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Presquevoix...
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30 juin 2020

Le discours imaginaire de rentrée scolaire 2020

Un bourdonnement couvre la voix du Proviseur, comme d’habitude, mais cette année, on a des masques. Au programme, les résultats du bac – excellents, pour une fois, car c’était un bac COVID et il y a eu 100 % de réussite alors que d’habitude on touche les 70 % - les classes à 35 élèves – 36 parfois – les premières terminales versus réforme Blanquer, les consignes de rentrée du rectorat etc. L’ennui aidant, on se concentre sur les « éléments de langage », c’est tout de même plus drôle.

Ce nouveau Proviseur fait de son mieux pour mettre en application les mots clefs de la « novlangue ». Il commence d’entrée avec le « protocole sanitaire » - port de masques, gel, gestes barrières etc - il « balaie le conducteur », avant d’« impacter » » et « d’élargir le périmètre » parle de « bienveillance » – forcément – et soudain surgit le « retour sur investissement », suivi des « cohortes d’élèves »  qui  me terrifient et m’évoquent les troupes d’invasion de Gengis Khan.

Au bout de 40 minutes, le bourdonnement s’accentue et, avec les masques on ne comprend vraiment plus rien.  Certains professeurs, distraits, auront raté – tant pis pour eux -  les plus belles envolées poétiques du discours, avec « le travail en distanciel », le « décalage temporel », « la mouvance » . Emue, j’ai presque eu envie d’applaudir, voire de pleurer, l’émotion.

Une année scolaire qui s’annonce  aussi mauvaise que la précédente, mais ce n’est pas grave, l’essentiel c’est de participer, non ? Et question participation, nous sommes les meilleurs, car l’année dernière, nous avons tellement participé que nous avons travaillé en distanciel et en présence. Qui dit mieux ?

28 juin 2020

Dieu-E ?

 

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Dieu est une femme, je l’ai rencontrée, voici ce qu’elle lui avait dit à la cafétéria de l’hôpital psychiatrique. Il avait failli lui répondre qu’il se fichait que Dieu soit une femme ou un homme car il ne croyait en rien. Mais peut-on dire que l’on ne croit en rien, que l’on ne pense à rien, que l’on ne s’oblige à rien ?

Pour lui, le rien était apparu dès sa naissance, et peu à peu, il était entré dans sa vie. Un désert de rien. Une immensité de rien dans le bleu de l’humanité. Quelqu’un avait-il déjà écrit sur ce RIEN-là ?

Fernando Pessoa, peut-être, mais il ne se reconnaissait nullement dans cet écrit qu’il avait pourtant inscrit sur le mur de sa chambre, face à son lit :

« Je ne suis rien

Jamais je ne serai rien

Je ne puis vouloir être rien

Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde. »

 

Lui, ne portait aucun rêve, mais il ouvrait son cœur au rien…

 

PS : photo prise à Rouen, sur l’un des murs de la ville.

25 juin 2020

le pied


Elle prenait son pied partout. Quel mal y avait-il à ça ? D'autant plus que maintenant, elle portait un masque, et que les choses se faisaient  dans la plus grande discrétion.

PS : prochain texte dimanche 28 juin.

23 juin 2020

Souvenir de Cabourg

 

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Faire semblant c'est simple, tu vois, me disais-je. Tu fais comme Proust : Lucy Gerard, n'est pas Lucy Gérard et le soir n'était sans doute pas ravissant, mais un de ces soirs où l'obscurité fait entrer dans un enfer imminent, celui où l’on sombre les jours de solitude, quant à la voile enchantée, diantre, ce n’était pas celle de Lucy Gérard, mais celle d’un autre …

J'avais beau avoir ce dialogue intime avec moi-même en pensant à Proust, je n’y arrivais pas.

C’était comme si, sur cette plage longue et lumineuse, la « Lucy Gérard » de Proust faisait défiler en moi une liste de femmes qui s’étaient refusées à moi, et tous ces gens debout, assis ou allongés sur le sable de la plage semblaient me dire.

-          Tu vois, c’est simple la vie, c’est aussi simple qu’une petite flaque d’eau sur le sable. Donc cesse de faire de ta vie une mer nostalgique.

Mais comment devenir un être humain en chair et en os, un être humain qui vit le moment présent et ne sombre pas dans un temps « dérobé par une voile enchantée » ?

 

PS : photo prise à Cabourg samedi dernier.

20 juin 2020

Solution

Nuit après nuit, il faisait ce rêve étrange et merveilleux de tuer sa mère. Deux possibilités s’ouvraient à lui : la Belgique, avec une euthanasie - mais comment convaincre sa mère qu’une euthanasie s’imposait ? - ou un tueur à gage.

