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Presquevoix...

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13 mars 2015

Le prénom

Elle avait appelé sa chienne « Pubis », et elle n’était pas mécontente du  petit effet que cela produisait quand elle l’appelait dans les lieux publics…

 

11 mars 2015

L’anniversaire

20150305_100015Il lui avait dit : 58 ans, ça se fête ! Pourquoi, elle ne le savait pas, mais il en avait décidé ainsi. Et ils étaient partis dans la baie de Somme. Sur la digue, il lui avait ordonné.

-          Tiens, assieds-toi là, on va immortaliser.

Et elle s’était assise à l’endroit indiqué, pour immortaliser quoi au juste ? Elle n’en savait rien.

L’hôtel avait été méticuleusement choisi, le restaurant aussi ; une mise en scène finement orchestrée pour parfaire une chute qu'elle n'aurait pas même imaginée,  pourtant elle écrivait des histoires depuis plus de 20 ans.

Avant de la faire passer du statut d’être de chair et d’os à celui de personnage, il avait eu la courtoisie de lui expliquer :  Maintenant que ma nouvelle est achevée, tu dois mourir, désolé. Sois bien sûr que je te regretterai.

Et il la tua avec tact.

 PS : photo de G. B.  prise par C.V. le jeudi 5 mars 2015, à St Valéry sur Somme

9 mars 2015

Duo de mars

Après le texte de Caro, voici le mien. La source d'inspiration est toujours Youkali, de kurt Weill. Pour lire les paroles, c'est ici.

 

 

Youkali

Quand la fée l’avait surprise dans l’oubli de son sommeil, elle lui avait murmuré « C’est presqu’au bout du monde » ; et elle l’avait suivie sans hésiter. Elles avaient toutes deux parcouru  de longues steppes battues par les vents  pour finalement arriver près d’une mer gelée ;  là, elle s’était  réveillée.

La pièce était plongée dans une semi-obscurité et à ses côtés, un homme : qui était-ce ? Elle se pencha au-dessus de son visage tranquille encadré de cheveux bruns. La veille, était-elle revenue assez  ivre pour avoir oublié qui l’accompagnait ?

Son rêve l’avait fatiguée et s’asseoir fut une épreuve. Pourquoi son corps était-il  perclus  comme si elle avait dû se livrer à un combat de chaque instant ?

L’homme ne bougeait pas et son visage d’un blanc laiteux ressemblait à ces têtes sculptées que l’on voit dans les musées. Il était beau ; bien plus beau que ceux qu’elle avait connus auparavant.

Elle se surprit à dire Youkali  ;  mais d’où lui venait ce nom ?  Elle le murmura à l’oreille de l’homme et quand ses lèvres effleurèrent sa joue, elle se rendit compte que sa peau avait la froideur du marbre. Elle frissonna.

Le téléphone sonna et elle répondit aussitôt. Une voix demanda.

-          Jeanne ? Comment ça s’est passé ?

-          Je ne comprends pas.

-          Eh bien tu l’as tué oui ou non ?

-          Mais qui ?

-          Ce type qui te faisait tourner en bourrique. Tu m’as dit hier que tu allais le tuer parce qu’il te prenait pour une conne.

-          Eh bien… je crois qu’il est mort.

La voix raccrocha avant qu’elle n’ait eu le temps de lui dire quoi que ce soit d'autre.

Oubliant le corps de l'homme, elle mit quelques affaires dans un sac. Ses gestes automatiques ne la surprenaient pas, ou si peu.

Une fois lavée et habillée, elle sortit, son sac à la main. Sur le pas de la porte, elle respira profondément, regarda autour d'elle, puis marcha d'un air décidé vers la voiture bleue qui attendait sagement non loin de la maison.  Ce n’était pas sa voiture mais, lorsqu’elle mit la clef dans le contact, celle-ci démarra immédiatement. Sans doute l’avait-on laissée à cet endroit pour elle, afin qu’elle parte au plus vite une fois sa tâche accomplie.

