Le discours imaginaire de rentrée scolaire 2020
Un bourdonnement couvre la voix du Proviseur, comme d’habitude, mais cette année, on a des masques. Au programme, les résultats du bac – excellents, pour une fois, car c’était un bac COVID et il y a eu 100 % de réussite alors que d’habitude on touche les 70 % - les classes à 35 élèves – 36 parfois – les premières terminales versus réforme Blanquer, les consignes de rentrée du rectorat etc. L’ennui aidant, on se concentre sur les « éléments de langage », c’est tout de même plus drôle.
Ce nouveau Proviseur fait de son mieux pour mettre en application les mots clefs de la « novlangue ». Il commence d’entrée avec le « protocole sanitaire » - port de masques, gel, gestes barrières etc - il « balaie le conducteur », avant d’« impacter » » et « d’élargir le périmètre » parle de « bienveillance » – forcément – et soudain surgit le « retour sur investissement », suivi des « cohortes d’élèves » qui me terrifient et m’évoquent les troupes d’invasion de Gengis Khan.
Au bout de 40 minutes, le bourdonnement s’accentue et, avec les masques on ne comprend vraiment plus rien. Certains professeurs, distraits, auront raté – tant pis pour eux - les plus belles envolées poétiques du discours, avec « le travail en distanciel », le « décalage temporel », « la mouvance » . Emue, j’ai presque eu envie d’applaudir, voire de pleurer, l’émotion.
Une année scolaire qui s’annonce aussi mauvaise que la précédente, mais ce n’est pas grave, l’essentiel c’est de participer, non ? Et question participation, nous sommes les meilleurs, car l’année dernière, nous avons tellement participé que nous avons travaillé en distanciel et en présence. Qui dit mieux ?