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Presquevoix...
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19 février 2012

Le cadeau

La petite boite, emballée dans un carton haute protection recyclable, était accompagnée d’une carte postale où une vache sympathique énonçait les bienfaits du fumier 100 % naturel. Derrière la carte on avait juste écrit « En souvenir d’un salarié que vos méthodes de management ont conduit au bord du suicide ! »

Cette boîte eut sur lui un effet désagréable et le soir même, il en parla à sa femme. Celle-ci ne dit rien.

- Alors ? Insista-t-il.

- Alors quoi ? Tu veux savoir si je pense que tu es un fumier ?

Il la regarda étonnée. C’était la première fois qu’elle lui parlait sur ce ton.

 

18 février 2012

Le désespoir

Face à ses élèves de terminales STG dont l’attention se dispersait  dangereusement, il déclara de façon théâtrale.
-    De toute façon, avec vous, c’est alimentaire !
Devant l’incompréhension générale il dut leur expliquer.
-    Avec les autres classes, je prends plaisir à ce que je fais, avec vous non ! Avec vous,  je fais cours pour gagner ma croute, avec vous c’est A-LI-MEN-TAIRE.
Il ajouta, désespéré : « Je crois même que si je faisais cours à des... ». Et il s’arrêta immédiatement, effrayé de constater qu’il n’y avait plus aucune trace de pédagogie en lui, juste l’envie de blesser.

17 février 2012

Les odeurs

Quand son chef de service s’approchait d’elle, elle retenait sa respiration. La dernière fois, surpris, il lui avait demandé pourquoi elle parlait toujours du nez :  est-ce qu’elle avait un problème ?

Comment lui dire que le problème, c’était lui. Il lui restait bien une dernière solution : laisser traîner ce livre  sur son bureau…

16 février 2012

Les cadeaux

Pour la St Valentin, elle lui avait acheté un peignoir de superman. Quand il avait découvert « la chose », il avait dû lutter pour faire bonne figure.

- Alors, tu aimes ? avait-elle fini par lui dire, étonnée de son silence.

Il ne répondit pas immédiatement. Comme elle s’impatientait,  il fit semblant, comme souvent. Ensuite, il lui offrit son cadeau. Quand elle découvrit « la chose », elle eut du mal à cacher sa déception.

- Alors, tu aimes ? avait-il fini par lui dire, dans un élan d’enthousiasme.

Elle resta silencieuse puis, voyant qu’il attendait une réponse, elle essaya de faire semblant, comme souvent.  Avec un  sourire forcé  elle lui dit.

- Tu m’as aussi pris un forfait pour les cours ?

Il ne répondit rien, mais elle savait que son mutisme cachait le début d’une crise de mauvaise humeur.

 

 

15 février 2012

L’homme au masque blanc

pastelleSes rêves étaient hantés par une tête de cheval prise dans les glaces. S’il n’y avait eu que cette tête, elle n’aurait pas eu peur de s’endormir, mais il y avait aussi l’homme au masque blanc qui l’obligeait à sculpter une crinière que jamais elle n’achevait. Rêve après rêve, armée d’un d’une visseuse et d’un burin, elle imprimait à la glace des formes irréelles, mais jamais la crinière ne se pliait à ses désirs. Au début de chaque rêve, l’inconnu  l’accueillait avec une citation, jamais la même, qu’il articulait d’une voix neutre. Lors du dernier rêve il lui avait dit : Soyez résolu de ne servir plus, et vous serez libre*.

Etait-ce pour cette raison qu’elle l’avait tué ? Le sang avait giclé de mille fontaines et  avait recouvert la glace d’un drapé rouge. Elle avait longuement contemplé l’homme allongé, comme figé par le froid et, au moment où elle avait voulu lui retirer son masque blanc, sa main était restée prisonnière des glaces…

* citation de Etienne de la Boétie (1530 – 1563)

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Pastelle.

14 février 2012

La page 137

Chaque soir, depuis un mois,  il prenait le même livre à  la  page 137 et il s’endormait inévitablement après la lecture du  premier paragraphe. Il aurait pu changer de page ou changer de livre, mais non, il insistait.

Devenait-il fou ? C’est la question que sa femme se posait mais elle n’était pas certaine de la réponse. Son mari, apparemment, était toujours le même, à part une certaine tendance à la méfiance : la veille, il lui avait demandé si ce n’était  pas elle qui avait mis son signet à la page 138…

 

13 février 2012

Le Rouen-Amiens

On voit de drôles de choses dans un train. De si drôles de choses que j’ai même été tenté de me rendre au commissariat. Comment oublier cette scène-là ?

C’était la semaine dernière,  j’étais monté dans le train qui fait Rouen-Amiens, un tortillard qui écume les gares comme certains écument les bars. Vous vous demanderez peut-être  pourquoi je parle de bars...  c’est à cause de ce type, assis en face de moi, qui a  sorti une flasque. Il m’a proposé du cognac, j’ai refusé.

- Jamais le matin,  un principe, ai-je souri.

Il m’a rétorqué que lui aussi avait des principes, avant, mais qu’ils étaient tous tombés les uns après les autres, comme des combattants sur le champ d’honneur. Ensuite, il a sorti une photo et me l’a tendue.

