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Presquevoix...
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11 février 2008

J’aspire donc je suis

Comme elle n’aspirait plus à rien elle décida, en désespoir de cause,  de s’acheter un aspirateur. Elle opta pour l’ aspirateur avec câble enrouleur, système de filtrage et brosse extra-plate  ultra dépoussiérante.
Maintenant, elle aspire une fois par jour. Rien ne  résiste à cette force aspirante qui engloutit tout sur son passage… et le bonheur est enfin là !

10 février 2008

La Voix

Jamais je n'oublierai celle qui pour moi restera toujours l'inconnue*. Elle n'avait ni visage, ni silhouette. Tout a commencé par ce coup de téléphone, un dimanche soir, je me souviens précisément de l'heure, il était 21 heures.
- Je voudrais parler à Jean Paul
- Je pense que vous faites erreur, il n'y a pas de Jean Paul ici.
- C'est bien le 01 45 28 77 49 ?
- Oui.
- Arrête de plaisanter Jean Paul, c'est Lise, ce que j'ai à te dire est très important. Si tu ne m'écoutes pas, je suis capable de me suicider, tu le sais !
- Mais je vous assure, je ne m'appelle pas Jean Paul mais Pierre ! Vous faites erreur.
Et à ce moment-là, elle a éclaté en sanglots. Comment ne pas être troublé ? N'importe quel homme aurait réagi de la même façon. J'ai essayé de lui parler, de la rassurer, rien ne la calmait. Voilà comment sa voix est entrée dans ma vie. A partir de ce jour là, elle m'a téléphoné tous les soirs. J'aurais certainement dû me méfier, prendre de la distance, mais je n'ai pas su ou pas voulu. Elle appelait tous les soirs à 21 heures. Sa voix me pénétrait, légèrement rauque et douce à la fois, sauf lorsque des larmes l'empêchaient de parler.
Je ne saurai dire, même aujourd'hui, si ce Jean Paul dont elle a parlé le premier soir existait vraiment. Ses appels ont duré quatre mois et soir après soir elle tournait les pages de sa vie. Peut-être a-t-elle menti, je ne sais pas. Il me suffisait de rester silencieux, de murmurer un « je vois » ou un « hm hm » et  elle parlait, comme si à la fin de chacune de ses journées, elle n'avait rencontré que le silence des murs d'un appartement qu'elle décrivait comme sombre et encombré d'absence.
A partir du troisième mois, elle  a changé. Sans doute parce que j'ai commencé à lui poser des questions. Je crois que je m'attachais à elle. Je n'aurais pas dû. Un beau jour, je lui ai dit : « Et Jean  Paul ? Il existe vraiment ? » Elle a eu l'air bouleversée que je remette en cause l'existence même de Jean Paul. D'ailleurs, elle a raccroché immédiatement, pour rappeler cinq minutes plus tard, en s'excusant.
Ce qui me paraît curieux, encore aujourd'hui, c'est que ni elle, ni moi, n'avons voulu nous rencontrer. Nous nous contentions du fil de nos voix.
A partir de ce soir là, je ne lui ai plus parlé de Jean Paul, je sentais que si je voulais continuer à l'entendre jour après jour, je ne pouvais plus lui poser de questions sur lui. J'étais déjà amoureux. Cet amour peut vous sembler étrange, mais quelque chose dans sa voix, dans le lien qui nous unissait, me paraissait plus important que tout ce que  possédais jusqu'alors.
Je finissais par ne plus sortir, déclinais toutes les invitations - même celles de femmes qui pourtant m'auraient plu -, je perdais l'appétit,  je ne lisais plus et j'attendais sa voix.
Tout au long du troisième mois, j'ai senti sa nervosité, son manque de patience. Le moindre bruit dans mon appartement, le moindre manque d'attention de ma part, tout lui était insupportable. Au début, elle me menaçait, presque gentiment « Si tu ne m'écoutes pas, je raccroche ! », mais à la fin du troisième mois, elle pleurait de plus en plus. C'est alors que je lui ai posé une nouvelle question, il fallait que je sache ce qu'elle cachait. « Dis-moi ce qui s'est réellement passé avec Jean Paul ! Est-ce qu'il s'est passé quelque chose dans mon appartement ? » Ces paroles n'avaient pas été préméditées, je venais de me souvenir que lorsque j'avais décidé de louer l'appartement,  le type de l'agence m'avait dit, mi-figue, mi-raisin, - «  j'espère que vous ne croyez pas aux fantômex ! », mais je suis assez peu curieux et je ne lui avais pas demandé d'explications. Il y eut un silence, puis elle m'a dit d'une traite qu'elle avait tué Jean Paul, dans la salle à manger de mon appartement, et que le corps avait été transporté ailleurs. « Je ne peux pas m'habituer à cette mort ! Ça ne peut pas être moi », ajouta-t-elle.
