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Presquevoix...
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30 novembre 2018

Le lien

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C’est sur les quais qu’elle l’avait rencontré la première fois. Il était assis, immobile, les yeux fixés sur le fleuve ; c’est ainsi qu’elle l’a vu pendant un mois, sans jamais lui adresser la parole, jusqu’au jour où il s’est tourné vers elle.

Son visage l’a troublée ; un visage qui ressemblait à un champ de bataille pouvait-il parler ? Elle s’est contentée d’un sourire et lui, d’un regard.

Des années durant ils se sont vus longuement, ici ou là. Sa voix, elle ne l’a jamais connue, seuls son regard et ses mains parlaient – jusqu’au jour où ses yeux se sont fermés pour le dernier voyage.

28 novembre 2018

le piano

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Chers voisins,

 

Je me permets de vous envoyer ce courrier car, entre le 24 et le 25 novembre,  j’ai passé une nuit épouvantable. Je dois dire que votre pratique du piano, de minuit à 3 heures du matin, m’a « percé » les tympans.

Au cas où vous l’auriez oublié, nous sommes en mitoyenneté. J’entends donc  ce qui se passe chez vous - sauf vos conversations, n’ayez crainte.

J’espère que dans les jours, mois et années à venir, vous aurez l’extrême obligeance de mettre la pédale douce après 22 heures. Soyez sûrs que cela ne diminuera aucunement vos progrès dans la pratique de l’instrument.

Je vous souhaite une excellente semaine. Sachez que la mienne commence de façon douloureuse car une migraine sévère me vrille le cerveau  ;  serait-ce dû à ce « concert » nocturne ?

 

Votre voisine,

 GB

26 novembre 2018

Liste des choses qui doivent être courtes

  • Ne plus avoir envie d’imaginer la vie des gens que je croise.
  • Penser que ma mémoire ne reviendra pas à ce qu’elle était avant le 25 mai 2018.
  • Exprimer mon agacement avec une grossièreté gênante
  • Croire que le piano et la guitare font partie d’une autre vie.
  • Constater que la solitude est un voyage sans fin.
  • Être hantée par une idée noire que je n’ai pas choisie.
  • Me sentir étrangère aux autres.
  • M’analyser avec un regard de jury de concours.
  • Croire que je suis transparente.
  • M’obstiner à chercher une touche de malheur.
  • Constater qu’un enfant n’est pas écouté par ses parents.
  • Me rendre compte que le bonheur est en moi mais que je l’ai perdu.
  • Supporter l’orgueil de ceux qui se pensent intelligents.
  • Penser qu’ailleurs l’herbe est plus verte.
  • Acheter pour combler l’angoisse du vide.
  • M’obstiner à croire que rares sont ceux qui se remettent en cause.
  • Voir la mort s’approcher à grands pas.

 

 

 

24 novembre 2018

L'art

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" L'art ne représente pas le visible, il le rend visible* ", voilà ce qu'il lui  dit en regardant les nuages dont le voyage innondait la plage d'étranges nuances.

- Et  comment te représentes-tu l'art de vivre ?

Le visage de son compagnon se troubla et donna au paysage l'intensité d'une vérité première.

- Pour moi, l'art de vivre, c'est l'art tout simplement. Je ne pourrais pas vivre sans lui.

- Et moi ? Où est ma place ?

- Tu es l'art, toi aussi.

- Mais je ne suis pas une artiste.

- Oui, mais mon regard sur toi te fait entrer au royaume de l'art, conclut-il simplement.

Marie sourit. Joseph avait  toujours l'art et la manière de donner à sa vie des allures de songe...

 

*PS : phrase de Paul Klee

*PS : photo prise au Tréport.

22 novembre 2018

Manon et Louise

Ça faisait quatre mois que Manon allait mal. Elle n’arrêtait pas de me dire qu’elle avait envie de mourir. Avec elle mes nuits étaient plus belles que mes jours ; au moins elle dormait. Au comble de l’exaspération, j’ai fini par prendre une décision : si tu veux, pour ton anniversaire, je te paie une psychothérapie de soutien ; avec 10 séances tu devrais aller mieux.


Elle n’a pas dit non. Manon ne dit jamais non, elle n’est pas contrariante ; enfin, jusqu’à ce jour où elle est arrivée la bouche en cœur. Elle revenait de sa dixième séance.