Il pensa soudain à son ami Antoine, qui avait aussi maintes fois voulu passer sa mère de 89 ans de vie à trépas, et qui ne lui téléphonait plus depuis trois mois. Peut-être avait-il trouvé une solution ? Ou peut-être avait-il disparu, épuisé par les déplacements qu’il s’obligeait à faire entre sa maison et celle de sa mère  – 20 kms aller-retour -  deux fois par jour.

Il l’appela le soir même, mais personne ne répondit. Il se résolut donc à appeler la mère d’Antoine.

-      Ah, bonjour Guillaume, non, Antoine n’est pas là, il est à l’hôpital, une tentative de suicide, tu te rends compte ? Alors que moi, sa mère, je suis à l’article de la mort. Il y a vraiment des enfants qui ne pensent pas à leur mère

-      Et il est où ?

-      A la clinique du Cèdres.

-      Merci. Je passerai le voir.

-      Tu peux aussi passer me faire un petit bonjour si tu veux.

Il lui rappela – en évitant d’être agressif - que lui aussi s’occupait de sa mère et qu’il avait peu de temps  disponible.

L’ingrate, pensa-t-il, rien à battre de son fils, elle, elle et encore elle, comme ma mère.

Le soir même il chercha sur google  « tueur à gage – France », et aussitôt, une idée surgit…

 

PS : prochain texte mardi 23 juin

 

18 juin 2020

Que dire ?

A chaque fois qu’elle allait chez le psychiatre, le même problème revenait.

- Je ne sais pas quoi dire.

Et le psychiatre de répondre invariablement.

-          Dites-le et vous le saurez.

Le fait est que les mots venaient, mais si lentement, si douloureusement, si désespérément, qu’elle ressortait épuisée et, quand elle arrivait chez elle, à 18 h 30, son mari lui disait inéluctablement sa phrase fétiche : On mange quoi ce soir ?

Jusqu’au jour où elle lui  avait répondu.

-          On ne mange rien.

Ce fut la phase 1 de son déconfinement. Maintenant, chez le psychiatre, elle ne dit plus qu’elle ne sait pas quoi dire, et les phrases coulent aisément…

 

 

 

16 juin 2020

Duo de juin

Nouveau Duo, avec Caro, du blog " les heures de coton " et le tout à partir de cette photo de Gilbert Garcin où l'on peut apprécier le tableau " Un autre jour " d' Edward Hopper. 

Aujourd'hui, voici mon texte.

 

Garcin

 

Les seins

Toute ma vie, j’ai tourné le dos aux femmes. Elles m'ont terrifié,  dès ma naissance – je suis un prématuré - et, dans le ciel de ma vie, les nuages passent et ma peur demeure.

Jeune, j’avais une moustache, non que j’aimais les moustaches, mais elle me servait à effacer ce que je ne voulais montrer à personne, ma bouche. A cinquante ans, j’ai rasé ma moustache, mais ma bouche n’a pu s’ouvrir aux femmes et rien n’a changé.

Aujourd’hui, j’ai 75 ans ; j’ai grossi, beaucoup, et Les femmes me font toujours peur. Je l’ai remarqué dimanche, en entrant dans un musée où les toiles semblaient imposer un silence qui faisait entrer les hommes dans le secret de leur âme.

Ce dimanche-là, rien ne fut comme les autres dimanches. Je suis passé devant une toile où une femme nue s’offrait au soleil. Je n’ai pu m’éloigner, mais mes yeux ne la regardaient pas. Je voyais pourtant son corps nu et ses seins aussi durs que neige au soleil, ses seins qui me disaient :

-          Tu vois, tu ne nous as jamais touchés mais il est encore temps. Il te suffirait de nous toucher, une fois, une seule, et peut-être que ton corps pourrait enfin s’ouvrir au soleil levant.

C’est à ce moment-là que j’ai crié cette phrase nue qui a déchiré mon corps : « Donnez-moi ces seins, tous les seins de la terre, maintenant ! ».

Aussitôt le gardien est arrivé, puis le SAMU, et maintenant je suis dans une chambre blanche ou une femme en blanc m’apporte six médicaments matin et soir.

Hier, j’ai vu ses seins - elle s’est penchée pour me donner un verre d’eau – et, pour la première fois, mon pénis s’est érigé vers le ciel…

14 juin 2020

Duo de juin

Nouveau Duo, avec Caro, du blog " les heures de coton " et le tout à partir de cette photo de Gilbert Garcin où l'on peut apprécier le tableau " Un autre jour " d' Edward Hopper. 

Aujourd'hui voici le texte de Caro, le mien sera publié mardi prochain.