Je sais, on peut trouver bizarre que je n'aie rien fait, que je n'aie pas prévenu la police, que je n'en aie jamais  parlé ni  à mes amis, ni à mes parents !  J'ai gardé ce secret pour moi, pour nous, presque comme si cette mort était un enfant que nous aurions eu ensemble, elle et moi. J'étais amoureux fou d'elle, aussi stupide que cela puisse paraître, amoureux d'une voix.
Je ne lui ai pas demandé de détails sur la mort de Jean Paul, mais elle m'en a donné quelques-uns, sans doute pour savoir si nous pouvions sceller un pacte. La mort de Jean Paul était devenu notre mort. Je peux même affirmer que j'étais heureux qu'il ait disparu, c'était un peu comme si je l'avais tué moi-même.
A partir du quatrième mois, notre relation a beaucoup changé, elle est devenue très intime, plus charnelle. N'importe quel homme pourra se demander comment on peut avoir une relation charnelle  avec une voix... c'est pourtant ce qui s'est passé.
Chaque matin, je partais au travail avec sa voix, j'entendais ses chuchotements graves, ses frissons rauques, ses intonations me chatouillaient les lobes de l'oreille aux moments les plus insolites, et je sentais sa caresse lorsque je rédigeais mes dossiers de subventions au bureau ; je crois même… mais j'en parlerai peut-être plus tard.  Mon travail me pesait, mes collègues de bureau me déprimaient, je n'avais plus d'amis, il n'y avait plus qu'elle, elle et elle : j'étais éperdument amoureux, amoureux d'une voix qui avait dit s'appeler Lise. Je pense même pouvoir dire aujourd'hui que pour rien au monde je n'aurais voulu la rencontrer ; sa présence aurait instantanément rompu le lien qui nous unissait.
A 21 heures précises, toujours, elle me téléphonait et l'heure qui suivait  était d'une sensualité délicieuse. Jamais, avec aucune autre femme, je n'ai ressenti ce que j'ai ressenti avec sa voix. Chaque sensation était explorée jusqu'à ce que l'un comme l'autre nous découvrions les limites de notre jouissance. Elle savait exactement ce que je désirais au moment où je le désirais et nos voix exploraient nos corps dans leur intimité la plus absolue, aussi étonnant ou absurde que cela puisse vous paraître. Oui, je peux dire que je faisais l'amour avec une voix !
Depuis qu'elle n'est plus, je suis le passager  de ma propre  vie.  Je me suis perdu à moi-même.
Le premier jour du cinquième mois, le téléphone a sonné, mais à 19 heures. J'ai décroché, c'était un homme, il appelait du commissariat du 12ème arrondissement pour me dire que Lise était morte. Mon numéro était à côté de son téléphone, c'est la raison pour laquelle j'ai été appelé tout de suite. « Vous connaissez Lise Dedieu ? » m'a-t-il dit et j’ai tout de suite su qu’il s’agissait d’elle, « Elle est tombé du quatrième étage, un suicide », a-t-il précisé. « Elle a laissé un mot à côté du téléphone, je vous le lis, je ne sais pas ce qu'il faut en penser, voilà :  Jean Paul n'a jamais existé, c'était un fantôme. Sache que de  toute ma vie, je n'ai vécu que quatre mois. Maintenant je dois partir. Je n'oublie rien. Ta voix. »
Voilà comment sa voix a disparu de ma vie et m'a fait disparaître à moi-même. Je sais que vous ne croirez pas à mon histoire, pourtant je me sens obligé de laisser cette lettre dans l'appartement, pour qu'on sache... Celui qui la trouvera la lira puis la donnera à qui il pensera utile de la donner. Je peux juste dire que je pars pour me retrouver.
Pierre Donnat.