Alors que la voiture s’engageait sur l’autoroute, elle se surprit à fredonner  « Youkali, c’est la terre où l’on quitte tous les soucis, C’est, dans notre nuit, comme une éclaircie, L’étoile qu’on suit, c’est Youkali

Il y avait maintenant un quart d'heure qu'elle roulait. Elle se rendit compte alors, qu'il était temps de vérifier une  chose : qui était cette Jeanne, dans cette voiture bleue qui roulait vers Youkali ?

 

 

 

 

7 mars 2015

Duo de mars

Nouveau duo avec Caro. Cette fois, le choix m'appartenait, et j'ai choisi comme source d'inspiration Youkali, de kurt Weill, ici interprété sobrement par  Sarah Holtrop.

Pour lire les paroles, c'est ici

Aujourd'hui, je mets en ligne le texte de Caro. Elle a choisi de l'associer au  tableau de Watteau, pélerinage à Cythère.

Mon texte sera publié lundi prochain.

                                                                       


 

watteau-pelerinage-cythère-fPourquoi une île.

 

Plan Vigipirate, couleur rouge. Il me suffit de changer de continent pour oublier les détails.

L'homme de la consigne ne veut pas de ma valise cabine. Catégoriquement. Jusqu'à ce toussotement discret. « S’il vous plaît, pourriez-vous... ». Dans la minute qui suit, ma valise disparaît  dans une des allées numérotées. Dans ma main, un jeton rouge marqué 43.

Cet après-midi, escale à Paris. J'ai choisi de faire halte au Louvre, musée où je me retrouve cour Marly, carré des sculptures. Entourée de silhouettes blanches et amicales, je surprends une attitude, je m'attarde sur une main de marbre qui s'envole ou repose. Une autre fois, un portrait peut m'attirer, le velouté d'un tissu, le satiné, les cramoisis qui se nichent dans l'ombre.

Cet après-midi,  je suis encore retournée voir le Watteau, Pèlerinage à l'île de Cythère.

 

Entre deux aéroports, deux missions, deux pays, j'atterris toujours dans un musée : Prado, Tate, Guggenheim, Moma, Rijksmuseum. Pourquoi ? Même ici, à Paris ? Après tout, je pourrais passer chez moi.

Je pourrais.

Je ne le fais pas.

Jamais.

Ou alors, je bascule vers une île. En fait, je voyage le plus souvent entre une île et  le reflet d'une île.

 

Un  toussotement discret « Pourquoi une île ? »

Je ne me souviens que du velours du divan. Les îles. Les musées. Les séances laissent en blanc les réponses et ces souvenirs absents depuis mes sept ans.

« Votre mémoire est telle un patchwork que vous cousez sans relâche. » Des images soyeuses d'îles et de rivages glissent désormais sous mes doigts, dessins multicolores que je relie les uns aux autres.

« Les souvenirs sont parfois sans fin. » Le patchwork se disloque, le rêve s'effiloche. Plus rien, seul ce blanc, ce vide aveuglant. Oublier le divan, sa peau pelucheuse. Je me lève, je voudrais rassembler les pièces de ma mémoire en une couverture d'un seul tenant, une étoffe sans couture où je lirais au toucher la carte d'une île bleue comme l'enfance. Là où le blanc n’est plus couleur.

 

Le pèlerinage à l'île de Cythère. Je m'approche. La soie d'une robe, la touche de clarté dans les frondaisons, la rive accueillante. Partir, rester. Ma vie balance entre des îles floues.

Un toussotement. Une voix sourde derrière moi. « Pourquoi une île. » Et cette chanson...  C'est presque au bout du monde Ma barque vagabonde Errante au gré de l'onde M'y conduisit un jour L'île est toute petite  Je me retourne. Soudain, mille couleurs éclatent comme un patchwork et se dissolvent dans ce blanc qui ne veut pas mourir.

 

On m'a allongée sur une banquette. Quelle heure est-il ? Je dois être à Orly à 19 h 45. Je fouille ma pochette. Mon jeton est là, le 43. Mon billet d'avion. Et une feuille pliée avec, griffonnées dessus, les mêmes paroles entendues toute à l'heure. 

