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Presquevoix...

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13 mars 2020

une étrange nouvelle

Hier soir, dès 20 heures,  un étranger qui dit s'appeler Emmanuel M est venu nous donner une bien étrange nouvelle  : les établissements scolaires fermeront dès lundi 16 mars. Ah bon ? Comme en Italie, mais bien après l'Italie ?

Il est aussi prévu - comme nous le signalent nos supérieurs hiérarchiques - d'établir un plan de continuité de l’activité pédagogique. Oui, nous vivons dans le meilleur des mondes.

Cela m'a rappelé ce que disait un élève de terminale hier matin quand il a appris que les élèves dont on fermait les collèges et les lycées devaient travailler à la maison : " Et ils croient qu'on va travailler chez nous ? Ils rêvent ! On n'écoute déjà pas en cours !"

J'avoue qu'il m' a fait rire ; pourtant, en période de pandémie, le rire n'est plus à l'ordre du jour  !

 

PS : prochain texte lundi

 

11 mars 2020

L’immeuble

Je hais mes voisins. La folle du quatrième continue de jeter ses croûtons de pain aux oiseaux du haut de sa fenêtre en visant systématiquement les gens qui passent dans la cour intérieure, dont moi ;  le vieux du rez-de-chaussée a recueilli un quatrième chien, il est vrai que les trois autres n’aboyaient pas assez fort ; le pachyderme du deuxième a remplacé les poteaux de l'étendage collectif par des perches gratuites en fer rouge qui n’ont  pas plu au parano du deuxième qui a voulu lui casser la gueule en l’accusant de choisir le rouge justement parce qu’il détestait cette couleur. Quant au voisin du troisième, celui qui « reçoit » en permanence des dames de toutes les couleurs, il a balancé par la fenêtre la nuisette de sa dernière copine en hurlant qu’il en avait marre de se faire « sucer » par des incapables. Depuis cette soirée historique, la nuisette de la fille est restée accrochée dans l’arbre dont la branche, ainsi habillée, s’est transformée en première œuvre éphémère de l’immeuble…

 

9 mars 2020

la vache

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Quand elle avait dit à la vache que l'ennui était à la croisée des chemins, celle-ci lui avait répondu.
- Eh bien prends la mer.
- La mer, non, jamais !
La vache la fixait, placide, puis elle finit par lui donner un conseil.
- Alors, reste assise dans le pré et regarde le ciel.
Et deux heures durant, ou plus, elle avait observé le ciel et ce qu'elle avait vu l'avait émue au point qu'elle en avait versé des larmes, des larmes bleu clair, peut-être des larmes de bonheur ?

PS : photo prise dans la Creuse en 2018

7 mars 2020

L’ascension

Il avait consacré toute son énergie à se dépasser et maintenant il était usé, non de l’extérieur - parce que de l’extérieur tout était lisse et net comme à l’habitude - mais de l’intérieur. Son âme errante frôlait parfois l'abîme, mais personne ne le savait, sauf lui.

Combien de fois n’avait-il pas fait ce cauchemar : il gravissait une échelle et, arrivé au sommet, le barreau cassait, il tombait dans le vide et il était réveillé par le cri terrifiant qu’il poussait. 

Quarante ans à monter les barreaux d’une échelle qui n’en finissait pas de se dresser vers le ciel, 40 ans à ne pas pouvoir regarder en arrière ; la peur d’être aspiré par le vide.

Qui l’avait désigné pour cette ascension ? Son père ? Sa mère ? Ou lui, tout simplement, mais pour quelle mystérieuse raison ?

 

5 mars 2020

Deux

Tous deux étaient délirants - de fidèles habitués de l'hôpital de jour -  et chacun disait de l'autre qu'il était fou, complètement fou.  Le jour où ils se rencontrèrent dans l'unique restaurant végétarien de la ville où ils habitaient, ils s'assirent à la même table - il n'y en avait pas d'autre de libre - et entamèrent une  conversation incompréhensible  que je préfère ne pas vous raconter car vous ne me croiriez pas. Ils restèrent deux heures assis face à face. Deux heures où la nature végétale du repas provoqua chez eux d'étranges fous rire.

Au moment de partir, en se serrant la main, ils en vinrent à la même conclusion, au même moment : "Au royaume des fous, les délires sont rois !". Ils se regardèrent en souriant et chacun insista - avec une politesse extrême -  pour payer le repas de l'autre alors que leur addition était totalement identique.

Ils partirent grands amis en pensant, en leur for intérieur, que le plus fou des deux n'étaient pas celui que l'on pensait...

3 mars 2020

Extinction

Elle devait se marier samedi mais il y avait cette extinction de voix qui n’en finissait pas. Au début, elle avait cru qu’il s’agissait du coronavirus dont on parlait temps. Mais non, le médecin lui avait dit NON, pas de coronavirus. Dommage, elle aurait pu réfléchir un peu…

Le problème était le suivant : sa voix cherchait-elle à lui dire quelque chose qu’elle ne pouvait entendre ?