* phrase extraite de la nouvelle l'inconnue de Jacques Sternberg

9 février 2008

Comment changer notre regard ?

festivalregardscinemasudDans le cadre du festival « Regards sur le cinéma du Sud » j’ai vu, il y a quelque temps, le film « Agadez nomade FM » - de Christian Lelong et Pierre Mortimore - qui évoque la vie d’Agadez, ville du Niger aux portes du désert. En suivant les animateurs de la radio locale, nous entrons pudiquement dans l’univers de femmes et d’hommes qui font battre le pouls de la ville.
A la sortie du cinéma, en attendant une amie, je n’ai pu m’empêcher d’écouter ce que disaient trois personnes, sans doute des retraités, sur le film : 
- Quand même, on ne les a pas beaucoup vu travailler les hommes ! 
- Et les femmes non plus, tu as remarqué ? C’est pas comme ça que l’Afrique va pouvoir s’en sortir !
- C’est vrai !
J’ai pensé un instant qu’ils parlaient d’un autre film que celui que j’avais vu, mais non ! Les idées reçues ont la vie dure. A croire que la colonisation et  l’esclavage n’ont pas encore totalement disparu de nos esprits. Ce festival « Regards sur le cinéma du Sud » nous invitait pourtant au voyage, et nous aurions pu laisser à l’entrée toutes nos idées préconçues, mais ce voyage-là s’apprend ! Cette citation extraite du « Manuscrit trouvé à Saragosse » de Potocki (1761-1811), décrit à merveille notre difficulté à regarder :

« Hélas, les voyageurs n’ont ordinairement pour observer que les lunettes qu’ils ont apportés de leur pays et négligent entièrement  le soin d’en faire retailler les verres dans les pays où ils vont »

PS : Dans un petit entrefilet, Paris Normandie annonçait qu’après avoir quitté le festival « Regards sur le cinéma du Sud », le cinéaste Nigérian, Moustapha Alassane s’était fait traiter de « sale négro » sur les quais de la gare SNCF de Rouen...

8 février 2008

Qui et pourquoi

« Elle comprend pas ! Qui lui a fait ça et pourquoi? » A se poser ces mêmes questions, sa tête bourdonne. Couchée sur son lit dans la position du fœtus, elle pleure en s’interrogeant. Elle fait le tour de ses copains de classe mais ne peut imaginer que c’est l’un deux qui lui a fait ce sale coup.
On frappe à sa porte. C’est Nicole, son amie de toujours, sa copine qui vient aux nouvelles, mais il n’y a rien à dire.
- C’est pas possible, faut les retrouver, on doit tout donner à la prof mercredi, tu lui as parlé ?
- Elle m’a dit que c’était pas son problème et que j’avais qu’à me débrouiller.
- T’es sûre qu’ils sont pas dans tes affaires ?
- J’ai cherché partout, à l’école, chez moi, il y a quelqu’un qui me les a piqués, j’vois pas d’autres solutions.
- C’est dégueulasse ! Mais qui a pu faire ça et pourquoi ?
- Ben j’aimerais bien le savoir.
- Bon, écoute, on va s’y mettre. Toi tu commences le cahier d’histoire et moi celui de géo.
- Mais t’es dingue, on ne va pas pouvoir tout refaire en deux jours.
- Si on va y arriver et tu vas avoir une bonne note, c’est moi qui te le dit.
Elles se regardent et l’œil encore humide, Maude lui saute au cou. Elles se mettent ensuite toutes les deux au travail.
Le jour dit, les cahiers entièrement recopiés sont déposés sur le bureau de la prof pour la note finale de tenue et créativité. Une semaine plus tard, Maude, en rentrant chez elle, découvre dans le caniveau des cahiers. Ce sont les siens. Ils ont été jetés là, pour elle !
Adulte, elle se pose toujours la question de qui et pourquoi ?

8 février 2008

Peut-on vivre sans se brûler les ailes ?

marie8Il est de courts instants où j’ai la sensation d’être locataire de moi-même. A ces moments-là l’existence est une trahison – A qui ? A quoi ? Est-ce que je sais ?  -  et je vois des accusations sur tous les visages. Tout me blesse et me condamne ; je ne suis que poussières de moi… puis la tempête s’apaise. Je rassemble mes doutes, mes peines, mes joies… et redeviens moi-même, perdue dans la foule qui lutte pour la vie...

* Photo gentiment prêtée par Mariesondêtre.

6 février 2008

Il est temps de s’ennuyer

« Il est temps de s’ennuyer », ai-je lu dans un journal. S’ennuyer est bon pour la santé, favorise l’imaginaire et aide à réfléchir, voire à prendre du recul. Le problème, c’est que s’ennuyer a mauvaise presse, peut donner une impression négative dans ce monde où chacun est toujours super-occupé, où n’avoir pas un agenda rempli peut donner des boutons!