- On dirait que ça va mieux, lui ai-je fait en souriant, tu vois, qu’est-ce que je t’avais dit !


Elle m’a répondu l’air embarrassée : Oui mais… enfin… j’ai quelque chose d’important à te dire.

J’étais un peu étonné de tant de mystères, surtout qu’entre elle et moi il n’y a jamais eu de secrets. Et puis soudain elle s’est jetée à l’eau.


- Il faut que je te quitte. Toi et moi ça ne peut plus marcher. On est trop différent.


Je n’ai pas su quoi répondre. D’ailleurs je n’en ai pas eu le temps, elle est immédiatement partie sa valise à la main.


Depuis deux semaines je suis seul avec la chatte - oui, elle m’a quand même laissé Louise – et je dois dire que Louise me rend heureux.


 

20 novembre 2018

La girafe

20181101_093430“ Je te dis qu’il a une girafe chez lui ! ” avait insisté sa femme. Il n’en croyait pas un mot. Comment ce pauvre type aurait pu avoir une girafe chez lui ! Il n’y avait qu’elle pour imaginer des choses pareilles.

« Je l’ai vue ! » a-t-elle ajouté. Lui ne l’avait pas aperçue et il ne se laisserait pas influencer. Il s'est contenté de lui répondre.

-          Quelle chance que la sienne : pouvoir coucher avec une girafe !

Elle n'a rien dit  mais en observant ses yeux sombres, il a senti que sa réponse n’allait pas tarder ; et elle est arrivée.

-          En tout cas, moi je n’ai vraiment pas de chance de vivre et de coucher avec un butor !

Il a souri, a  lissé son plumage brun tacheté, s'est tenu immobile sur sa longue patte, puis il lui a proposé un marché.

-          Que dirais-tu d’une petite envolée au septième ciel, toi et moi ?

-          Quel beau voyage - a-t-elle dit en enlevant la robe rouge qu’elle avait achetée la veille - j’accepte !

Ni l’un ni l’autre n'est allé travailler, mais le ciel aurait-il pu attendre ?

 

PS : photo prise à Bruxelles en novembre 2018

 

18 novembre 2018

Avec ou sans démons ?

Elle détestait le métro à 9 heures : ses mines grises, ses extraterrestres aux oreilles connectées, ses odeurs, les regards qui n’en étaient pas, le bruit des roues. Alors, pour oublier, elle lisait.

Ce matin-là, elle essayait de se concentrer sur un article du Monde intitulé « Apprivoiser ses démons pour vivre sereinement », mais elle eut la sensation désagréable que le type derrière elle lisait par-dessus son épaule. Il commençait à l’agacer. Elle tenta de relire une phrase : « Le thérapeute conseille entre autre de repérer ses ruminations récurrentes… », mais c’en était trop, il n’avait vraiment aucune éducation, il lui volait le plaisir de sa lecture. Elle ferma son journal.

Aussitôt, derrière elle, on cria énervé.

-          Non, attends !

Elle se retourna prête à assassiner le malotru mais il prévint l’attaque.

-          Heu excuse-moi !  C’est juste qu’en ce moment j’ai besoin d’apprivoiser mes démons.

Elle le regarda stupidement puis répondit d’une voix brusque.

-          Je vous le donne cet article si vous voulez.

-          Merci, c’est gentil. Mais si vous n’avez pas fini…

Elle se radoucit un peu pour ajouter.

-          Je n’ai plus de démons,  alors si vous  avez besoin de soigner les vôtres gardez-le !

Il répondit juste.

-          Si vous croyez que ça me sera plus utile à moi qu’à vous.

Elle lui fourra le journal dans les mains et descendit à Réaumur Sébastopol. Ce qu’elle ne vit pas, c’est que lui aussi descendit. Il la suivit à bonne distance. Il avait le temps, rien à faire de particulier ce jour-là, à part son passage obligé à Pôle Emploi. Arrivé à la surface, il respira profondément, le métro l’avait toujours oppressé. Il la vit qui marchait déjà d’un bon pas sur le boulevard. Elle tourna à droite, à gauche, puis encore à droite et s’arrêta devant un sex shop. Elle entra. Il resta à la porte.

Vingt bonnes minutes se passèrent mais elle ne ressortait toujours pas. Sans doute travaillait-elle là, pourtant elle n’en avait pas le style. Il poussa la porte et fut un peu surpris par les gadgets, même si la vitrine était éloquente. Une voix l’accueillit.