 

Garcin

 Iris

C’est ici qu’elle m’a quitté ; c’est ici que je l’ai retrouvée, trente ans plus tard. Vous me direz que ma femme a la peau brune, avec un corps râblé.

La dispute a éclaté dans le métro. Elle nous a suivis tout le long du trajet pour enfin exploser devant la file d’attente. Nos deux tickets à la main, j’ai regardé ma femme s’éloigner, les épaules secouées de colère. Je suis passé sous le portique qui a sonné, j’ai déposé ma montre et mon étui de cigarettes en argent dans le bac en plastique transparent. J’ai admiré les dernières acquisitions du Mu’um, le Musée urbain’ ultime et moderne, et je suis rentré. L’appartement était vide. Ma femme n’était plus là.

J’ai engagé un détective et j’ai appris qu’elle logeait dans un motel près du périphérique est. J’ai garé ma voiture derrière une camionnette blanche. J’ai mis la radio en sourdine et j’ai attendu. Je l’ai vue pousser la porte d’entrée vers 5 h du matin. Ma femme est infirmière. La lampe de sa chambre est restée allumée jusqu’à l’aube. Elle avait dû s’asseoir nue sur la courtepointe aux couleurs de la chaîne hôtelière. A un moment, elle a ouvert la fenêtre et elle s’est penchée. Le point incandescent de sa cigarette brillait doucement ; je devinais, à travers la fumée, sa bouche ronde et rouge. Alors que les premiers rayons du soleil pointaient à peine, sa lourde poitrine s’est échappée du peignoir orangé. Quelques minutes plus tard, le rideau a été tiré. J’avais mal ; son absence écorchait mon âme.

Je retourne rarement au Mu’um mais, pour l’exposition en cours, une ouverture matinale est proposée tous les jeudis. Dans le musée désert, j’ai déambulé jusqu’à cette femme qui attend, nue. Elle ne ressemble en rien à Iris. Excepté ses yeux qui contemplent le monde avec la même usure.

Ainsi, trente ans après, Je l’ai retrouvée. Son corps n’a pas vieilli, il a gardé sa douceur et ses arrondis prononcés. J’ai passé une main sur mon âme ; la cicatrice s’est effritée sous mes doigts. Je suis seul.

Dehors, le ciel semble inchangé. 

12 juin 2020

La mouette

 

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- Dis, tu l’as vue ?
- Qui ?
- La mouette.
- Je me fiche des mouettes. J’ai plutôt envie de bouffer que de regarder les mouettes.
L’ennui, avec ce type c’est qu’il se foutait de tout, il n’avait aucun respect pour rien et il assombrissait sa vie à la vitesse de l’éclair.
Elle a pris une profonde inspiration avant de lui dire.
- Tu sais à quoi elle pense la mouette ?
- Les mouettes ne pensent pas !
- C’est ce que tu crois mais celle-ci, depuis tout à l’heure, elle te regarde et elle se dit justement qu’il y a des hommes qui ne pensent pas.
- Tu te fous de moi ?
- Non, non ! En plus, elle se dit que tu ne feras pas de vieux os car tu n’as aucun humour.
Il  l’a regardée l’œil cynique et lui a dit.
- Ecoute, tu m’emmerdes avec tes mouettes. La prochaine fois, trouve-toi un ornithologue !

Puis il lui a tourné le dos, et il est parti, dans un monde qui n’était pas le sien.

Elle a souri, a éteint son portable et a continué sa promenade le cœur léger.

Les vacances commençaient enfin…

PS : photo prise sur la côte normande

10 juin 2020

Changement !

Quand je lui ai dit « J’ai viré de bord ! », Christophe a cru que je votais à droite ! L’imbécile ! Comme il me connaît mal ! Rien que ça, ça m’a découragé d’aller plus loin. Ma confidence, je la ferais à quelqu’un d’autre.

L’après midi, j’ai téléphoné à Juliette, peut-être qu’avec elle, ce serait plus facile. J’ai commencé de la même façon « J’ai viré de bord ! ». Elle s’est exclamée, d’un ton désinvolte.


- Oh, ça arrive à tout le monde !


Comment ça, ça arrive à tout le monde ! Ça m’étonnerait bien que ça arrive à tout le monde ! J’ai préféré ne pas insister et je suis passé à autre chose.


Le soir même, j’ai téléphoné à Jean, un copain que j’ai connu dans une agence d’intérim. Quand je lui ai dit « J’ai viré de bord », il m’a demandé, atterré.


- T’es devenu pédé ?
- Tout juste, lui ai-je répondu, content d’être compris.


Et il m’a raccroché au nez.

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