Synonyme de s’ennuyer : se languir. Tiens j’aime mieux ce mot qui évoque des états d’indolence, de nonchalance, qui fait surgir des images de hamacs, de chambres aux volets clos pour la sieste, de couverture posée sous l’arbre invitant à la rêverie. Se languir…de l’autre, d’un précédent état, d’une situation, d’un endroit, d’un souvenir ? Cela sonne plus doux à mon oreille et mon imaginaire pourrait s’emballer.

Donc, à partir d’aujourd’hui, j’ai décidé que j’allais me languir régulièrement, il est temps ! Je ne sais pas encore de qui ou de quoi, mais est-ce important?

6 février 2008

La mariée

mari_e

La mariée était-elle triste ? Non, ce n’était pas elle qui était triste, mais lui ! Elle venait de dire oui au marié et le curé les avait bénis. Il ne connaissait pas le marié, juste elle et aujourd’hui, il était dans cette église pour souffrir. De temps à autre, il avait besoin du petit aiguillon de la souffrance pour retrouver goût à la vie.  Deux ans plus tôt, c’était lui qui vivait avec la mariée, mais elle était partie à cause d’une broutille, une infidélité un jour de cuite, une femme de passage qu’elle n’avait pas supportée, une de trop. Partie, envolée, sans laisser signe de vie. Et aujourd’hui il la revoyait de blanc vêtu, au bras d’un type qu’il ne connaissait pas. Il l’avait oubliée assez vite, mais maintenant qu’il la voyait au bras d’un autre, c’était plus fort que lui, il la désirait à nouveau. Il l’aurait même prise, là, dans la nef, sous les yeux du curé et du mari réunis s’il avait pu.
Elle s’avançait très digne,  au bras de son mari, il n’allait quand même pas laisser faire ça ! Quel gâchis ! Il était sûr que ce type ne savait même pas la faire jouir ! Ce rival  n’était  pas digne de lui !
La petite morsure de la jalousie s’agrippait à son cœur comme le lierre qui court le long des façades et il avait un nœud au creux de l’estomac. Il suivit les mariés dans la nef, à distance, et s’imaginait que c’était lui qui était au bras de la mariée. L’orgue continuait de jouer pour eux et une fois la cérémonie achevée, il ferait l’amour avec elle, comme avant ; il se souvenait qu’elle gémissait souvent… Non, il ne pouvait pas continuer à souffrir comme ça. Il fallait qu’il rencontre une fille, tout de suite, et qu’il se passe quelque chose, juste pour oublier. Son plan d’attaque serait le suivant : il se mêlerait aux invités et ce serait bien le diable s’il n’y avait pas une fille prête à faire l’amour avec lui dans une assemblée pareille. Il était grand, plutôt pas mal et il n’y avait aucune raison pour qu’il reste seul ce soir-là !
Cinq  heures plus tard, il faisait le bilan de la soirée, assis dans sa voiture, la tête sur le volant, et l’esprit brumeux : la mariée l’avait ignoré, pendu en permanence au bras de l’imbécile qui lui servait maintenant de mari, et il n’avait même pas su convaincre la fille qui avait dansé avec lui à plusieurs reprises à l’accompagner chez lui ! Il se retrouvait seul comme un rat. De toutes façons, avec l’alcool qu’il avait ingurgité, il n’aurait pas été capable de grand chose… Bon, maintenant il allait sagement rentrer chez lui et dormir. Il  avait réussi à vivre plus d’un an sans penser une seule fois à elle, il n’allait  tout de même pas commencer à faire une fixation maintenant ! Parce que finalement, qu’est-ce qu’elle avait de plus que les autres ?

* photo vue sur le site http://www.1001mariages.com

5 février 2008

Quel est le gain des gaines ?

gaine2

Le journal Le Monde du 3 février nous signale que les gaines reviennent en force. Il paraît que 80 % des anglaises décident de recourir à « l’artifice » de la gaine.
Je me demande pourquoi les femmes choisissent de se « serrer la ceinture », surtout en cette période de « vache maigre » ?  Une double peine ?
En faisant une recherche sur internet – je sais, il y a des recherches plus intéressantes à faire - j’ai vu qu’il y avait une infinité de gaines : la gaine culotte, le panty gainant, la gaine ventre plat, le combiné gaine, la gaine taille minceur, le porte-jarretelles gainant etc. Le nombre de ces petits accessoires intimes de torture est impressionnant ! La guerre est donc déclarée pour envelopper, maintenir, enserrer, soutenir, ceindre, ceinturer ces chairs « disgracieuses » qui ne cherchent qu’à s’échapper afin de reprendre leur liberté…
Qui n’a jamais entendu ce dicton chuchoté aux filles depuis leur plus tendre enfance : « Il faut souffrir pour être belle » ?  Oui, les canons de la beauté ont un prix : le supplice de la gaine, sans parler des autres supplices…