- C’était elle, il y a cinq jours. Maintenant elle est morte.

- Morte ? Ai-je répété.

Et il ajouté, le visage livide.

- Oui, je l’ai tuée.

- Tuée ! ai-je repris abasourdi.

- Oui, elle ne méritait plus de vivre après ce qu’elle m’avait fait.

Je vous avouerais qu’à ce moment-là j’ai voulu partir, mais il était trop tard. Je devais tout écouter, jusqu’à Amiens.

Son histoire était triste, sordide même. La fille avait un amant -  son meilleur ami -  dont elle lui vantait les prouesses sexuelles. L’histoire avait duré six mois, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus et qu’il décide de la tuer.

Pendant qu’ il racontait son histoire, je jetais un coup d’oeil à la photo de la fille. On lui aurait donné le bon dieu sans confession,  pourtant ce type disait que c’était une salope. Qui croire ? Enfin, s’il disait la vérité, elle avait bel et bien disparu, découpée en morceaux, et les morceaux étaient dans la forêt, au lieu dit de “L’étape”. Je me demandais vraiment pourquoi il me donnait toute ces précisions.

Une fois arrivés à Amiens, il m’a serré la main, ma remercié de mon écoute, et m’a tendu sa carte de visite.

- Au plaisir, a-t-il dit.

En prenant sa carte, j’ai constaté qu’il était commissaire de police, à Amiens. Il devait être fou.

Je ne sais pas ce qui m’a poussé à le suivre de loin. Sans doute voulais-je savoir s’il m’avait menti. Il est entré au commissariat. J’aurais pu entrer moi aussi, le dénoncer, mais non,  j’ai préféré attendre dans le café d’en face, comme un abruti. A midi sonnantes, je l’ai vu sortir du commissariat et il s’est dirigé vers le café où je m’étais attablé. Quant à moi, j’ai changé de place, de peur qu’il ne me voie.

Il est resté au comptoir, a commandé un demi et une fille est venue le rejoindre, la même que celle de la photo. Ça m’a fait un choc.

Quand ils sont partis, moi aussi je suis parti, du côté opposé. Deux jours plus tard, j’apprenais par le journal local qu’un commissaire de police avait tué sa femme : c’était lui. Il l’avait tuée à 14 heures, le jour même où je l’avais rencontré, mais il ne l’avait pas coupée en morceaux, juste étranglée, à son domicile.

Depuis, je n’arrive plus à dormir. Je n’arrête pas de me dire que si je ne l’avais pas écouté dans ce maudit train, peut-être que la fille serait encore en vie.

PS : texte écrit dans le cadre des "impromptus littéraires"

12 février 2012

La fontaine

Quand Gérard, usé par sa journée d’errance, s’était penché au-dessus de la fontaine, il avait juste pensé qu’il aurait préféré un petit filet de vin rouge au lieu de l'eau insipide qui le rendait  triste à mourir.  Quelle ne fut pas sa surprise quand un jet de gros rouge qui « tâche » lui  éclaboussa le visage avant d’atterrir dans son gosier d'éthylique.

Après avoir copieusement requinqué son organisme affaibli, Gérard, le bardas sur l'épaule, zigzagua en direction de l’église de la Madeleine où il exigea d’être baptisé sur le champ. Puisque Dieu l'avait écouté, lui, Gérard, ne lui était-il pas redevable ?

PS : texte écrit après avoir vu cette vidéo-gag particulièrement drôle. 

11 février 2012

Les bruits

Il lui a téléphoné pour lui demander si elle pouvait passer chez lui tout de suite.
-    Tout de suite, mais pour quoi ?
-    A cause des bruits.
Il faut dire que depuis des mois, il se plaignait de ses voisins. Elle arriva presque instantanément, sa maison était au bout de la rue.
Quand il lui a ouvert la porte, son visage était triomphant.
-    Cette fois-ci, avec ton témoignage, ils vont l’avoir dans l’os les connards. Viens dans la salle à manger !
Elle l’a suivi.
-    Ecoute !
Et elle a écouté. De vagues bruits de guitare lui parvenaient, mais rien qu’elle n’aurait pu appeler du tapage.
-    Alors ? Lui a-t-il dit le visage radieux, c’est quand même dingue, hein, le sans-gêne de ce mec !
Elle a acquiescé prudemment et a loué le ciel de ne pas l’avoir comme voisin.

10 février 2012

Les genoux

P8190096Ce qu’il préférait chez lui, et sans fausse modestie, c’était ses genoux. D’ailleurs,  son médecin le lui avait presque confirmé lors de sa dernière consultation.
-    Vous avez des rotules magnifiques, magnifiques ! avait-il insisté en  regardant sa radio à plusieurs reprises.
Son extase mystique face à ses rotules lui avait paru bizarre, mais ce n’était pas la première fois que le comportement de son médecin le surprenait. La fois d’avant, après lui avoir pris la tension, il avait conclu.
-    Une tension de jeune homme, M. Dumontel, une tension de jeune homme. Et il lui avait tapoté le crâne à plusieurs reprises, comme on le fait avec un jeune chiot que l’on récompense…

PS : texte écrit à partir de cette photo prise par C.V.

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