Duo de mars
Après le texte de Caro, voici le mien. La source d'inspiration est toujours Youkali, de kurt Weill. Pour lire les paroles, c'est ici.
Youkali
Quand la fée l’avait surprise dans l’oubli de son sommeil, elle lui avait murmuré « C’est presqu’au bout du monde » ; et elle l’avait suivie sans hésiter. Elles avaient toutes deux parcouru de longues steppes battues par les vents pour finalement arriver près d’une mer gelée ; là, elle s’était réveillée.
La pièce était plongée dans une semi-obscurité et à ses côtés, un homme : qui était-ce ? Elle se pencha au-dessus de son visage tranquille encadré de cheveux bruns. La veille, était-elle revenue assez ivre pour avoir oublié qui l’accompagnait ?
Son rêve l’avait fatiguée et s’asseoir fut une épreuve. Pourquoi son corps était-il perclus comme si elle avait dû se livrer à un combat de chaque instant ?
L’homme ne bougeait pas et son visage d’un blanc laiteux ressemblait à ces têtes sculptées que l’on voit dans les musées. Il était beau ; bien plus beau que ceux qu’elle avait connus auparavant.
Elle se surprit à dire Youkali ; mais d’où lui venait ce nom ? Elle le murmura à l’oreille de l’homme et quand ses lèvres effleurèrent sa joue, elle se rendit compte que sa peau avait la froideur du marbre. Elle frissonna.
Le téléphone sonna et elle répondit aussitôt. Une voix demanda.
- Jeanne ? Comment ça s’est passé ?
- Je ne comprends pas.
- Eh bien tu l’as tué oui ou non ?
- Mais qui ?
- Ce type qui te faisait tourner en bourrique. Tu m’as dit hier que tu allais le tuer parce qu’il te prenait pour une conne.
- Eh bien… je crois qu’il est mort.
La voix raccrocha avant qu’elle n’ait eu le temps de lui dire quoi que ce soit d'autre.
Oubliant le corps de l'homme, elle mit quelques affaires dans un sac. Ses gestes automatiques ne la surprenaient pas, ou si peu.
Une fois lavée et habillée, elle sortit, son sac à la main. Sur le pas de la porte, elle respira profondément, regarda autour d'elle, puis marcha d'un air décidé vers la voiture bleue qui attendait sagement non loin de la maison. Ce n’était pas sa voiture mais, lorsqu’elle mit la clef dans le contact, celle-ci démarra immédiatement. Sans doute l’avait-on laissée à cet endroit pour elle, afin qu’elle parte au plus vite une fois sa tâche accomplie.
Alors que la voiture s’engageait sur l’autoroute, elle se surprit à fredonner « Youkali, c’est la terre où l’on quitte tous les soucis, C’est, dans notre nuit, comme une éclaircie, L’étoile qu’on suit, c’est Youkali”
Il y avait maintenant un quart d'heure qu'elle roulait. Elle se rendit compte alors, qu'il était temps de vérifier une chose : qui était cette Jeanne, dans cette voiture bleue qui roulait vers Youkali ?