photo vue sur le site http://www.3suisses.fr

4 février 2008

Elle regarde ses mains

Elle regarde ses mains posées à plat sur ses genoux, bien sagement, ses mains qui sont le reflet de son histoire, de sa vie, ses mains qui ont caressé, cajolé, câliné, ses mains qui ont flatté, effleuré, frôlé, ses mains qui ont aimé et étreint, ses mains qui ont lavé, nettoyé, astiqué, ses mains qui ont tant travaillé.

Sa vie est derrière elle et son avenir se résume à ce parc, certes joli, mais si limité. Cela fait une année qu’elle vit ici et même si tout est bien, propre en ordre, elle s’y sent une étrangère. Ce n’est pas chez elle et cela ne le sera jamais. C’est cette garce qui a tout manigancé et tout le monde s’est fait avoir, son imbécile de fils en premier. « Une belle maison, tu verras, tu n’auras plus rien à faire, tu seras comme une reine, c’est les autres qui vont travailler, toi tu n’auras qu’à te laisser vivre, tu l’as bien mérité. » Elle n’a pas osé dire non, voyant bien que cela n’aurait servi à rien, que les dés étaient jetés, que passé un certain âge, on n’est plus bon à rien, qu’on devient un fardeau pour ses propres enfants à qui on a tout donné et qui ont la mémoire si fuyante. Se révolter ? A quoi bon, il ne lui reste que peu de temps, son cœur est fatigué lui aussi, usé par les émotions qui ont traversé sa vie en laissant leurs traces. Ses mains reflètent ce qu’elle est devenue, une vieille femme ratatinée, fatiguée, desséchée.

Elle respire à plein poumon l’air frais qui lui effleure le visage mais qui pénètre ses os, frissonne et serre son lainage autour de ses épaules. On l’a oubliée, c’est sûr. Le soleil décline déjà au loin et la bénévole qui l’a installée sous le saule à dû partir sans avertir. Ses mains se crispent un peu sur la couverture qui recouvre ses jambes mortes. Elle aimerait partir maintenant, s’envoler avec cette brise, disparaître comme elle a vécu, discrètement. Oui, c’est ce qu’elle aimerait. Ce soir pourrait être le bon moment ? Si elle prend froid, si on l’oublie suffisamment longtemps, qui sait, peut-être toute la nuit…au matin elle se sera envolée. Pfft, plus rien, plus de Madame Potini, au ciel Madame Potini ! Elle rit tout doucement, elle imagine la tête de tout ce petit monde, de sa famille. « Une vieille dame abandonnée par sa famille et oubliée dans le jardin meurt de froid ». Un beau scandale à la une des journaux ! Oui, ce serait bien, une fin, ma foi, peu conventionnelle, il faut l’avouer mais si libératrice.

Elle regarde ses mains, les rapproche, les serre paume contre paume, dans un geste de prière et, alors qu’elle pensait avoir tout oublié, de ses lèvres sortent des mots d’un autre temps…

4 février 2008

Le théâtre ou l’écriture ?

Je dois avouer que j’envie Anne Brochet* ! Il nous est dévoilé, dans Le Monde du 3 février, qu’elle a décidé d’arrêter le théâtre « pour se consacrer à l’écriture ».
Moi aussi j’aimerais arrêter le « théâtre de l’enseignement » pour me consacrer à l’écriture, mais qui voudrait de mes écrits ? Personne, c’est à craindre. Je l’ai d’ailleurs expérimenté il y a 6 ans ! Je pourrais peut-être vendre mes « nouvelles » à la criée, et j’annoncerais à qui ne voudrait pas l’entendre « Un euro messieurs dames, un euro la nouvelle, c’est pas cher, un euro la nouvelle, approchez ! »
Non, tout bien  réfléchi, je pense que je vais continuer " le théâtre " !

* Anne Brochet fait partie de ces actrices au charme particulier. Je l’ai vue  dans « Cyrano de Bergerac » de Jean Paul Rappeneau, "La chambre des magiciennes » de Claude Miller et « Tous les matins du monde » d’Alain Corneau. A chaque fois, la même émotion...

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