous anesthésier ?

 

*mots lus dans le petit livre de B. Renaud Girard et J. L. Bonnany publié chez Tract : « Quand la psychose fait dérailler le monde », 3 euros 90 chez vos marchands de journaux

PS : prochain texte, lundi 16 novembre

 

9 novembre 2020

Le caveau

Dans la famille, elle avait été la seule enfant à être enterrée dans le caveau familial. Pourtant, quatre enfants étaient déjà morts. Il faut dire qu’il ne restait plus qu’une place dans ce caveau. Mais pourquoi elle et pas les autres ? Une injustice.

Qu’allait-il se passer dans ce lieu obscur entre elle et eux ? Avait-elle hurlé de rage dès son entrée sous terre ou avait-elle décidé de leur parler pour la première fois et de leur dire la souffrance qui avait été la sienne dans le monde des vivants ? Nul ne le savait, nul ne le saurait, et la vie continuerait dans la blancheur de son voile amnésique…

PS : prochain texte, jeudi 12 novembre.

7 novembre 2020

L’air

Elle lui avait dit qu’elle s’était reconnue dans le tableau. Combien de fois l’avait-elle répété ? Peut-être dix, et à la onzième il lui avait dit.

-          Bon, écoute, plutôt que de vivre dans des tableaux, joue à exister, et puis après, tu pourras mourir.

Là, elle l’avait traité de « salaud » avec la litanie habituelle qui commençait par : « C’est dur pour toi le respect des autres, hein ? »

Il avait aussitôt répondu.

-          Bon, encore le grand n’importe quoi au pays du grand nulle part ! Tu m’excuses, je pars. Je laisse la place à ton mari, et je le plains !

Après avoir fermé la porte de l’appartement de sa soeur, il pensa à son mari. Comment pouvait-il encore la supporter, lui qui avait l’air si « normal ». Mais sans doute ne se donnait-il qu’un air.

Et lui, finalement, de quoi avait-il l’air ? Il faudrait qu’il demande à sa femme…

 

5 novembre 2020

Qu’y a-t-il de nouveau dans les lycées ?

J’ai adoré le nouveau protocole sanitaire des établissements scolaires, notamment celui mis en place dans les lycées, et il m’a fait beaucoup rire. Pour une fois qu’on rit !

En fait, il s’agit de travailler comme avant. Souvent 35 élèves par classe, et, toujours, bien sûr, le port du masque obligatoire ; c’est simple, non ?

Pour la cantine, c’est simple aussi : les élèves sont à touche- touche dans la file d’attente, et ils mangent en face à face et les uns à côté des autres, comme avant ; c’est simple non ?

Sans être pourtant du genre angoissé, je me demande si nous, enseignants, nous ne sommes pas considérés comme de la chair à canon. Il est vrai que nous sommes en période de guerre, et maintenant nous en avons même deux, de guerres : la guerre contre le COVID et la guerre contre les terroristes.

A samedi, peut-être, si entre deux je ne meurs pas du COVID ou d’un attentat ! 😉

 

2 novembre 2020

La chambre intérieure

C’est ainsi que son amie lui avait décrit la chambre intérieure de sa mère :

On y trouve un secrétaire avec des centaines de cases aux noms et prénoms différents, et dans chaque case la photo des gens contre lesquels sa rancœur tenace s'exerce. En tête, ils sont quatre : la sœur de sa mère - décédée il y a quelques années, le mari de sa mère – toujours vivant, la mère de sa mère – décédée il y a bien longtemps, et sa fille - mon amie donc -  qui ne sait pas vraiment si ce groupe de tête est toujours à égalité dans cette course aux diplômes.

Elle n’a pu me décrire le contenu des tiroirs inférieurs du secrétaire de sa mère mais elle m’a assuré que cela aurait été si long qu’elle m’aurait ennuyée.

Dans la chambre intérieure de sa mère – a-t-elle poursuivi - il y a aussi une grande armoire où vivent les vêtements de la seule personne au monde digne d’amour : elle-même.

Et puis devant l’armoire – a-t-elle ajouté -  il y a le lit où sa mère  se couche  sous ses draps  de souvenirs et sa couverture de rancune. Un très beau lit où elle dort seule depuis bien longtemps. Son mari – autre objet de rancune – dort dans une autre chambre.

Après avoir attentivement écoutée mon amie, je me suis dit qu’il y avait des âges où – dans cette chambre intérieure - aucune fenêtre ne pouvait être ouverte afin d’éviter les risques de contamination. Si une seule fenêtre s’entrouvrait, le vent entrerait et ferait assurément disparaître l’espace de cette chambre intérieure en provoquant - qui sait ? – la mort intérieure…

 

PS : prochain texte jeudi prochain.

 

31 octobre 2020

La garde à vue

Avant, il empoissonnait sa femme à temps partiel, mais depuis qu’il était à la retraite, c’était à temps complet et elle n’en pouvait plus. Dans un élan de courage elle lui dit.

-          Si tu me dis une parole, une seule parole insupportable, je me convertis à la religion musulmane.

Il ne répondit rien mais sortit un couteau  de boucher d'un sac qu'il avait laissé sur le canapé – il faut dire qu’il avait travaillé vingt ans au rayon viande d’Intermarché et que le hachoir était son outil quotidien.

Elle lui répondit.

-          Je ne te conseille pas, Jean, car sur mon portable, j’ai l’application antidécapitation* et toi non plus, tu n’en sortiras pas vivant.

Dix mintues plus tard, il était dans la voiture des flics et le soir même, elle se buvait un muscadet avec sa voisine de palier pour fêter le séjour de son mari en garde à vue…

 

*caricature vue sur le Charlie Hebdo de cette semaine.

28 octobre 2020

Le gigolo

Il disait que celui qui n’aime qu’une femme est un égoïste, alors il en a aimé des mille et des cents et sa vie a ressemblé à une joyeuse symphonie.

Sauf qu’à la mille cent unième, après une gigue où les « olé » ont dépassé les bornes, il est tombé raide mort sur son lit de gigolo. Sa dernière « amie » n’a rien pu faire et lui a fermé les yeux, lui qui jamais ne voulait les garder fermer quand il faisait l’amour.

A son enterrement, à l’Eglise de l’Immaculée Conception, il y avait tant et tant de femmes, que le curé a fait un malaise. C’est Marie et Marie qui l’ont relevé.

Anne a commencé alors l’éloge funèbre et des rires étouffés s’entendaient dans la nef ; le chœur lui, restait silencieux. Elle a dit.

- les femmes que tu as envoyées au ciel avaient tous les âges, mais toi un seul, l’âge de la déraison. Toutes, ici présentes, nous étions la source de tes revenus, nous le savions et l’acceptions. Quel autre métier aurais-tu pu faire avec de tels atouts ? Trois, ai-je comptés : ton humour, ton goût et ton divin pénis. »

Au moment où le mot « pénis » a été prononcé, le curé s’est levé, les joues rouges, la voix rauque ;  et là, les rires ont immédiatement cessé !

 

PS : prochain texte samedi 31 octobre

 

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