Youkali    C'est presque au bout du monde Ma barque vagabonde Errante au gré de l'onde M'y conduisit un jour L'île est toute petite Mais la fée qui l'habite...

Je regarde attentivement mon billet, l'heure, la date, n'ont pas changé. Orly à 19 h 45. Le nom de la compagnie m’est inconnu. La destination aussi.

Youkali.

 

 

 

 

5 mars 2015

Le frère

Son frère était son miroir grossissant et il lui en était reconnaissant. Quand il prenait 1 kilo, son frère en prenait 3, et quand il en prenait 2, celui-ci en prenait immanquablement  6.

Comme il ne  voyait son frère qu’une fois par semestre, l’effet loupe n’en était que plus saisissant. Il se mettait alors au régime avec pesée chaque jour et une mise à jour  de sa  courbe de poids sur son carnet de santé en ligne…

3 mars 2015

Chirurgie

Depuis qu’elle s’était fait lifter le visage et les paupières intérieures, pour avoir l’air d’être une maman plus jeune – elle avait eu son premier enfant à 38 ans et le deuxième à 40 -  son fils de 6 ans s’obstinait à ne pas la reconnaître. Il n’arrêtait pas de dire.

-          Je veux ma maman.

Ce à quoi elle répondait patiemment.

-          Mais c’est moi ta maman, mon chéri.

Jusqu’au jour où il rétorqua.

-          Non, t’es pas ma maman, t’es moche et je t’aime pas !

 

1 mars 2015

Retrouvailles

Ils se retrouvèrent par hasard lors d’un enterrement, quarante ans jour pour jour après leur premier rencontre, celle où ils avaient failli…

Elle était avec son mari, il était avec sa femme. Ils échappèrent un instant à leurs obligations familiales pour se saluer.

-  Tu n’as pas changé, lui dit-il.

-  Toi si, rétorqua-t-elle peu soucieuse des convenances.

Puis la conversation se poursuivit aimablement sans que ni l’un ni l’autre n’aborde « le sujet ». Dix minutes plus tard, ils furent rejoints par leurs conjoints respectifs qui  s’étonnaient de leur absence.

Les présentations furent faites, sans enthousiasme, et chacun se jaugea poliment.

Quinze minutes plus tard, ils se séparèrent, se promettant bien sûr de se revoir, mais ils n’avaient surtout pas échangé leurs numéros de téléphone.

 

27 février 2015

Déménager

DElle voulait déménager, mais  passer de son cerveau 1 à son cerveau 2 était loin d’être simple car aucun déménageur ne voulait lui faire un devis.  Puis, par le hasard le plus complet, elle avait rencontré « Seigneur déménagements ». Comme ils faisaient aussi garde-meubles, elle en avait profité pour leur demander de garder le mobilier qu’elle savait ne plus lui être utile mais  dont elle hésitait à se débarrasser définitivement, d’autant plus qu’il s’agissait d’héritages.

Malgré le coût du devis, elle avait signé. Le déménagement eut lieu le jour de la Pentecôte. Quand on sonna, elle descendit et ne vit qu’un jeune homme frêle à la barbe bien taillée et aux yeux clairs.

- Vous êtes seul ? Dit-elle étonnée.

Il lui répondit,  de façon énigmatique, qu’avec l’aide de Dieu tout était possible. Et  tout fut possible. En deux temps trois mouvements, le transfert fut fait  Elle se sentit plus légère.

Avant de lui tendre  la facture rédigée sur papier bible, le jeune homme lui dit.

- Voyez, et gardez-vous de toute avarice ; car encore que quelqu’un soit riche, sa vie n’est pas dans ses biens.

- Je vous demande pardon ?

- Évangile selon Luc, chap. 12, p. 58, vers 15.

- Je ne connais pas les Evangiles.

Il fouilla dans l’une de ses poches et lui tendit le nouveau testament.

- Cadeau ! Ça peut toujours servir. Habiter un nouveau cerveau  n’est jamais simple et je sais de quoi je parle.

Elle prit le nouveau testament, le remercia et le jeune homme partit immédiatement.