Pourtant, ce mari-là, elle l’avait choisi avec soin ; pas comme le premier ni comme le deuxième ni même comme le troisième ou le quatrième. Avec celui-ci, ce serait du solide, s'était-elle dit.

Mais il y avait la voix, ou plutôt son absence...

 

29 février 2020

L’ours

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Quand la petite fille avait vu l’ours sur la branche, elle avait demandé à son père.

-          Et pourquoi il a pas de bras et pas de bouche l’ours ?

-          Parce qu’un ours n’a jamais de bras, avait répondu son père en souriant.

La petite fille était restée quelques secondes silencieuses face à l’ours, puis elle lui avait dit, en le regardant droit dans les yeux.

-          Tu vois l’ours, papa il sait même pas pourquoi t’as pas de bras et pas de bouche. Moi je sais.

Et puis elle était partie en riant alors que son père contemplait la marionnette.

-          Papa, tu viens ? cria-t-elle.

Etonné, il se demanda ce qu’il avait fait de son imagination pendant toutes ces années au pays des adultes.

 

PS : photo prise dans le parc du lycée en 2017. Prochain texte mardi 3 mars.

26 février 2020

Changer de vie

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Qu’est-ce qui fait une ruine ? C’est ce qu’il m’a demandé en me regardant avec insistance.

D’accord, j’avais passé 49 ans et lui en avait trente, mais cela justifiait-il de me parler ainsi ?

Je le lui ai fait remarquer. Moqueur, il  m’a traité de « parano ». Puis il a rajouté, l’air ironique.

-          Les ruines ont aussi leur charme !

Là, je l’ai tué, il n’aurait pas dû continuer ; d’autant plus que c’est moi qui subvenais à ses besoins. Et question besoins, il en avait, surtout financiers.

Maintenant, je suis à Bonne Nouvelle, quartier femmes. Après mon procès, je serai certainement transférée soit à Rennes, soit à Poitiers. Je préfère Rennes, ça me rappellera mon enfance, c’est là que je suis née.

Ici, je m’occupe de la bibliothèque, ça me change de la comptabilité. Je conseille les filles en fonction de l’histoire qui a été la leur et je leur dis qu’avec un livre, on peut sortir du « trou » de notre vie. Au début, elles ne me croyaient pas, mais maintenant, elles me disent merci.

Quand je sortirai – dans 15 ans peut-être ?  - j’ouvrirai une petite librairie qui s’appellera : « chat commence aujourd’hui ». Allez savoir pourquoi…

 

prochain texte samedi 29 février.

 

24 février 2020

L’exaspération

Quand elle lui avait demandé comment il allait après le décès de sa mère, il avait répondu énervé.

-          Putain, il y a des morts exaspérants, je t’assure !

Elle n’avait pas compris. Lui si attentif, si gentil avec sa mère.

-          Mais pourquoi tu dis ça ?

Il avait hésité puis avait fini par lâcher le morceau.

-          Quand elle était vivante je n’en venais pas à bout et depuis qu’elle est morte, elle envahit le territoire, elle est toujours là.

-          Et si tu allais voir quelqu’un pour t’aider ?

Le « quelqu’un » le fit rugir aussitôt.

-          Quelqu’un ? Tu me prends pour un dingue ou quoi ?

-          Tout de suite les grands mots. Je voulais dire quelqu’un qui t’écouterait et te remettrait sur le chemin de la vie, celle que tu aimerais vivre, maintenant, la tienne.

Il ne lui répondit rien et continua à maugréer, en boucle. Puis, avant de partir, il conclut.

-          Putain, il y a des morts exaspérants ! Tu verras quand ta mère mourra.

22 février 2020

La marelle

 

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Oui, c’était la cour de l’école où elle avait passé son enfance et il y avait toujours une marelle, pas la même, mais une autre qui lui ressemblait. La cour aussi avait changé, plus de terre, dommage, les enfants ne pouvaient plus jouer aux billes comme avant, mais jouait-on encore aux billes dans les cours d’école ?

Elle s’amusa à grimper jusqu’au ciel de la marelle en chantant ce « jogo d’Amarelinha » qu’elle avait tant aimé mais, une fois arrivée au ciel, Saint Pierre lui dit.

-          Il aurait mieux valu que tu attendes ton tour. Maintenant tu es sur liste d’attente pour le paradis. La liste est longue, je peux te le dire, et il y a peu d'élus !

Elle comprit soudain que la terre avait disparu et qu’elle était perdue…

 

PS : photo prise à St Prix, sur la fameuse cour  de cette école primaire où j'ai passé cinq années dont il me reste encore quelques souvenirs...

 

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