Le père
Moi, je me regarde souvent dans la glace, et jamais je me reconnais. Parfois je ressemble à un robot - l’un de ces robots que nous promet l’intelligence artificielle - ou à un berger allemand, ou alors à mon père, et ça, c’est peut-être le pire. Y a-t-il quelque chose de pire que de ressembler à son père, surtout quand on l’a jamais vu pour de vrai ?
Ce n’est pas que mon père n’existe pas, mais il n’a jamais vécu avec ma mère et il n’a jamais cherché à me connaître, ni à me reconnaître. C’est ce qu’on appelle un père-absent, ou presque, car j’ai toujours vu sa photo trôner dans la chambre de ma mère.
J’ai un petit frère – il a 19 ans et moi 26 - qui lui non plus n’a pas connu son père, mais on n’a pas le même père.
Les photos de nos pères sont sur le mur en face du lit de ma mère ; celle de mon père à gauche – il paraît qu’il était communiste – et celle du père de mon frère à droite - il paraît qu’il était UMP.
Ma mère dit souvent.
- A quoi ça sert de connaître son père si on a une mère ?
Je ne lui réponds jamais rien, mais je sais que ça fait mal car l’absence est à l’intérieur de mon cœur et elle ne partira jamais.
Dimanche dernier, avant d’aller à la messe, mon frère – qui veut être curé - lui a dit cette phrase qui est en moi jour et nuit.
- Tu te prends peut-être pour Marie madeleine, mais tu n’es rien de rien, et nous non plus nous ne sommes rien, rien du tout, que des enfants perdus qui cherchent un chemin dans l’ombre…
PS : prochain texte, mercredi 29 juillet