Elle constata qu’il avait  raison, habiter son nouveau cerveau fut loin d’être une sinécure et chaque jour – pour pallier la nostalgie qui était la sienne  -  elle ouvrait  le nouveau testament au hasard afin d’y trouver une citation à méditer. Le premier jour, elle tomba sur celle-ci : Ne jugez pas sur l’apparence, mais portez un jugement juste.

 

PS : photo prêtée par D. Hasselmann

25 février 2015

Les hommes

Il pleut. Impossible d’aller à mon rendez-vous : je suis phobique. Une seule goutte d’eau me met dans un état indescriptible. Ma première crise date de l’époque où j’étais mariée. Nous étions au mois de juillet et nous venions de fêter notre première semaine de mariage. Nous avions décidé de célébrer les semaines et non les années car nous étions convaincus que cela fortifierait notre amour.

Lorsque nous sommes sortis du restaurant - moi dans la robe rouge qui lui avait plu lorsqu’il m’avait vue pour la première fois, et lui en jeans - nous avons marché jusqu’au fleuve. A l’endroit exact de notre première rencontre, il m’a embrassée. C’est à ce moment-là que j’ai senti la première goutte de pluie. J’ai frissonné. Allez savoir pourquoi,  le lendemain de cette pluie d’été, il partait. Notre mariage a totalisé huit jours de vie commune.

Depuis son départ, je ne cesse de rencontrer des hommes : les petites annonces du journal local font merveille ; Meetic aussi.

Je me suis fixée une règle à laquelle je ne déroge jamais : un homme par mois. Jusqu’à présent je n’ai pas été déçue mais ai-je vraiment le temps de l’être ? Je les reçois souvent chez moi et je les fais parler d’eux. Contrairement à ce que l’on pense, les hommes adorent parler, il suffit de savoir s’y prendre. Moi, j’aime les écouter, surtout quand ils parlent de leur femme. C’est étrange de les entendre parler de celle que j’aurais pu être.

Après chaque rencontre, je prends des notes. Un jour j’écrirai sans doute un roman…

23 février 2015

La lettre

Monsieur,

 Je prends la liberté de vous écrire cette missive pour vous signaler que vous avez tout bonnement oublié de me téléphoner afin de me donner un nouveau rendez-vous et ce, depuis le mois de février 2008.

 Je vous rappelle brièvement les faits : avant les vacances de février, vous m’aviez donné un rendez-vous sur la même plage horaire qu’un autre de vos « patients », et j’ai donc attendu trois quarts d’heure dans votre salle d’attente – terriblement déprimante à vrai dire et je vous conseille d’en changer les couleurs -  pour  finalement repartir sans avoir pu être écoutée. Vous m’aviez alors assuré – et je vous avais bien sûr fait pleinement confiance -  que vous me rappelleriez  sous peu.

 Le problème, voyez-vous – serait-ce un  manque d’éthique  de votre part ?- c’est que deux mois ont passé et  que je n’ai toujours pas eu de coup de téléphone de votre secrétariat.

 Puis-je me permettre de vous dire que vous avez une chance inouïe : je ne suis ni paranoïaque, ni de tempérament  suicidaire, juste un peu névrosée, comme vous sans doute. Imaginez qu’en deux mois, j’aurais eu largement le temps de vous harceler téléphoniquement ou de faire preuve d’imagination et d’opiniâtreté afin de réussir mon suicide ! Mais il est vrai que vous êtes bien placé pour savoir que la vie est faite de « drames » – petits et grands – et que, finalement, nous sommes tous appelés à disparaître un jour ou l’autre : alors, un peu plus tôt, est-ce si grave surtout lorsqu’il ne s’agit pas de soi ?

 J’espère que vous excuserez cet  humour noir  - j’affectionne particulièrement ce genre - qui n’a pour but que de mettre l’accent sur ce « petit » oubli qui aurait pu avoir de graves conséquences pour vous, et surtout pour moi.

 En espérant que vous ne m’en voudrez pas de ce rappel, veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

 Elisa Mayer

 PS : je mets bien sûr fin à mes rendez-vous hebdomadaires.

 

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