-          Besoin d’apprivoiser ses démons ?

Il se tourna vers elle et répondit sans se démonter.

-          J’ai fini votre journal devant le sex shop, merci, je tenais à vous le rapporter en main propre.

Elle se sentit bêtement obligée de justifier sa présence dans la boutique.

-          Le sex shop ce n’est pas vraiment une vocation. J’ai un master en lettres modernes ; si je travaille ici c’est parce que je n’ai pas trouvé autre chose.

-          Il vaut mieux un emploi que pas d’emploi du tout, fit-il simplement en jetant un regard sur les godemichés qu’il jugea démesurés.

Elle l’observa un instant : grand, hirsute, les cheveux mi- longs, il avait la tête d’un vieil étudiant.

-          Vous voulez un café ?

Il ne se fit pas prier. Une fois assis dans l’arrière-boutique il lui demanda.

-          Vous avez reçu une formation spéciale pour travailler ici ?

-          Bien sûr, dit-elle en plaisantant, vous voulez que je vous montre mon savoir-faire ?

Il ne sut que répondre et rougit légèrement. Il repartit en fin d’après-midi alors que les ombres menaçaient d’engloutir Paris. Trop tard pour  Pôle emploi. Le bonheur est devenu une valeur essentielle de notre société, disait l’article du Monde…

 

 

16 novembre 2018

QI

Il avait été recalé au test d’intelligence mis en place par l’ambassade du pays où il souhaitait émigrer. Condamné à la misère dans son propre pays, il se suicida.

 

14 novembre 2018

A fleur de mots

20181102_144936La rumeur disait qu’elle devenait folle. Pourtant  non, point de folie, juste une petite guerre cérébrale qui la mettait parfois à fleur de peau.

Elle savait que bientôt, ses mots ne troubleraient plus l’ordre public car on la mettrait alternativement au Centre de la mémoire et du langage et à l’hôpital - dit psychiatrique - où elle pourrait acquérir  la tranquillité, la tête dans les nuages…

 

PS : BD vu dans la librairie « tropismes » à Bruxelles. Librairie dont je vous conseille la visite. Le lieu est ravissant et couvert de multiples livres pour adultes et  enfants. J’y ai passé plus d’ une heure lorsque je suis allée à Bruxelles début novembre.

 

 

12 novembre 2018

Le Vieux Campeur

Il était étendu sur le lit et tournait les pages du catalogue du Vieux Campeur pendant qu’elle regardait son feuilleton quotidien à la télévision ; elle n’en ratait jamais aucun épisode.

Soudain elle cria.

-          Arrête de tourner les pages, tu m’énerves.

Il continua comme si de rien n’était, trop occupé par son prochain achat : une tente igloo qui supporterait des températures de moins 20 degrés pour sa randonnée du mois de juin.

-          Arrête avec ces pages je te dis !

Il leva les yeux de son catalogue et la regarda un instant. Elle était assise sur son fauteuil, la tête légèrement penchée, buvant les paroles de «  héros » sclérosés, interprétés par des acteurs au jeu navrant.  Il ne put s’empêcher de lui dire.

-          Je me demande comment tu  fais pour supporter cette daube tous les soirs ! Moi, ça me fait gerber, et pourtant, je n’ai pas fait d’études littéraires ! Toi, la randonnée, le camping, les grands espaces, la toundra, l’aventure avec un grand A… ça te passe au-dessus de la tête, tu préfères t’abrutir avec ce feuilleton à la con ! Parfois, je me demande pourquoi on vit ensemble !

Elle resta silencieuse. Elle n’allait pas gâcher la fin de son feuilleton pour lui dire son fait. Ses sarcasmes, elle allait les lui faire avaler un à un au moment de la publicité. Tiens, pour commencer, elle lui parlerait de la visite impromptue de sa « chère » mère cette après-midi. Quand il saurait  qu’elle avait l’intention d’arriver avec arme et bagages dès la semaine prochaine pour rester dans leur chambre d’ami, et ce, pour une période indéterminée, ça lui ferait un choc ! Sa toundra et sa steppe, il n’était pas prêt d’y mettre les pieds.

Par contre elle, elle ne se disait pas non à un petit voyage en solitaire, pourquoi pas en Italie ?

 

 

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